**Journal intime 2 janvier**
Maman nous a placées à lorphelinat juste après le Nouvel An
Les filles pleuraient. Nous étions des enfants choyées. Quand maman organisait sa vie sentimentale, et elle le faisait souvent, mes sœurs, Amélie et Élodie, vivaient chez notre grand-mère. Mais à Noël, grand-mère nous a quittées, et maman nous a confiées à lorphelinat. Non, elle nétait pas une débauchée, elle ne buvait pas, ne fumait même pas. Seulement, est-ce juste quun ex-mari vive comme il lentend tandis quelle doit soccuper seule de deux enfants ?
Maman déboutonnait le manteau dÉlodie en murmurant : « Arrêtez de pleurer, les circonstances lont voulu, est-ce ma faute ? Vous serez bien ici, vous me remercierez plus tard ! » Élodie, âgée de trois ans à peine, suffoquait de sanglots, trop petite pour comprendre. Mais en voyant les yeux froids de maman et le visage tremblant dAmélie, sept ans, elle sentait que tout allait mal. Maman siffla : « Ne me faites pas honte, je ne vous laisse pas tomber. Dès que je minstallerai, je reviendrai. Je viendrai à Pâques ! » Les filles, encore en larmes, se calmèrent : maman avait promis de revenir.
Ladaptation fut difficile, bien que les éducatrices nous aimaient pour notre douceur, notre intelligence et notre tendresse lune envers lautre. Amélie captivait avec ses grands yeux noirs sérieux, tandis quÉlodie ressemblait à un petit nuage blond et joyeux. Élodie tirait la manche dAmélie : « Quand vient Pâques ? Elle viendra nous chercher ? » Amélie répondait patiemment : « Pâques, cest une fête, au printemps Tu te souviens quand mamie peignait les œufs ? » Élodie hochait gravement la tête, mais les larmes perlaient à ses cils. Amélie aurait voulu savoir elle aussi. Elle demanda à une éducatrice, Madame Lefèvre, qui sétonna : les enfants attendaient généralement Noël ou leur anniversaire. Elle offrit un petit calendrier : « Vois-tu, Pâques est là, jai entouré la date. Chaque jour, tu barres un chiffre. » Amélie commença à compter.
Le matin de Pâques, Élodie accourut, un œuf rouge dans les mains : « Amélie ! Maman arrive aujourdhui, je suis sage, et toi ? » Amélie aussi avait hâte. Mais lattente devint angoissante. Au soir, comprenant que maman les avait trompées, elle consola Élodie : « Sans doute son bus est-il embourbé. Les routes sont affreuses ! Elle viendra demain. » Maman ne vint jamais. Un matin, Élodie avait disparu. On expliqua à Amélie que sa sœur avait été reprise. Plus tard, elle apprit que maman lavait abandonnée, elle.
Par chance, une tante paternelle, Tante Sophie, la retrouva deux ans plus tard. Douce et aimante, Amélie finit par lappeler « maman ». Les blessures cicatrisèrent lentement.
**Années plus tard**
Devenue infirmière, Amélie se maria, eut un fils. Une vie modeste, mais heureuse. Puis, une lettre arriva. DÉlodie. Élodie écrivait depuis une ville lointaine, dune main tremblante mais déterminée. Elle se souvenait à peine de lorphelinat, seulement de lœuf rouge et du visage dAmélie penché sur elle. Maman les avait abandonnées toutes les deux, finalement après Pâques, elle navait jamais cherché à les reprendre. Élodie avait été placée, déplacée, puis oubliée. Elle avait mis des années à retrouver la trace dAmélie.
La lettre se terminait par ces mots : *« Tu étais mon唯一 famille. Si tu veux bien de moi, je viens. »*
Amélie plia la feuille, la posa sur son cœur un long moment, puis alla préparer la chambre damis.







