Un chauffeur de taxi ramène une cliente chez elle et reste figé en voyant sa femme disparue à la fenêtre

23mars2025

Je viens de rentrer chez moi, le cœur serré. Ce soir, le taxi a traversé le boulevard SaintMartin quand jai aperçu, à travers la vitre dun immeuble, la silhouette de ma femme disparue depuis un an et demi. Le déclic a fui mon esprit comme un éclair.

«Assez! Cest fini!» aije crié, jetant la photo de Mireille sur la table du commissaire. Ma voix tremblait. «Un an et demi, Agathe. Elle ne reviendra pas.»

Linspectrice de police, Marie Dupont, a repris la photo avec douceur, la rangeant dans son dossier. «Nous clôturons le dossier, Monsieur», at-elle dit. «La loi autorise à déclarer Mireille Sergeyevna comme disparue depuis longtemps.»

«Vous voulez dire:mort», aije raillé, lamertume glissant dans mon rire.

«Je nai pas dit cela, Monsieur», a rétorqué Marie, ferme mais bienveillante. «Il faut simplement finaliser les formalités. Signez ici, sil vous plaît.»

Jai pris le stylo, lai contemplé quelques secondes, puis jai signé dun trait large. «Cest fini? Vous me laisserez enfin tranquille?»

«M.André», a soupiré Marie, «je comprends votre douleur. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir.»

«Je sais», aije murmuré, les yeux fatigués. «Pardonnezmoi. Chaque fois que vous revenez avec ce dossier, tout recommence: insomnie, souvenirs, angoisse»

«Si vous vous rappelez quelque chose qui pourrait aider, ditesle nous», a ajouté linspectrice.

Jai repensé aux douze mois et demi qui ont suivi la disparition de Mireille. Chaque matin, chaque heure avant quelle ne ne parte, je revoyais le même petit déjeuner, le même «On se retrouve ce soir, mon cœur». Puis elle a simplement disparu, entre la maison et le travail, sans appel, sans SMS, sans trace. Son téléphone était hors service, ses cartes bancaires jamais utilisées. On aurait dit quelle sétait évaporée dans le sol parisien.

Jai tout essayé: police, détectives privés, petites annonces dans «Le Figaro», messages sur les forums. Rien. Ceuxci ont été les premiers mois les plus terrifiants, les interrogatoires sans fin (bien sûr, le mari est toujours le principal suspect), les recherches, les espoirs. Puis le vide, une douleur sourde dans la poitrine, des questions qui ne trouvaient jamais de réponses. Pourquoi? Étaitelle malheureuse? Atelle trouvé quelquun dautre? Sestil passé quelque chose de terrible? Étaitelle vivante mais incapable de contacter? Jai essayé de ne pas y penser.

Ce matin, le téléphone a sonné. Un numéro du centre de dispatch de mon entreprise de VTC sest affiché.

«Allô, Nicolas?», a dit la voix fatiguée de la dispatch, Tamar. «Demain, tôt le matin, tu es dispo? Le patron a des problèmes de tension, on a une avalanche de courses.»

«Oui, bien sûr. À partir de six heures?», aije répondu, pincant mon nez.

Je nai repris le volant quà trois mois après la disparition de Mireille. Javais perdu mon poste dingénieur: les congés non payés sétaient accumulés, mes supérieurs ne pouvaient plus supporter mon absence de concentration. Conduire un taxi, cest plus simple: le travail mécanique, lattention constante mais pas trop de réflexion, aucun attachement; les visages défilent, les conversations se succèdent, aujourdhui toi, demain un autre, responsabilité limitée à déposer quelquun du point A au point B.

Le jour a commencé comme dhabitude: réveil à cinq heures, douche froide, café fort. En me regardant dans le miroir, je voyais un visage usé, des cheveux poivreetsel, des rides qui nétaient pas là il y a un an et demi. Quarantedeux ans, mais lair dun quinquagénaire.

Mon premier client attendait devant limmeuble: un homme corpulent, deux valises, nerveux et bavard. Il parlait sans arrêt de son voyage à Strasbourg, de sa bellemère autoritaire, de son patron tyrannique. Jai hoché la tête, répondu par des «oui, je vois», mais mon esprit était ailleurs.

La journée sest enchaînée: gares, centres commerciaux, bureaux, à nouveau gares. Le soir, la fatigue sest installée, mais le dispatch ma demandé un autre trajet.

«Kolia, secours! De la Rue de la Rivière à la zone verte du 17e. Dernier pour aujourdhui, le client attend.»

Jai accepté, vérifiant ladresse sur le GPS. Le client était une jeune mère, Lise, avec son petit garçon de quatre ans, Marius, qui refusait de monter. «Marius, sil te plaît, on rentre bientôt, papa tattend,» le suppliait la mère. Lenfant criait: «Je ne veux pas rentrer! Je veux aller chez mamie!»

Jai attendu patiemment quils sinstallent. Le trajet fut long, bloqué une heure dans un embouteillage suite à un accident. Marius sest calmé, sest endormi sur les genoux de sa mère. Lise, épuisée, a murmuré: «Journée difficile.» Jai répondu: «Destination: rue des Lilas, 17, cest bien?»

Nous avons finalement débouché, la nuit tombait, une pluie fine tombait, les routes étaient mouillées. La zone verte se trouvait en périphérie, dans de nouvelles tours de béton, sans charme. Lise ma indiqué le 3ᵉ soussol, lentrée à droite, le troisième immeuble. Jai garé, demandé les quatre cent vingt euros. Elle a sorti un billet de cinq cent euros et a dit: «Garde la monnaie, merci pour ta patience.»

