Une Surprise Inattendue

**La Surprise**

« On prend un verre en terrasse ? Une bière, pour discuter un peu ? » demanda Mathieu à la fin de leur journée de travail.

« Désolé, je rentre. Regarde. » Antoine sortit une petite boîte de sa poche et louvrit.

« Tu as vraiment pris ta décision ? » demanda Mathieu en examinant la bague. « Je croyais que tu ne te marierais jamais. » Il donna une tape amicale sur lépaule de son ami.

« Ça fait quatre ans que je suis avec Élodie, il est temps de officialiser. Elle ne sait rien, cest une surprise. Si je ne le fais pas maintenant »

« tu ne le feras jamais », termina Mathieu. « Tu as encore des doutes ? Laisse tomber, Élodie est magnifique. Je tavoue que je suis un peu jaloux. »

« Bon, jy vais. » Antoine rangea la boîte dans sa poche. « Jai promis à Élodie de rentrer tôt. » Il se précipita vers lascenseur.

Sur le chemin, il sarrêta chez un fleuriste et acheta un bouquet de roses rouges. Élodie les adorait. Dans la voiture, il posa les fleurs sur le siège passager. Aux feux rouges, il répétait mentalement sa déclaration : *« Ma chérie, tu attends cette demande depuis longtemps Élodie, je taime, veux-tu mépouser ? Non, ce nest pas ça »*

Il narrivait pas à trouver les mots. Garé devant son immeuble, il prit le bouquet et se dirigea vers lentrée. Il saisit la poignée de la porte quand son téléphone sonna dans sa poche.

« Antoine, mon fils »

Au ton de sa mère, il comprit quil sétait passé quelque chose.

« Quest-ce quil y a, maman ? »

« Tout va bien pour moi. Mais Sophie Elle est morte, mon chéri. »

« Mon Dieu » La main dAntoine lâcha la poignée.

Cétait incompréhensible. Sophie, quil connaissait depuis lenfance, était morte. « Comment ? »

« Une voiture la renversée. Elle est morte sur le coup. Le conducteur a pris la fuite. Lenterrement, cest demain. Tu viendras, mon fils ? Elle taimait tant » Sa mère sanglota. « Il reste Justine. Il faut prendre une décision Jai peur quon la place en foyer. »

« Daccord, je ferai mon possible pour être là. »

« Viens, mon fils »

*« Sophie nest plus. »* Cette pensée martelait son crâne.

Il ne lavait jamais aimée comme elle lavait aimé. Elle ne méritait pas ça

Antoine ne se souvenait pas comment il était monté. Il se retrouva devant la porte de son appartement, entra dans lentrée. Le bouquet lui semblait encombrant. Où le poser ? La nouvelle lavait bouleversé. Faire sa demande maintenant lui paraissait indécent.

« Cest pour quelle occasion, ces fleurs ? » demanda Élodie en sortant du salon. Antoine remarqua enfin lodeur alléchante qui remplissait lappartement. Autrefois, il se serait régalé davance, mais aujourdhui, ce parfum, comme les roses, lui semblaient déplacés.

Élodie le regardait, attendant quil lui tende le bouquet. Mais il hésitait, comme sil avait oublié ce quil devait en faire.

« Les fleurs nont pas besoin doccasion. » Se ressaisissant, il sapprocha, lui offrit les roses et lembrassa sur la joue.

Élodie baissa les yeux, cachant sa déception, et partit vers la cuisine. Bientôt, Antoine entendit le bruit de leau couler.

Quand il entra, le vase trônait sur la table, et Élodie dressait les couverts. Il navait pas faim, mais il ne voulut pas la vexer et sassit.

« Tu ne manges pas ? » demanda-t-elle.

« Je nai pas envie. Pardon. Maman a appelé Sophie est morte. Lenterrement est demain. »

« Sophie, cest » Élodie sinterrompit, attendant quil complète.

