Ce n’est pas à toi de décider où vivra mon fils» – lança son ex en franchissant le seuil

Ce nest pas à toi de décider où vivra mon fils, lança son ex-femme en franchissant le seuil.
Papa, quand est-ce que maman va venir ? demanda Théo, posant son cahier de maths.

Pierre Lefèvre leva les yeux de son journal et regarda son fils. Le garçon navait que huit ans, mais ses yeux reflétaient déjà une tristesse dadulte qui naurait pas dû être là.

Je ne sais pas, mon chou. Elle a dit quelle viendrait ce week-end, et aujourdhui, ce nest que mercredi.

Elle viendra vraiment ? La dernière fois, elle avait promis, mais elle a appelé pour dire quelle était trop occupée.

Pierre soupira. Comment expliquer à un enfant que sa mère vivait désormais dans une autre ville, avec un autre homme, et que Théo nétait plus quune obligation mensuelle ? Une fois par mois, elle arrivait, lui achetait un jouet, lemmenait au café, puis disparaissait à nouveau.

Elle viendra, mon cœur. Je te le promets.

Daccord, murmura Théo en reprenant son livre. Papa, je peux regarder des dessins animés après ?

Termine dabord tes devoirs.

Pierre retourna à son journal, mais les mots se brouillaient sous ses yeux. Trois ans depuis le divorce, et sa vie tournait toujours en rond : travail, maison, Théo. Ses amis lui conseillaient de rencontrer une femme, de recommencer, mais comment se lier sérieusement quand on avait un enfant qui attendait sa mère ?

Dehors, la nuit tombait quand Théo referma enfin ses cahiers.

Papa, quest-ce quon mange demain ?

Des raviolis. Tu les aimes bien, non ?

Oui, sourit-il. Et une salade ?

Une salade de concombres.

Ils se rendirent ensemble dans la cuisine, et Pierre sortit les ingrédients du frigo. Théo sassit sur un tabouret, balançant les jambes, racontant sa journée à lécole.

Lucas sest cassé le genou aujourdhui en sport ! Il y avait du sang partout. La maîtresse la emmené à linfirmerie.

Rien de grave, jespère ?

Non, juste un pansement. Dis papa, pourquoi les parents de Lucas viennent toujours ensemble aux réunions, et pas toi et maman ?

Pierre sarrêta net, le couteau en suspens.

On a des emplois du temps différents.

Ah, fit Théo, visiblement peu convaincu.

Après le dîner, le garçon alla se brosser les dents sans protester. Pierre rangea la cuisine, prépara une tisane. Le silence habituel régnait dans lappartement. La télévision murmurait en fond, presque inaudible.

Le lendemain, au bureau, son collègue Matthieu revint à la charge.

Pierre, arrête de te prendre la tête ! Elle a quasiment abandonné son fils ! Quest-ce que ça change quelle vienne une fois par mois ? Théo tadore, il nest pas distant. Tu es un bon père.

Tu ne comprends pas. Je nai pas de temps pour moi. Le matin, lécole, le soir, les devoirs, le dîner, lhistoire du soir. Le week-end, les courses, le ménage

Trouve une femme qui taidera ! Une bonne personne. Une belle-mère ne ferait pas de mal à Théo.

Et sil ne laime pas ? Et si sa mère revient et fait une scène ?

Elle ne reviendra pas ! fit Matthieu en haussant les épaules. Si elle lavait voulu, ce serait déjà fait.

Pierre ne répondit pas. Au fond, il savait que son ami avait raison, mais ladmettre lui faisait mal.

Ce soir-là, alors que Théo faisait ses devoirs, on sonna à la porte. Pierre regarda par lœilleton et retint son souffle. Cétait Élodie, son ex-femme. Il ouvrit.

Salut, dit-elle. Je peux entrer ?

Bien sûr. Théo ! Maman est là !

Le garçon jaillit de sa chambre et se jeta dans les bras de sa mère. Élodie létreignit, maladroitement, comme si elle avait oublié comment faire.

Tu as tellement grandi ! Tu es presque un homme.

Maman, tu restes longtemps ? Tu mas apporté un cadeau ?

Bien sûr. Mais dabord, je dois parler à papa.

Théo hocha la tête et retourna dans sa chambre. Élodie sassit dans le salon. Pierre resta debout.

Tu veux un thé ?

Volontiers.

Il prépara deux tasses. Élodie semblait en pleine forme : nouvelle coupe, vêtements élégants, ongles manucurés. La vie à Lyon lui réussissait.

