J’ai entendu la sonnette. J’ai ouvert la porte, et là se tenait la maîtresse de mon mari.

Cher journal,

Ce soir, le carillon a retenti à ma porte. En ouvrant, je suis tombée nez à nez avec la maîtresse de mon mari. Elle ne ressemblait pas à une intruse en colère; elle portait un simple trench coat, une petite sacoche en cuir, et dans ses yeux brillait une lueur que je ne sais comment appeler. Peutêtre la fatigue, le triomphe muet, ou la peur.

Elle ne sest pas mise à crier ni à pleurer. Dun regard perçant, elle a prononcé ces mots que je noublierai jamais: «Je pense que tu devrais enfin connaître la vérité.»

Pendant quelques secondes, je suis restée figée. Mon cœur battait la chamade, comme si mon corps pressentait le drame avant que mon esprit ne le comprenne. Jai voulu claquer la porte, mais une curiosité, ou peutêtre une intuition, ma retenue.

Je lai laissée entrer. Nous nous sommes assises dans la cuisine de notre appartement à Paris, dans le quartier du Marais. Elle a sorti de son sac des photos, des impressions de messages, des enveloppes. Tout était posé sur ma table: preuves dinfidélité, mensonges, double vie que mon époux menait depuis des années. Et moi, je pensais connaître lhomme avec qui je partageais le même toit.

Je ne me souviens plus de la première phrase quelle a dite. Peutêtre son prénom, peutêtre une date. Ce qui reste gravé, cest ce sentiment dengourdissement, comme si le monde perdait ses couleurs et seffondrait. Ce nétait que le commencement.

Chaque nouvelle photo menfonçait davantage dans le découragement. Ils étaient ensemble dans un bistrot à Lyon, sur un sentier des Alpes, sur une plage dArcachon, souriants, enlacés. Ce nétait pas un simple flirt: cétait une relation longue, intense, avec des émotions que je ne voyais plus dans les yeux de mon mari.

Depuis quand cela dure?aije demandé, dune voix étrangement calme, comme si jétais une actrice jouant une scène difficile.
Quatre ans,at-elle répondu sans hésiter.Et je sais ce que tu penses maintenant. Moi aussi, je me suis laissée berner. Au début, il parlait de divorce, comme si notre mariage nétait plus quune formalité.

Je la regardais, honteuse, non pas devant elle, mais devant moi-même: honte de navoir rien vu pendant tant dannées, de croire à chaque excuse, à chaque «appel professionnel», à chaque «je dois rester tard au bureau».

Pourquoi estu venue?aije fini par demander.Tu veux que je lui fasse le feu?Tu cherches à le punir?Ou bien à me libérer le chemin?

Elle a esquissé un sourire triste.
Non. Nous ne sommes plus ensemble depuis plusieurs mois. Il ma quittée comme il ta trompée toutes ces années. Fatigué de mener une double vie, il a promis de tout te dire avant de disparaître. Il ne la pas fait. Cest pourquoi je suis venue.

Après son départ, je suis restée dans le silence pendant de longues heures, figée comme une statue. Je nai pas pleuré. Jai parcouru les photos, relu les messages: «Tu me manques», «Tu penses à moi?», «Cétait merveilleux». Je reconnaissais son style, sa façon décrire, même les émoticônes quil utilisait. Lun des messages était daté de mon anniversaire, où il mécrivait quil ne pouvait pas venir parce que «ma femme prépare quelque chose, je dois faire semblant dêtre le mari». Ces mots ont été les plus douloureux. Ce nétait pas tant la trahison physique que le fait davoir été une «épouse de façade», une actrice dans son propre théâtre.

Cette nuit, le sommeil ma échappé. Je me suis levée, préparé un thé, et je suis restée dans la cuisine, le téléphone à la main. Jai voulu lappeler, lui demander «Pourquoi?», mais je savais que cela ne servirait à rien. Il se serait défendu ou sexcuserait à demivoix. Les voix dans ma tête étaient toutes fausses.

Le lendemain, je lai vu dun œil nouveau, comme un étranger. Les mêmes gestes, le même mug de son entreprise, mais chaque mouvement semblait vide. Son «Comment sest passée ta journée?» sonnait comme une raillerie, son «Je taime» nétait quun écho creux.

Je nai pas tout lui dit immédiatement. Je navais pas la force. Dabord, je devais comprendre ce que je voulais faire de cette révélation. Bien que furieuse, blessée, humiliée, une partie de moi laimait encore, ou du moins limage quil représentait.

Quelques jours plus tard, au dîner, je lai interrogé:
Tu te souviens de Mélisande?
Il est resté figé un instant, assez longtemps pour que je voie que lon ne peut plus faire semblant.

Que sestil passé avec elle?aije insisté.
Elle était chez moi. Elle ma tout montré,atil répondu, pâle, en posant sa fourchette. Dans ses yeux, jai découvert ce à quoi je ne mattendais pas: non la peur, mais le soulagement.
Je savais quelle finirait par arriver,atil murmurés.Elle a toujours été plus courageuse que moi.

Il na pas ni nié, ni demandé pardon. Cétait comme si tout le sens de la discussion était déjà expiré, comme si quelquun devait finir ce quil navait jamais pu achever.

Trois mois ont passé depuis cet échange. Il vit chez son frère, nous nous voyons rarement, même si, sur le papier, nous restons mariés. Nos enfants sont adultes, la maison est grande, je paie les factures en euros toute seule. Je me demande souvent ce qui vient après: que faire, où aller?

Je ne sais rien de certain, sauf une chose: je ne ferai plus jamais confiance aveuglément. On peut être femme pendant vingt ans sans jamais connaître lhomme qui partage son lit. On peut bâtir une vie sur des sourires, des photos de vacances, et ne jamais voir que, derrière, une toute autre histoire se joue.

Mélisande a eu raison de venir. Je ne sais pas si elle a bien agi, mais grâce à elle, jai cessé de vivre dans le mensonge. Peutêtre un jour je la remercierai. Pas aujourdhui. Aujourdhui, la blessure est encore vive.

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J’ai entendu la sonnette. J’ai ouvert la porte, et là se tenait la maîtresse de mon mari.
Всё, что остаётся после: Путешествие по потерям и надеждам