« Mon ex-femme. Il faut que jy aille, pour régler la situation de Justine. Cest notre fille. »

« Attends, tu ne mas jamais dit que tu avais une fille. Elle a quel âge ? »

« Douze ans, je crois. »

« Donc tu veux lemmener ici, avec nous ? »

« Je ne sais pas. Sophie navait personne. Ses parents sont morts quand elle était au lycée. Et ma mère Elle a des problèmes de santé. Désolé, je dois préparer mes affaires. »

« Tu vas vraiment à lenterrement ? » demanda Élodie, incrédule.

« Oui, par le train de nuit. Jai prévenu le bureau. »

« Vous êtes divorcés depuis des années. Elle devait avoir quelquun »

« Élodie, pas maintenant. Je laisse la voiture, tu peux ten servir. »

« Alors, cétait ça, ta surprise ? » Elle se leva brusquement.

« Non. Je te dirai à mon retour. » Il serra la boîte dans sa poche.

Dans le train, impossible de dormir. Allongé sur la couchette, les souvenirs affluaient

***

Ils sétaient connus enfants. Même crèche, même école. Sophie, frêle et blonde, était souvent malade, un foulard toujours autour du cou.

Quand ses parents moururent dans un accident en terminale, sa grand-mère ne supporta pas le choc et décéda trois mois plus tard. Les parents dAntoine lavaient recueillie.

Son père plaisantait : *« Voilà une fiancée pour toi. »* Cela lénervait, il refusait de ladmettre.

Avant le bac, ses parents partirent deux jours. Ils se retrouvèrent seuls dans lappartement. Antoine ne savait plus comment les choses sétaient enchaînées. Mais Sophie tomba enceinte. Ses parents insistèrent : *« Dans ce cas, mariez-vous. »*

Il la voyait comme une amie, une sœur. Il croyait que lamour devait être différent, plus romantique. Pourtant, il lépousa. Sophie eut du mal à porter lenfant. Quand il vit Justine, il ne ressentit rien. Une vérité amère simposa : il naimait pas Sophie, il était indifférent à sa fille. Il nétait pas prêt. Antoine termina à peine sa première année de fac, se transféra à Paris et partit.

Son père lui avait dit : *« Dans cette famille, on nabandonne pas ses enfants. Si tu pars, ne compte plus sur nous. Tu nes plus mon fils. »* Sophie et la petite resteraient.

Depuis, Antoine nétait jamais revenu. Même pas pour les obsèques de son père. Sa mère appelait parfois. Quand Sophie trouva un compagnon, elles emménagèrent ensemble. Sa mère lui avait dit : *« Elle me manque tellement. »* Cela lui était égal. Il le lui avait dit.

Elle envoyait des photos de Justine. Plus elle grandissait, plus elle ressemblait à Sophie. Antoine regardait les images, impassible. Il lavait vue bébé, puis lavait effacée de sa vie.

Et maintenant, il rentrait. Pour la première fois depuis douze ans. Non, il ne prendrait pas Justine. Quel père serait-il ? *« Dans cette famille, on nabandonne pas ses enfants. De qui tiens-tu ? Tu nes plus mon fils »* Ces mots le hantaient. Cétait son père qui avait insisté pour le divorce. *« Quelle trouve un homme qui laimera vraiment. »*

Dommage quils ne se soient jamais réconciliés.

Puis Élodie était entrée dans sa vie. Impossible de ne pas laimer. Mais il avait traîné, retardé sa demande. Et quand il sétait enfin décidé, Sophie était morte Comme si elle sétait vengée une dernière fois, brisant son bonheur.

Enfin, sil était honnête, ce bonheur nexistait plus. La passion sétait éteinte. Ils vivaient ensemble par habitude. Il doutait de vouloir se marier, mais il ne voulait pas perdre Élodie.

Avec cette pensée, *« advienne que pourra »*, il finit par sendormir.

Sa mère laccueillit en pleurant. Justine, elle, resta à distance, méfiante.

« Viens, ma chérie, cest ton papa », dit sa mère en se détachant de lui.

La fillette roula des yeux, tourna les talons et disparut dans sa chambre autrefois la sienne.

« Laisse-lui du temps », murmura sa mère.

Lenterrement eut lieu dans un cercueil fermé. Comme si Sophie navait jamais existé. Justine ne pleura pas, les sourcils froncés, évitant son regard.

