*Journal intime*
Aujourdhui, jai entendu des mots qui mont glacé le cœur. « Tu nes pas des nôtres », a murmuré ma future belle-fille lorsque je suis arrivée avec des fleurs, le jour où ils ont déposé leur dossier en mairie.
Ce matin, en quittant lappartement, ma voisine de palier, Mme Dubois, ma interpellée : « Élodie, vous partez déjà ? Vous êtes souffrante ? » Jai secoué la tête, ajustant mon sac sur mon épaule. « Non, tout va bien. Juste des démarches urgentes. » Elle a soupiré, évoquant ses rhumatismes, mais je nécoutais plus. Mon fils, Théo, navait pas précisé lheure du rendez-vous, mais je savais que ces choses se font tôt.
Le bus a traîné dans les embouteillages parisiens. Nerveuse, je vérifiais mes papiers : carte didentité, fiches de paie, justificatif de domicile Au cas où ils voudraient régler la question du logement tout de suite. Jimaginais la surprise de Théo, les remerciements timides de Sophie. Comment pouvaient-ils célébrer ce jour sans famille ?
La mairie, un bâtiment haussmannien, bruissait de monde. Des couples remplissaient des formulaires, des bébés gazouillaient dans les bras de leurs parents. Jai gravi les marches, le cœur serré comme le jour où javais épousé Philippe, disparu depuis.
« Théo ? » ai-je chuchoté en entrouvrant la porte du bureau 207. Mon fils sest retourné, interloqué. Sophie, en robe bleu pâle, a fixé ses mains jointes. « Maman, quest-ce que tu fais là ? »
Je me suis avancée, souriante. « Je voulais vous soutenir ! » Lemployée ma indiqué une chaise. Jai offert les chrysanthèmes à Sophieelle les adore. Elle les a pris sans un mot.
« La date souhaitée ? » a demandé lemployée. « Le 15 octobre », a répondu Théo. Jai suggéré un samedi, pour la famille. « On a déjà décidé, maman », a-t-il coupé. Sophie a rougi de frustration.
Après les formalités, jai proposé un déjeuner rue de Rivoli. « On préférait être seuls », a répliqué Sophie, glacée. Dans la rue ensoleillée, je me sentais transparente. Jai insisté pour une photo. Sophie a souri de force.
De retour à Montreuil, jai préparé un couscousle préféré de Théotout en écoutant les commentaires de ma voisine. « De toute façon, une mère est une mère », grommelait-elle. Au téléphone, mon amie Jeanne a tonné : « Cette petite peste te teste ! »
Le lendemain, Théo a appelé. « Sophie a mal vécu ta présence. Elle trouve que tu la juges. » Jai senti mes larmes monter. Après vingt ans de sacrifices, me voilà reléguée au rang dintruse.
Jai raccroché, observant les enfants jouer dans la cour. Plus tard, jai tenté de rattraper les choses. « Dis à Sophie que je respecte votre choix », ai-je murmuré.
Ce soir, en regardant les photos sur lordinateur, je me suis vue en reflet dans les vitres de la mairie : fantôme flou, effacé par leur bonheur. Peut-être demain sera-t-il différent. Peut-être Sophie comprendra-t-elle quune belle-mère nest pas une rivale.
En attendant, le silence de lappartement sépaissit, et je guette le son du téléphone.