Ça va ? demanda-t-il.

Très bien. Mon travail me plaît, je gagne bien ma vie. Et vous, ici ?

Ça va. Théo travaille bien à lécole, pas de problèmes.

Élodie marqua une pause, puis se redressa.

Pierre, je suis venue pour une raison. Vincent et moi, nous allons nous marier.

Félicitations.

Et je veux que Théo vienne vivre avec moi.

Pierre sentit son estomac se serrer. La tasse trembla dans sa main.

Quoi ?

Je veux quil soit avec moi. Jai une situation stable maintenant, un bon salaire, Vincent lapprécie. Et toi ? Tu es toujours au travail, il est tout seul.

Élodie, tu dérailles ? Théo est heureux ici, il a son école, ses amis. Et puis, toi-même

Moi-même quoi ? Jétais jeune, javais peur. Maintenant, je suis prête à moccuper de lui.

Tu as pensé à demander à Théo ce quil en pense ?

Cest un enfant, il ne sait pas ce qui est mieux pour lui. Chez moi, il aura plus dopportunités.

Pierre se leva, fit les cent pas.

Élodie, écoute-toi. Trois ans que tu es presque absente. Tu viens une fois par mois, quand tu te souviens de lui. Et là, soudain, tu veux être mère ?

Jai des droits ! Je suis sa mère !

Sa mère ? Pierre éclata presque. Une mère, cest celle qui se lève la nuit quand son enfant est malade. Qui laide avec ses devoirs, lemmène chez le médecin, lui achète des vêtements. Toi, quas-tu fait ?

Jai travaillé ! Jai construit ma vie !

Et qui a construit la sienne ? Qui la élevé ? Qui

Chut ! fit Élodie. Il va entendre.

Pierre baissa la voix, mais la colère persistait.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout à coup tu décides quil te faut un fils ?

Élodie détourna le regard.

Vincent veut des enfants. Mais je ne peux plus en avoir. Alors on a pensé que Théo Il shabituerait.

Ah, je vois. Il te faut un enfant pour ton nouveau mari, alors tu te souviens de ton fils. Pratique.

Arrête, Pierre. Il me manque, vraiment.

Il te manquait ? Et lui téléphoner te manquait aussi ? Tintéresser à sa vie ? Lan dernier, tu as oublié son anniversaire !

Jétais occupée

Tout le monde était occupé. Sauf Théo, qui a grandi sans sa mère. Et soudain, elle revient et réclame ses droits.

Des pas retentirent dans le couloir. Théo apparut.

Maman, on va faire quelque chose ? Au cinéma, par exemple ?

Élodie sourit, mais cétait forcé.

Bien sûr, mon chéri. Juste après que papa et moi ayons fini de parler.

Daccord, fit-il avant de disparaître.

Élodie attendit quil soit parti.

Pierre, ma décision est prise. Jirai en justice si nécessaire. Jai de meilleures conditions, un revenu stable. Toi ? Un appartement en location, un boulot ordinaire

Moi, jai de lamour pour mon fils. Et toi ?

Bien sûr que oui ! Je ne sais juste pas bien le montrer.

Tu ne sais pas ? Ou tu ne veux pas ?

Élodie se leva, saisit son sac.

Je réfléchis jusquà demain. Si tu acceptes à lamiable, on fera ça proprement. Sinon le tribunal décidera.

Ce nest pas à toi de choisir où vivra mon fils, dit Pierre dune voix ferme.

Cest mon fils aussi ! semporta-t-elle. Jai autant de droits que toi !

Les droits, ça se mérite.

Elle se dirigea vers la porte, puis se retourna.

Théo ! Viens me dire au revoir !

Le garçon accourut, létreignit.

Maman, on se voit demain ?

Oui, mon cœur. Sans faute.

Une fois la porte refermée, Théo regarda son père, perplexe.

Papa, quest-ce qui se passe ? Vous vous êtes disputés ?

Non, mon chou. Juste une discussion dadultes.

Maman avait lair triste.

Pierre sassit près de lui sur le canapé.

Dis-moi, Théo. Est-ce que tu veux vivre avec maman ?

Le garçon réfléchit.

Elle habite où ?

Loin dici. À Lyon.

Et mon école ? Et mes copains ? Et mamie ?

Là-bas, ce serait une autre école, dautres amis.

Théo secoua la tête.

Je veux pas. Je veux rester avec toi. Et aller voir maman parfois.

Daccord, fiston.

