**Journal intime 15 avril**
*Ils ne tattendaient pas.* Ces mots, prononcés par ma fille en ouvrant la porte le jour de mon anniversaire, mont glacé le cœur.
Pourquoi tu timmisces encore dans ma vie ? La voix dÉlodie tremblait dagacement. Jai trente-sept ans, je suis une adulte !
Est-ce que je mimmisce ? Hélène Dubois leva les mains, impuissante. Je tai simplement demandé pourquoi tu avais rompu avec Julien. Je suis ta mère, cest normal que je minquiète.
Justement, tu es ma mère, pas une enquêtrice. Élodie se tourna vers la fenêtre. Jai ma vie. Et mes raisons.
Hélène soupira, rangeant délicatement une écharpe inachevée dans son sac. Encore une conversation qui tournait mal. Entre elles, un mur invisible grandissait chaque année.
Daccord, je ne poserai plus de questions, dit-elle dun ton conciliant. Je croyais pourtant que vous vous entendiez bien
Maman ! Élodie se retourna brusquement. Changeons de sujet, daccord ? Ne gâchons pas notre seul dîner ensemble ce mois-ci.
Hélène hocha la tête et se tut. Elle venait de moins en moins chez sa fille Élodie était toujours occupée : travail, amis, salle de sport, formations. Pour sa mère, il ne restait presque plus de temps.
En quittant lappartement ce soir-là, Hélène se sentit plus seule que jamais. Soixante ans dans une semaine, et personne pour les fêter. Son mari était mort il y a trois ans, ses amies dispersées aux quatre coins de la France, et sa fille absorbée par sa vie. Peut-être ny avait-il rien à célébrer ?
Mais en rangeant de vieilles photos, elle tomba sur un cliché dÉlodie, petite, soufflant les bougies dun gâteau. Les yeux brillants, les joues roses dexcitation. Hélène, alors comptable, joignait à peine les deux bouts, mais pour lanniversaire de sa fille, elle faisait toujours la fête gâteau, cadeaux, invités.
*Mon anniversaire est dans une semaine*, pensa-t-elle, *et même Élodie ne sen souvient pas. Peut-être devrais-je le lui rappeler ?*
Elle attrapa son téléphone, puis hésita. Non, elle ne simposerait pas. Si Élodie avait oublié, tant pis. Après tout, quimportent ces chiffres cinquante-neuf, soixante ? Juste des dates sur un calendrier.
Pourtant, lidée la taraudait. Quelques jours plus tard, elle osa appeler.
Allô, maman ? La voix dÉlodie semblait distante, comme si elle faisait autre chose en même temps. Tout va bien ?
Oui, oui Hélène hésita. Je voulais juste te dire que cest mon anniversaire samedi. Soixante ans.
Ah, vraiment ? Un étonnement fugace dans sa voix. Cest complètement sorti de ma tête. Je suis débordée avec le boulot
Ce nest rien, répondit Hélène précipitamment. Je te le rappelais juste.
Désolée, maman. La voix dÉlodie sadoucit. Je ferai un effort pour passer, même brièvement. Vers dix-sept heures, ça te va ?
Bien sûr, ma chérie. Hélène sillumina. Je préparerai ta tarte préférée, aux cerises.
Entendu. Désolée, je dois y aller, on se rappelle plus tard.
Raccrochant, Hélène sentit une bouffée dénergie. Elle navait pas été oubliée. Tout nétait pas perdu entre elles.
Le samedi, un soleil rare pour avril. Hélène se leva tôt, nettoya lappartement, prépara la tarte, passa même chez le coiffeur. Elle acheta une bonne bouteille de vin, du fromage préféré dÉlodie, des fruits. Elle voulait que cette soirée soit spéciale, chaleureuse, peut-être même un pas vers un rapprochement.
Mais à dix-sept heures, Élodie nétait pas là. Ni à dix-huit heures. Hélène appela, mais le téléphone était injoignable.
