**Journal intime 15 novembre**
Deux ans après le divorce, jai croisé mon ex-femme : tout mest apparu clairement, mais elle na eu quun sourire amer et a rejeté ma supplique désespérée de tout recommencer
Quand notre deuxième enfant est né, Aurélie a cessé de prendre soin delle. Autrefois, elle changeait de tenue cinq fois par jour, obsédée par la recherche de la perfection. Mais après son retour de la maternité de Lyon, elle semblait avoir oublié lexistence même des miroirs engloutie dans un pull informe et un survêtement aux genoux lâches, qui flottait autour delle comme un drapeau de défaite.
Dans cet « ensemble » regrettable, elle ne se contentait pas de vaquer à ses tâches elle y vivait, jour et nuit, sendormant souvent dans ces loques, comme si elles étaient devenues une seconde peau. Lorsque je lui demandais pourquoi, elle haussait les épaules et marmonnait que cétait plus pratique pour les réveils nocturnes. Une logique sinistre, je ladmets, mais tous ces principes quelle me sermonnait autrefois « Une femme doit rester une femme, même en enfer ! » sétaient évaporés. Aurélie avait tout oublié : son institut de beauté adoré à Toulouse, sa salle de sport, quelle considérait comme sacrée, et pardonnez-moi cette audace elle ne mettait même plus de soutien-gorge le matin, traînant dans la maison avec une poitrine affaissée, comme si cela navait aucune importance.
Son corps, bien sûr, avait aussi sombré. Tout sétait délit la taille, le ventre, les jambes, même son cou avait perdu sa fermeté, nétant plus quune ombre de lui-même. Ses cheveux ? Un véritable cauchemar : tantôt une masse sauvage et ébouriffée, comme frappée par une tempête, tantôt un chignon bâclé, avec des mèches rebelles qui semblaient crier au secours. Le pire, cest quavant la grossesse, Aurélie était éblouissante une vraie dix sur dix ! Quand nous nous promenions dans les rues de Bordeaux, les hommes se retournaient, leurs regards collés à elle. Cela flattait mon orgueil voilà ma déesse, rien que pour moi ! Et maintenant il ne restait plus rien de cette déesse, juste une silhouette fanée de sa gloire passée.
Notre maison reflétait sa chute un marais lugubre de chaos. La seule chose quelle maîtrisait encore était la cuisine. À cœur ouvert, je le dis : Aurélie était une magicienne aux fourneaux, se plaindre de ses plats aurait été un péché. Mais le reste ? Une pure tragédie.
Jai tenté de la secouer, supplié quelle ne se laisse pas sombrer ainsi, mais elle se contentait dun sourire navré et de promesses vides. Le temps a passé, ma patience sest érodée voir ce spectre de femme jour après jour est devenu insupportable. Une nuit dorage, jai prononcé larrêt : le divorce. Aurélie a essayé de me retenir, répétant ses vaines assurances, mais sans cris, sans combat. Quand elle a compris que ma décision était irrévocable, elle a soupiré, le cœur lourd :
*« Comme tu voudras Je croyais que tu maimais. »*
Je nai pas voulu mengager dans un débat stérile sur lamour ou son absence. Les papiers ont été signés, et peu après, à la mairie de Marseille, nous avons reçu nos actes de divorce fin de lhistoire.
Je ne suis sans doute pas un père exemplaire à part la pension alimentaire, je nai rien fait pour aider mon ancienne famille. Lidée de revoir celle qui mavait autrefois ébloui par sa beauté me donnait un coup au cœur que je préférais éviter.
Deux ans plus tard. Un soir, errant dans les rues animées de Paris, jai aperçu une silhouette au loin sa démarche si familière, légère, presque dansante. Elle marchait droit vers moi. Quand elle sest approchée, mon cœur sest arrêté Aurélie ! Mais quelle Aurélie ! Renaissant de ses cendres, plus éclatante que jamais, incarnation même de la féminité. Talons hauts, coiffure impeccable, tout en elle était harmonie robe, maquillage, ongles, bijoux Et ce parfum, celui dautrefois, qui ma frappé comme une vague, me noyant dans des souvenirs oubliés.
Mon expression a dû tout trahir choc, nostalgie, honte car elle a éclaté dun rire tranchant, triomphant :
*« Quoi, tu ne me reconnais pas ? Je tavais dit que je men sortirais tu nas pas voulu me croire ! »*
Aurélie a daigné me laisser laccompagner à son cours de fitness, mentionnant brièvement les enfants ils se portent à merveille, pleins de vie. Delle-même, elle na pas dit grand-chose, mais elle nen avait pas besoin son éclat, cette assurance inébranlable, ce charme nouveau et fulgurant parlaient plus fort que nimporte quel mot.
Mes pensées sont retournées à ces jours sombres : elle traînant dans la maison, brisée par les nuits blanches et le poids du quotidien, enveloppée dans ce maudit pull et ce survêtement, ce chignon pitoyable comme symbole de capitulation. Comme cela mavait exaspéré cette élégance perdue, cette flamme éteinte ! Cétait pourtant la même femme que javais abandonnée, et avec elle, nos enfants, aveuglé par mon égoïsme et une colère passagère.
En nous séparant, jai balbutié si je pouvais lappeler, lui avouant que tout mapparaissait désormais clair, implorant un nouveau départ. Mais elle na eu quun sourire froid, victorieux, secouant la tête avec une fermeté implacable avant de lancer :
*« Tu as compris trop tard, mon cher. Adieu. »*







