Cœur de Maman

**Le Cœur dune Mère**

« Maman, cest qui Fifine ? Cest notre maîtresse ? Pourquoi elle nous nourrit si mal ? » Les petits yeux curieux de mon fils se fixaient sur Mina, attendant une réponse. « Non, mon chéri, elle nest pas notre maîtresse. Cest juste une vieille femme malade. Elle ne sait pas ce quelle fait » « Maman, est-ce que les gros chats vont me manger comme ma petite sœur ? » murmura Rouquin en tremblant de peur. Mina soupira profondément. « Non, mon chéri, ils ne te mangeront pas ! Je te le promets ! » Elle se mit à lécher tendrement son petit, son unique enfant désormais, et Rouquin finit par sapaiser et sendormir doucement.

Mina était née dans la cave dun immeuble parisien. Ils étaient quatre chatons. Leur mère, une jeune chatte, avait eu là sa première portée. Dès quun nouveau prétendant sétait pointé, elle les avait oubliés, partie courir laventure. Mais Mina lui en voulait à peine. Malgré son inconséquence, sa mère leur avait offert beaucoup damour. Elle les avait nourris, leur avait appris à manger seuls. Après son départ, les chatons avaient dû quitter la cave pour la rue. Au début, ils étaient restés ensemble dans la cour de limmeuble, où des voisins compatissants leur donnaient parfois à manger. Le temps passa Le frère gris fut écrasé par une voiture, Tigrette déchiquetée par des chiens. Mina les avait veillés sous la pluie, pleurant leurs petits corps inanimés Elle restait là jusquà ce que le gardien la chasse, ramassant les dépouilles avec sa pelle pour les jeter dans les poubelles. Le sort de sa sœur, elle ne le sut jamais.

En grandissant, Mina apprit les lois de la rue. Elle vivait discrète, solitaire, invisible.

Puis vint lenfer Fifine Elle lavait croisée près des poubelles, où la vieille fouillait avidement, fourrant des choses dans son énorme sac. Fifine lavait dévisagée dun air hagard et avait marmonné : « Minou, viens ici, viens ! » Personne navait appris à Mina à craindre les vieilles femmes édentées. Elle sétait approchée, espérant une caresse ou un morceau. Soudain, Fifine lavait attrapée sous le bras, emportée dans son sac.

Dans lappartement, Fifine lavait jetée par terre. « Tu tappelleras Mina. » Puis elle lavait oubliée à jamais. Des dizaines dyeux affamés sétaient tournés vers elle « Minou-minou ! » avait crié Fifine depuis la cuisine, où elle triait ses « trésors ». Les chats, perdant tout intérêt pour Mina, sétaient rués vers la nourriture.

Lhorreur. Jamais Mina naurait cru que des humains puissent vivre ainsi. Des montagnes de vêtements sales, de vaisselle puante, des excréments partout, des nuées de mouches et de cafards. Et des chats, tant de chats Maigres, malades, terrorisés. Quelques-uns, solides et agressifs, étaient les préférés de Fifine. Pourquoi gardait-elle les autres ? Elle ne le savait pas elle-même.

La vie de Mina devint un enfer. La faim, la peur, la mort omniprésente. Les chats affamés dévorant les chatons nouveau-nés, ceux que Fifine navait pas noyés à temps.

Mina sadapta. Elle trouva un coin tranquille où se cacher.

Un mois plus tard, lhorreur : elle était enceinte. Sur les pavés, un ami de cœur lavait courtisée, puis avait disparu. Maintenant, ses enfants naîtraient dans ce cauchemar.

Elle mit bas en silence. Deux petits merveilleux : une petite noire comme son père, et un rouquin, son portrait craché. Perlette et Rouquin.

Elle les protégea de toutes ses forces. Mais les chats affamés rôdaient, attirés par les chatons qui commençaient à explorer.

Ce jour-là, Mina sétait assoupie une minute. Un cri, puis un craquement Perlette était sortie de sa cachette. Mina avait rugi, prête à bondir sur le chat qui dévorait son bébé. Mais Rouquin avait murmuré : « Maman Ils ont mangé Perlette ? » Elle sétait retournée, voyant ses yeux pleins deffroi. Sil la perdait maintenant, qui le protégerait ? Elle lavait serré contre elle, pleurant : « On va fuir. Je te sauverai. »

« Police, ouvrez ! » Des coups à la porte. Fifine, paniquée, avait fini par ouvrir. Soudain, une chatte rousse avec un petit dans la gueule avait filé entre ses jambes.

Luc regarda ses yeux voilés de douleur, comprenant son dernier message. « Ne tinquiète pas, je moccuperai de lui. » Rouquin, inhabituellement calme, léchait le visage de sa mère. Mina séteignait. Son petit cœur navait pas supporté la perte. Elle rêvait de Perlette, lappelant vers larc-en-ciel.

Il pleuvait le jour de sa mort. Luc lenterra sous un chêne, puis resta longtemps avec Rouquin. Il se souvint de leur rencontre : une vieille folle, un appartement immonde, et cette chatte rousse le suppliant du regard. Cétait lui, le policier qui avait aidé sans le savoir leur évasion. « Tu tes enfuie ? Je comprends Viens chez moi. Je ne te ferai pas de mal. »

Il lappelait « ma beauté ». Rouquin resta Rouquin. Son cœur brisé sétait attaché à ces malheureux. Il leur offrit arbres à chat, croquettes premium, tout son amour. Quand « sa beauté » tomba malade, il supplia les vétérinaires, la porta dans ses bras. Mais ses yeux semblaient dire : « Laisse-moi partir »

Mina courait sur larc-en-ciel. Perlette trottinait à ses côtés. « Maman, et Rouquin ? Il est tout seul » Mina sourit. « Regarde Il nest pas seul. »

La pluie cessa. Un arc-en-ciel apparut. Luc prit Rouquin dans ses bras, embrassa son nez humide. « On sen sortira, petit. » Deux cœurs meurtris, mais plus seuls. Un homme fort, un chaton roux. Rouquin.

*Journal de Luc 15 mars*
*Parfois, cest dans les plus petites pattes quon trouve le plus grand courage. Et dans les cœurs brisés, une raison de se battre.*

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