Il essaya de lui parler. Elle lignora. Un jour, il surprit leur conversation :

« Justine, je suis trop vieille pour quon me confie ta garde. Va avec ton père à Paris, le temps de trouver une solution. »

« Pourquoi ? Il na jamais voulu de moi. Autant aller en foyer tout de suite. »

« Ne dis pas ça ! Un père vivant ? Tu ne sais pas ce que cest, un foyer ! »

« Où était-il avant ? Il nous a abandonnés. Je ne pars pas avec lui. »

La porte claqua.

Pourtant, elle monta dans le train. Durant le voyage, Justine demanda :

« Avec qui tu vis ? »

« Grand-mère ta dit ? Oui, il y a une femme. Je vais lui demander sa main. Jai même acheté une bague. Elle te plaira. » Il nen était pas sûr.

Lappartement était vide. Les affaires dÉlodie avaient disparu. Les clés traînaient sur la console.

« Ta chambre est là-bas, installe-toi. » Antoine alla dans la salle de bains. Impossible de joindre Élodie. Elle lavait probablement bloqué.

Quand il sortit, Justine préparait des sandwichs et du thé chaud. Il lui fut reconnaissant de ne pas faire de scène.

Le lendemain, ils allèrent à lécole du quartier, firent des courses. Antoine lui acheta des vêtements. Peu de mots furent échangés. Le matin suivant, Justine fit des œufs brouillés.

« Cest grand-mère qui ta appris ? »

« Et maman. »

« Cest très bon. »

Ce fut tout.

Antoine lui fit visiter Paris, lemmena au cinéma, au parc. Peu à peu, la glace entre eux fondit.

Puis vint un déplacement professionnel en Chine. Refuser aurait saboté sa carrière. Et Justine ?

« Je ne suis pas un bébé », dit-elle.

« Mais Paris est une grande ville. Je vais trouver une solution. »

« Demande à Clara de sen occuper. Elle est amoureuse de toi, elle sera ravie », suggéra Mathieu.

Antoine avait remarqué que la jeune collègue rougissait en sa présence.

Mathieu avait raison. Clara accepta avec enthousiasme. Il linvita chez eux. Elle et Justine sentendirent aussitôt, leurs rires emplissaient lappartement.

Il partit lesprit léger. Avoir une fille le perturbait encore. Mais il ne sattendait pas à lui manquer. Il appela chaque jour. Clara prenait le relais quand Justine refusait de parler. Elle ne lui avait pas encore pardonné.

À son retour, il les aperçut devant limmeuble, semblables, comme deux sœurs. Son cœur battit plus vite. Personne ne lavait jamais accueilli ainsi.

Justine sapprocha, et il lenlaça maladroitement. Elle ne se déroba pas. Clara sourit, restant à distance. Il eut envie de lembrasser, elle aussi.

« On monte ? Je vous ai rapporté des cadeaux. »

En sortant les paquets de sa valise, il se réjouit de leur joie.

« On a quelque chose à manger ? »

« Bien sûr ! » Clara courut à la cuisine, suivie de Justine. Les bruits de vaisselle résonnèrent.

*« Elles sentendent bien »*, pensa-t-il.

À table, elles lassaillirent de questions sur la Chine. Jamais il ne sétait senti aussi bien.

Après le dîner, Clara voulut partir.

« Pa-pa » Justine fit un signe de tête vers lentrée.

Lavait-elle vraiment appelé « papa » pour la première fois ? Antoine la suivit.

« Clara, il est tard, reste. Je nai pas tout raconté. »

Justine lentraîna dans sa chambre.

La nuit, Antoine ne dormit pas. Tant de choses avaient changé. Justine sétait ouverte, grâce à Clara. Une fille charmante, simple. Avec Élodie, cela naurait pas marché.

Deux mois plus tôt, il naurait jamais cru vivre avec sa fille. Et Clara Elle dormait derrière ce mur. Était-ce de lamour ? Elle laimait, lui Il essaya de définir ce quil ressentait. Juste du bonheur. Peut-être était-ce ça, lamour ?

**Et parfois, la vie nous offre une seconde chance là où nous ne lattendions plus.**

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