*Elle est peut-être coincée au travail*, songea-t-elle en jetant des regards anxieux à sa montre. *Ou dans les embouteillages. Le centre est infernal en ce moment.*
À dix-neuf heures, toujours rien. Hélène commença à salarmer sérieusement. Et si quelque chose était arrivé ? Son imagination dessinait le pire accident, agression, maladie
Ny tenant plus, elle prit un taxi pour se rendre chez Élodie. Peut-être avait-elle simplement oublié. Ou confondu les dates. Avec son emploi du temps chargé, cétait plausible.
En approchant de limmeuble, elle aperçut plusieurs voitures garées. Une ressemblait étrangement à celle dÉlodie. Donc elle était là. Rien de grave, juste un oubli ? Ou un refus délibéré de prévenir ?
Le cœur lourd, Hélène monta au cinquième étage et sonna. Long silence, puis des pas, et la porte souvrit.
Élodie se tenait sur le seuil élégante, coiffée, maquillée. Derrière elle, des silhouettes sagitaient, des rires résonnaient.
Maman ? Élodie cligna des yeux, surprise. On ne tattendait pas
Hélène resta figée, un bouquet de fleurs à la main acheté pour elle-même, pour égayer un anniversaire solitaire.
Je je minquiétais, murmura-t-elle. Tu nes pas venue, tu ne répondais pas
Un homme apparut derrière Élodie grand, barbe soignée, chemise et jean.
Élo, qui cest ? demanda-t-il avant dapercevoir Hélène. Oh, bonjour !
Cest ma mère, dit Élodie en se tournant vers lui, puis vers Hélène. Maman, voilà Théo. On on sort ensemble.
Enchantée, répondit machinalement Hélène en tendant la main.
Théo sourit en la serrant. Ravi de vous rencontrer ! Élodie ma beaucoup parlé de vous.
Une voix féminine jaillit de lappartement :
Élo, tu viens ? Les pâtes refroidissent !
Jarrive ! cria Élodie avant de lancer un regard coupable à sa mère. On a un petit dîner entre amis. Jai complètement oublié notre rendez-vous, désolée.
Hélène sentit une boule lui monter à la gorge. Le jour de son anniversaire, sa fille festoyait avec ses amis, layant purement et simplement oubliée.
Ce nest rien, força-t-elle à sourire. Je men vais, je ne veux pas vous déranger.
Attends, protesta Élodie en fronçant les sourcils. Puisque tu es là, entre. Je te présente tout le monde.
Hélène franchit timidement le seuil. Lappartement était animé, des voix et des éclats de rire provenaient de la cuisine.
On prépare une surprise pour Léa, expliqua Élodie en aidant sa mère à retirer son manteau. Elle fête ses quarante ans la semaine prochaine.
*Et mes soixante ans, aujourdhui, tu les as oubliés*, pensa Hélène, mais elle se tut. Pourquoi gâcher la soirée dÉlodie ? Elle avait sa vie, ses priorités.
Dans la cuisine, un groupe joyeux deux amies dÉlodie et un autre jeune homme. Ils discutaient vivement, des feuilles et des décorations éparpillées sur la table.
Tout le monde, voici ma mère, annonça Élodie. Et voici Camille, Amandine et Hugo.
Bonjour ! répondirent-ils en chœur.
Hélène hocha la tête, mal à laise. Elle était clairement de trop dans cette bande de jeunes.
Maman, tu as faim ? proposa Élodie. On a des pâtes aux fruits de mer et une salade. Théo a cuisiné, cest notre chef amateur.
Non, non, merci, recula Hélène. Jai déjà mangé. De toute façon, je dois y aller.
Mais non, insista Théo. Restez, vraiment. On allait justement prendre le dessert.
Hélène remarqua un gâteau sur la table magnifique, glacé au chocolat. Pas avec soixante bougies, bien sûr. Pas pour elle.
Merci, mais il faut vraiment que je parte, dit-elle en se tournant vers Élodie. Un instant, ma chérie ?
Elles se retrouvèrent dans lentrée. Hélène sortit une enveloppe de son sac.
Tiens, je voulais te donner ça. Pour ton nouveau manteau, tu en parlais.
Maman, ce nest pas nécessaire, protesta Élodie. Tu me donnes déjà assez dargent. Je gagne bien ma vie.
Cest un cadeau, insista Hélène. Dune mère à sa fille. Prends-le, s







