« Chut… Vous entendez ? Quelqu’un fouille là-bas ! » — murmuraient des passants inquiets en s’approchant d’une poussette près d’une poubelle.

«Chut entendez-vous quelque chose bouger ? » murmura une voix inquiète alors que des passants sapprochaient dune vieille poussette abandonnée près des poubelles.

Peu après le Nouvel An, dans la cour de limmeuble n°7, on remarqua cette poussette délabrée près des containers. Dabord, on la prit pour un simple déchet : housse déchirée, roues tordues, poignée branlante. Avec le temps, elle devint une curiosité locale : « Passe au large, tu vas taccrocher ! » Le concierge, Gérard, promit maintes fois de lemmener à la ferraille, mais trouva toujours une excuse : sa charrette en panne, la neige qui tombait, ou son remplaçant qui tardait.

Un matin de février, alors que les gouttes deau tintinnabulaient dans la cour, deux voisines âgées, tante Claudette et tante Pauline, sinstallèrent sur leur banc habituel pour commenter les derniers événements.

« Quelle horreur, cette poussette, grimça Claudette. On ne peut pas la jeter comme il faut ? »

« La jeunesse daujourdhui na plus aucun sens des responsabilités », approuva Pauline.

À cet instant, Édouard Lenoir, un écolier de huit ans, passa en poussant une boule de neige. Il sapprêtait à la lancer vers la poussette quand, soudain, il sarrêta net, saccroupit et chuchota :

« Doucement il y a quelque chose qui bouge là-dedans ! »

Les deux femmes interrompirent leurs commérages.

« Qui va là, petit farceur ? » demanda Claudette en serrant sa canne.

Édouard sagenouilla dans la neige molle et souleva la housse usée.

Deux grands yeux noirs, un museau couleur caramel et un nez humide apparurent.

« Un chiot ! » souffla le garçon.

Le petit animal remua faiblement la queue, comme pour saluer, puis se blottit en boule et sendormit aussitôt.

Pauline se signa précipitamment.

« Mon Dieu, un chien dans les ordures ça ne présage rien de bon. »

Édouard caressa doucement le petit corps tremblant.

« Il est si petit, il va geler. Je peux le prendre chez moi ? »

« Ta mère va te gronder, ricana Claudette. Vous avez déjà un chat qui se promène comme un roi. »

« Je vais lui demander ! » lança le garçon en courant vers limmeuble.

Les vieilles dames restèrent à garder leur découverte, discutant pour savoir qui devrait désormais résoudre ce « problème canin ».

Quelques minutes plus tard, Édouard revint, essoufflé :

« Maman a dit : dabord chez le vétérinaire, ensuite on verra. Gérard ! » cria-t-il à travers la cour. « Aidez-moi à déplacer la poussette ! »

Le concierge, en train de démêler ses écouteurs, traîna sa brouette vers eux.

« Quest-ce quil y a ? Des souris ? »

« Un chiot ! »

« Doù il sort ? »

« Je sais pas. Dépêchez-vous, il va geler ! »

Gérard grogna :

« Bon, allez, petit train, avance, je te suis ! »

Dans le cabinet vétérinaire du quartier, lodeur de désinfectant et de journaux humides flottait dans lair. La vétérinaire, docteure Amélie, examina le petit chien sous sa lampe.

« Lestomac est vide. Hypothermie, mais rien de grave. Un mâle. Environ deux mois et demi. La race ? Un mélange faites vos jeux », dit-elle en souriant.

Assis sur un tabouret, Édouard tortillait sa veste.

« On peut le garder ? »

« Tu réalises que cest une grande responsabilité ? » répondit sévèrement la vétérinaire.

Le garçon hocha vigoureusement la tête.

« Je le promènerai, je le nourrirai. Je le jure sur Minecraft. »

La docteure éclata de rire.

« Vaccin dans une semaine. Traitement antiparasitaire aujourdhui. »

Le chiot, calme sur la table, semblait comprendre quon laidait.

« Comment vas-tu lappeler ? » demanda Amélie en remplissant les papiers.

Édouard réfléchit, songeant à la poussette abandonnée.

« Poussin. »

« Drôle de coïncidence », sourit la vétérinaire. « Et comme nom de famille mettons Lepetit. »

Lorsque la mère dÉdouard, comptable, vit le duo sur le pas de la porte, elle soupira.

« Tu as décidé de bouleverser nos vies sans raison ? » demanda-t-elle, lasse.

Édouard souleva le chiot, qui poussa un petit gémissement.

« Regarde, maman ! Ses pattes ont des chaussettes blanches ! »

En effet, ses pattes étaient immaculées. La mère céda :

« Daccord. Mais il faudra une cage de transport, des couches, des croquettes. Ça viendra de ton argent de poche. »

« Je vais aider Gérard à décharger les camions ! » sexclama le garçon.

Ainsi, Poussin Lepetit sinstalla dans lappartement n°16.

La nouvelle se répandit vite dans limmeuble. Une étudiante endormie du deuxième étage, Aurélie, descendit voir :

« Cest vrai quil était dans une poussette ? Comme dans un conte ! »

« Viens le voir, linvita Édouard. Poussin est très gentil. »

À minuit, la voisine retraitée, madame Nicole, apporta des restes de poulet.

« Pour quil prenne des forces, sinon il ne survivra pas. »

« Il ne faut pas lui donner de gras », protesta Édouard en brandissant les instructions du vétérinaire.

Pourtant, le chiot mangea avec appétit.

En une semaine, Poussin apprit à utiliser la litière et à ne pas mordiller les chaussures. Le matin, Édouard le promenait près des poubelles, lui montrant son ancien refuge.

Sur le banc, Claudette et Pauline les attendaient.

