Deux mamans, un seul cœur : l’histoire d’un amour inconditionnel

Deux mères, un seul cœur

Ma mère Nathalie est partie quand je navais que deux ans. Je ne lai connue quà travers les photos, mais je ne lai jamais oubliée. Pourtant, toute ma vie, jai appelé « maman » une autre femme celle qui est entrée dans notre maison et y est restée pour toujours.

Je ne me souviens pas du jour où elle est arrivée. Il semblait que maman Gisèle avait toujours été là. Petite, un peu ronde, avec des yeux noirs comme du charbon et un sourire qui réchauffait même les jours les plus gris.

Maman Gisèle cest ainsi que je lappelais.

Ma petite Gisou, disait papa avec tendresse.

Ma famille na jamais caché quelle nétait pas ma mère biologique. Mais mon cœur la acceptée sans hésitation. Je croyais que maman Nathalie, en partant, avait demandé à Dieu de menvoyer une protectrice. Et Il la fait.

Les sœurs de maman Nathalie et ma grand-mère memmenaient souvent chez elles. Elles ne manquaient jamais une occasion de demander :

Est-ce quelle te prépare ton petit-déjeuner ? Est-ce quelle te fait des câlins ? Est-ce quelle se promène avec toi ?

Je me taisais. À lépoque, je ne savais pas comment leur dire que ces questions me blessaient. Aujourdhui, je comprends : elles blessaient mon amour pour maman Gisèle. Car elle maimait autant que si elle mavait portée elle-même.

Elle ne ma jamais empêchée de me souvenir de maman Nathalie. Au contraire, cest elle qui me tenait la main pour memmener à léglise.

Nous entrions dans la fraîcheur ombragée de léglise. Les bougies tremblotaient devant les icônes. Elle en achetait deux : une pour la santé, lautre pour le repos de lâme.

Cette bougie, nous la poserons pour toi, ma chérie, afin que Dieu te donne santé et bonheur. Et celle-ci, pour maman Nathalie, afin quelle repose en paix au paradis.

Je la regardais faire le signe de croix et murmurais les prières avec elle.

Maman, est-ce que maman Nathalie nous voit ? demandais-je doucement.

Elle nous voit, ma chérie, répondait-elle en caressant mes cheveux. Lâme ne meurt pas. Elle vit auprès du Seigneur. Et quand nous prions, maman Nathalie nous entend et se réjouit.

Après la messe, nous commandions toujours une prière pour les défunts. Et lorsque le prêtre chantait « Requiem aeternam », maman Gisèle se signait et murmurait :

Repose en paix, Nathalie regarde comme nous chérissons ta petite Élodie.

Puis, en sortant de léglise, elle souriait à travers ses larmes :

Tu vois, ma chérie, tu as deux mamans. Une au ciel, lautre sur terre. Mais nous taimons toutes les deux aussi fort.

Nous vivions à la campagne, et tout le monde connaissait maman Gisèle. Elle travaillait comme cuisinière dans les champs, se dépêchant toujours dun pas vif et léger.

Où cours-tu comme ça, Gisèle ? lui lançaient les voisins.

Au travail, bien sûr ! Il faut tout faire à temps, répondait-elle.

Elle rentrait aussi vite. À peine franchissait-elle le seuil quelle venait vers moi :

Élodie, comment sest passée ta journée ? Tu as mangé ? Tes devoirs sont faits ?

Et toujours, il y avait ces câlins chauds, ces baisers sur le front, les joues, le nez

Ce petit nez est mon préféré ! chuchotait-elle en membrassant.

Quand elle préparait des beignets, elle pétrissait toujours une petite portion de pâte rien que pour moi.

Allez, ma petite aide, voilà ta pâte. Apprends !

Ils seront bons ? demandais-je, les bras enfarinés jusquaux coudes.

Bien sûr ! Tu as des mains en or, comme maman Nathalie.

Ses beignets étaient délicieux avec du beurre, de lail Et elle-même était comme du pain parfumée, dorée, réconfortante.

Quand jai rencontré mes premières difficultés au travail, elle savait toujours me réconforter.

Maman, je ny arrive pas je membrouille, me plaignais-je.

Elle sasseyait près de moi, prenait mes mains dans ses paumes chaudes :

Élodie, qui ne fait pas derreurs ? Les erreurs, cest aussi apprendre. Note tout pour ne pas oublier. Moi non plus, je ne savais pas tout cuisiner demblée. Je recopiais toutes les recettes dans un cahier. Et tu vois, jai appris. Toi aussi, tu apprendras. Limportant, cest de ne pas te décourager.

Quand mon fils est né, maman Gisèle a passé toute la nuit sous les fenêtres de la maternité. Cétait avril, lair froid du printemps glaçait les rues, mais elle nest pas partie.

Maman, pourquoi es-tu restée dehors dans le froid ? ai-je demandé plus tard.

Elle a souri de ce sourire si particulier, si chaud :

Où aurais-je dû être, ma chérie ? Je priais sous tes fenêtres, pour que le Seigneur te donne des forces et que les anges gardiens bercent ton petit garçon. Même si je ne pouvais pas être à lintérieur, mon cœur était avec vous.

Puis un matin, papa a appelé :

Ma chérie maman Gisèle nest plus.

Je ne pouvais pas y croire. Comment une telle lumière pouvait-elle séteindre ?

Aujourdhui, je feuillette un vieil album. Les photos de maman Nathalie et de maman Gisèle sentremêlent, comme les fils dun même motif. Et je comprends : Dieu ne ma pas laissée orpheline. Une mère, Il me la donnée pour la vie, lautre pour lamour et la foi.

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