Avant de partir, jai proposé daider avec lenfant. Elle a accepté, ma confié Marius. Je lai porté jusquà la porte dentrée, où une silhouette féminine était visible dans la fenêtre du 3ᵉ étage, éclairée par une lueur jaune.

Mon cœur a raté un battement, puis sest emballé. Cétait le profil que je connaissais: la mèche tombée sur loreille, le petit grain de beauté au-dessus du sourcil droit. Cétait elle. Mireille.

Je ne sais pas comment je suis sorti de la voiture, traversé la cour, monté les escaliers. Tout était flou, comme dans un brouillard. Jai atteint le 3ᵉ étage, quatre portes soffraient à moi. Jai compté les fenêtres, repéré la deuxième porte à gauche, celle qui correspondait à lappartement que je visualisais.

Jai appuyé sur le bouton. Un silence pesant, puis un pas, le claquement dune serrure, la porte sest ouverte.

Un homme dune quarantaine dannées, en pantalon de survêtement et tshirt, se tenait dans le hall.

«Oui?», atil demandé, surpris.

Je suis resté muet, lenvie de parler étouffée par lémotion. «Je je cherche une femme. Mireille Sergeyevna Kli», aije balbutié.

Lhomme a haussé les épaules: «Il ny a pas de Mireille ici, vous avez dû vous tromper dadresse.»

Il a commencé à refermer la porte, mais je lai arrêté dun geste: «Attendez!Je lai vue, il y a une minute, dans la fenêtre. Ce nest pas une hallucination!»

Lui et sa femme, qui venait douvrir la porte, se sont échangés un regard. La femme, Léa, tenait le petit Marius endormi sur ses genoux.

«Questce que vous faites ici?Vous êtes le chauffeur qui nous a déposés?», a demandé Léa, perplexe.

«Oui, mais je», aije répété. «Je cherche ma femme, Mireille. Elle a les cheveux sombres, un grain de beauté, une cicatrice sur le menton.»

Léa a haussé les sourcils, puis a laissé échapper un rire nerveux: «Vous êtes sûr que cest elle?Nous navons jamais vu de Mireille ici.»

«Cest ma femme!», aije crié, la voix tremblante. «Donnezmoi juste une minute pour vérifier.»

Léa a hésité, puis a posé sa main sur mon épaule. «Daccord, regardons.»

Ils mont conduit dans une petite entrée. Le mari, Serge, a frappé doucement à une porte fermée, puis la ouverte après mavoir donné le feu vert.

Dans la pièce, une lumière tamisée éclairait un fauteuil près de la fenêtre. Une femme était assise, le regard perdu sur la pluie qui tambourinait contre le verre. Elle avait les cheveux plus courts que je ne men souvenais, mais le même grain de beauté au-dessus du sourcil. Une légère cicatrice décorait son menton.

«Mireille?», aije murmuré.

Elle sest retournée, un souffle de surprise traversant son visage. «Je je suis désolée, vous vous trompez. Je mappelle», atelle, la voix douce mais étrangère. «Je mappelle : Gabrielle Dupont.»

Le cœur me serrait. «Vous nêtes pas Mireille?»

«Non, je suis la mère de Léa.» atelle, les larmes doucement perlant. «Mireille cest le nom de votre femme, je le sais.»

Serge, le mari, a pris la parole: «Nous avons trouvé cette femme, blessée, près du Pont dAusterlitz il y a un an et demi. Elle était amnésique, sans identité. On la prise chez nous, elle sappelle maintenant Gabrielle, notre mère.»

Je sentais la rage et la tristesse menvahir. «Vous avez volé ma femme, vous lavez renommée, vous lui avez donné une vie qui nest pas la sienne!»

Serge a haussé les épaules: «Nous lui avons offert un toit, de la nourriture, nous avons essayé de laider, parce que personne ne lavait.»

«Je lai cherchée chaque jour, chaque minute!», aije crié, les larmes brûlant mes yeux. «Je veux la ramener chez moi, à mon appartement de la Rue de Sèvres, à notre bibliothèque, à notre futur enfant.»

Gabrielle a levé les yeux, lair perdu, une lueur déveil dans le regard. «Je je ne me souviens de rien avant dici.» atelle murmuré.

Léa sest approchée, prenant les mains de Gabrielle. «Vous avez une nouvelle famille, vous êtes notre grandmère.»

Serge a posé une main rassurante sur mon épaule: «Si elle veut revenir avec vous, nous ne la retiendrons pas. Mais laissezla décider.»

Je me suis senti tiraillé entre le soulagement de lavoir retrouvée et la réalité dune vie quelle avait déjà construite. Jai finalement accepté: elle aurait du temps pour se souvenir, pour choisir. Nous resterions en contact, nous ne forcerions rien.

En quittant lappartement, je lai regardée à travers la fenêtre du 3ᵉ étage, son ombre se découpant contre la lumière vacillante. Un souffle despoir a traversé mon cœur fatigué. La pluie sétait arrêtée, les étoiles perçaient les nuages. Jai respiré lair humide, sentant pour la première fois depuis longtemps que je pouvais à nouveau inspirer.

Demain sera un nouveau jour. Une nouvelle vie. Une première rencontre avec lamour retrouvé. Mais dabord, je dois appeler linspectrice Marie Dupont et lui dire de ne pas clore le dossier. Parce que parfois, même après un an et demi, le perdu réapparaît, parfois dans la vitre dun immeuble au bout dune rue.

Je rentre à la maison, le cœur lourd mais plein despoir.

Nicolas.

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Un chauffeur de taxi ramène une cliente chez elle et reste figé en voyant sa femme disparue à la fenêtre
T’es fait comme un rat, mon gars…