« Le voilà, annonça fièrement le garçon. »

Claudette ne put résister à caresser son pelage brillant.

« Comme du velours ! Un vrai petit ange. »

« Un ange de février », corrigea Édouard.

« Tu as de la chance, grommela Pauline. Un autre chien se serait fait écraser. »

Édouard se pencha vers Poussin.

« Tu entends ? Tas de la chance de mavoir trouvé. »

Le chiot lui lécha la main.

Un mois plus tard, le printemps inonda la cour de flaques. Édouard et son ami Lucas jouaient au football. Poussin, un peu grandi, courait après le ballon en jappant joyeusement.

Gérard fumait près de lentrée.

« Tu las dressé ? » ricana-t-il.

« Poussin joue mieux que nous. Regarde ! » Édouard tira dans le ballon, et le chien partit comme un vrai attaquant.

Le ballon atterrit sur les pieds de Claudette, qui sexclama :

« Ah, ces footballeurs ! » Mais elle sourit : le match improvisé divertissait tout le quartier.

En avril, un avis annonça un grand nettoyage : « Apportez vos vieilleries. » La poussette fut la première à partir. Édouard suggéra :

« Mettons une plaque : Ici fut trouvé Poussin. Comme souvenir. »

Madame Nicole rétorqua :

« Mieux vaut un parterre de fleurs, avec une petite plaque. La mairie a livré de la terre. »

Le samedi, les voisins démontèrent la poussette et bâtirent un bac à fleurs. Ils plantèrent des œillets dInde.

Poussin gambadait autour. Gérard apporta une palette et construisit une niche en une demi-heure après tout, cétait le « garage » de la mascotte du quartier.

« Pour quil ne prenne pas la pluie », expliqua-t-il.

En mai, lécole organisa une exposition sur « Mon bonheur à la maison ». Édouard présenta Poussin. Le chien, sage comme une image, écouta lhistoire de son sauvetage « des griffes de la société ».

La maîtresse conclut :

« Noubliez pas, les enfants : on ne jette pas un être vivant comme un jouet cassé. Merci, Édouard. »

Des applaudissements éclatèrent.

Lucas, près de la sortie, fit un clin dœil à son frère :

« Tas vu ? Mieux que des chats ou des hamsters. »

Peut-être par hasard, lété suivant, on commença à déposer dans la cour des cartons de chatons, des moineaux orphelins et du pain sec pour les pigeons. Madame Nathalie grogna parfois :

« Notre immeuble devient un refuge. »

Mais elle souriait : son fils avait mûri, balayait lentrée pour que « Poussin ait les pattes propres en rentrant ».

En août, Poussin avait grandi : on devinait du berger en lui. Queue droite, pelage luisant. Édouard lui apprenait des tours.

« Assis ! »

Le chien sexécutait.

« Rapporte ! »

Il revenait, fier, la queue en tire-bouchon.

Aurélie, filmant la scène, riait :

« Vous formez un super duo ! Déjà cent mille vues sur TikTok ! »

Un soir, un incendie éclata dans la cour voisine des ados avaient jeté une pétarde. Les flammes gagnèrent un hangar où dormaient les chiens de garde. Les voisins coururent chercher un tuyau, mais Poussin, flairant la fumée, se libéra. Il entra dans le hangar, traîna un chiot par le cou, puis inspecta chaque recoin. Il revint couvert de suie, mais indemne.

Les pompiers éteignirent vite le feu. Un voisin serra la main dÉdouard :

« Ton chien est un héros. Sans lui, le chiot du cordonnier aurait péri. Un vrai sauveteur. »

Lhistoire fit le tour du quartier.

À lautomne, une nouvelle plaque apparut : « Poussin Lepetit notre mascotte. Ne pas maltraiter, ne pas nourrir nimporte quoi. » Les graffeurs du quartier lavaient dessinée, avec laccord de la mairie.

Claudette et Pauline, sur leur banc, ne savaient plus quoi médire : tout le monde parlait de Poussin.

« Regarde comme il remue la queue, sémerveilla Pauline. Un ange à quatre pattes. »

« Et plus personne ne se souvient de cette vieille poussette », ajouta Claudette.

« Lessentiel, cest que les gens se parlent à nouveau. Tu vois tous ces enfants dans la cour ? Avant, ils restaient scotchés à leurs écrans. »

« Les animaux nous enseignent. Cest comme ça. »

En décembre, la neige recouvrit les platanes. Pour la Journée internationale des animaux, des journalistes vinrent à lécole. La photo montrait Édouard en bonnet à pompon, sa maîtresse fière, Gérard le concierge impassible, et, légèrement en avant, Poussin, majestueux, avec son médaillon « Sauveteur 2024 ».

Personne ne se rappelait la poussette abandonnée. Cet endroit était devenu un symbole : derrière ce qui semble inutile peut se cacher un monde entier avec un nez humide et des chaussettes blanches aux pattes.

Dans larticle, Édouard déclara simplement :

« Si je navais pas regardé ce jour-là, je croirais encore que les jeux et les likes comptent plus. Maintenant, je sais : parfois, il suffit de sarrêter devant une poussette pour trouver son meilleur ami. »

Il caressa Poussin. Le chien leva vers lui ses yeux doux, comme pour dire : un ami na pas besoin de grandes histoires. Il suffit dune niche chaude, dun ballon sous le banc, de neige qui sent les saucisses, et du garçon qui, un jour, ne passa pas son chemin.

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« Chut… Vous entendez ? Quelqu’un fouille là-bas ! » — murmuraient des passants inquiets en s’approchant d’une poussette près d’une poubelle.
Je ne suis pas ta cuisinière ni ta domestique pour laver et nourrir ton fils en plus ! S’il vit avec nous maintenant, à toi de t’en occuper !