Cette nuit-là, Pierre ne trouva pas le sommeil. Demain, Élodie reviendra. Que lui dira-t-il ? Quil est prêt à se battre pour Théo ? Quil ne le laissera partir pour rien au monde ? Et si elle engageait un avocat ? En aurait-il les moyens ?

Le lendemain matin, en préparant Théo pour lécole, celui-ci demanda :

Papa, si maman memmène, tu seras triste ?

Pierre saccroupit devant lui.

Personne ne temmènera, Théo. On est une famille, tu comprends ?

Oui, sourit-il. Et maman ?

Elle fait aussi partie de la famille. Mais elle vit ailleurs.

Comme tonton Marc ?

Un peu comme ça.

À lécole, Pierre parla avec linstitutrice. Théo était un bon élève, apprécié de ses camarades.

Il est sérieux, dit Mme Dubois. Mais parfois, il semble songeur. La famille recomposée est toujours un défi.

Nous sommes divorcés, avoua Pierre.

Je vois. Peut-être un jour une nouvelle rencontre ? Ça lui ferait du bien.

Pierre promit dy réfléchir.

Ce soir-là, Élodie arriva comme prévu. Théo se précipita vers elle, mais elle lécarta.

Va dans ta chambre, mon cœur. Papa et moi devons parler.

Mais maman

Vas-y, Théo, appuya Pierre.

Dès quils furent seuls, Élodie attaqua :

Alors, ta décision ?

Théo reste avec moi.

Ne sois pas égoïste ! Pense à lui ! Jai plus à offrir.

Plus damour, aussi ?

Bien sûr !

Alors pourquoi tu ne las pas montré ces trois dernières années ?

Un silence.

Très bien. On réglera ça au tribunal. Vincent me soutient, jai les moyens de payer un bon avocat.

Et lavis de Théo, tu ten moques ?

Les adultes savent ce qui est mieux.

Soit. Théo ! Viens ici !

Le garçon sinstalla entre eux.

Maman veut que tu vives avec elle. Quen penses-tu ?

Théo regarda sa mère, puis son père.

Cest loin ?

Très loin, admit Élodie. Mais jai une grande maison, tu auras ta propre chambre.

Jai déjà ma chambre ici.

Là-bas, ce sera mieux.

Papa viendra aussi ?

Non, il restera ici.

Théo secoua la tête.

Je veux pas. Il maide à faire mes devoirs, il me lit des histoires.

Moi aussi, je le ferai !

Tu sais jouer aux échecs ? Réparer mon vélo ?

Élodie hésita.

Je peux apprendre

Non, dit Théo. Je veux rester avec papa.

Élodie éclata.

Tu las monté contre moi !

Maman, papa dit toujours que tu es gentille, défendit Théo. Juste très occupée.

Élodie sassit, le visage dans les mains.

Je croyais quil voudrait vivre avec moi.

Est-ce que toi, tu veux vraiment vivre avec lui ? Ou est-ce que cest juste Vincent qui veut un enfant ?

Un long silence.

Je ne sais pas, avoua-t-elle enfin. Jai peur de ne pas y arriver. Peur quil ne maime pas.

Maman, je taime déjà, dit Théo. Mais je veux rester ici.

Élodie létreignit, les larmes aux yeux.

Daccord. Reste avec papa. Mais je peux venir plus souvent ?

Bien sûr, dit Pierre.

Et lappeler ?

Quand tu veux.

Elle embrassa Théo et se leva.

Je dois y aller. Vincent attend.

Tes fâchée ? demanda Théo.

Non, mon cœur.

Une fois partie, Théo regarda longtemps par la fenêtre.

Papa, elle reviendra vraiment ?

Je pense. Elle taime.

Alors pourquoi elle voulait méloigner de toi ?

Les adultes se trompent parfois.

Ah. Dis, on commande une pizza ce soir ?

Daccord.

Une semaine plus tard, Élodie appela. Elle parla longtemps avec Théo, promit de revenir.

Un mois après, Pierre rencontra Camille au parc, une mère célibataire avec sa fille Léa. Les enfants jouèrent ensemble.

Papa, chuchota Théo en rentrant, Camille est gentille. Et Léa aussi.

Oui.

On peut les revoir ?

Bien sûr.

Pierre sourit. Peut-être que Matthieu avait raison. La vie continuait. Et si Théo était heureux, alors lui aussi pouvait lêtre.

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Ce n’est pas à toi de décider où vivra mon fils» – lança son ex en franchissant le seuil
Et maintenant, je ne suis plus ta maman du tout