Toute ma vie, jai rêvé dêtre à la place de mon frère, mais tout a basculé bien vite.
Ma mère est tombée enceinte de moi à dix-neuf ans. Mon père nous a abandonnés aussitôt. Il ne voulait pas assumer la responsabilité dune famille ; sa vie était remplie de fêtes et damis. Mes grands-parents étaient furieux contre ma mère, car pour eux, avoir un enfant sans être mariée était une honte. Mon grand-père la chassée de la maison, lui disant quil ne voulait pas dune fille « irresponsable ».
Ma mère a traversé des moments très durs, mais elle sen est sortie. Elle sest inscrite à des cours du soir et a trouvé un travail. On lui a attribué une petite chambre dans une résidence universitaire. Jai dû devenir autonome très jeune. Je faisais les courses, je nettoyais et je réchauffais les repas. Je navais pas le temps de jouer ; dès que je me souviens, jétais occupé à aider ma mère.
Je ne me plaignais jamais, car je savais que jétais le seul homme de la famille, même si je nétais quun enfant.
Après un temps, ma mère a commencé à sortir avec Alexandre. Il ma tout de suite plu : il moffrait des bonbons et rapportait à manger à la maison. Ma mère était heureuse. Un jour, elle ma annoncé quelle allait épouser Alexandre et que nous déménagerions dans une grande maison. Jétais ravi, car je voulais un père et jespérais quAlexandre prendrait cette place.
Au début, tout semblait aller bien. Jai pu me reposer des tâches quotidiennes, écouter de la musique et lire. Javais ma propre chambre. Alexandre aidait ma mère, et elle paraissait épanouie.
Quelques mois plus tard, ma mère ma appris quelle attendait un bébé. Peu après, Alexandre ma informé que je devais déménager dans une toute petite pièce, autrefois utilisée comme débarras, car ma chambre serait désormais celle du bébé. Je ne comprenais pas pourquoi cétait à moi de partir, alors quil y avait dautres pièces libres dans la maison.
Le lendemain, toutes mes affaires avaient été déplacées. Je savais que cétait injuste, mais je nai rien dit.
Quand Louis est né, mes nuits sont devenues un enfer. Il pleurait sans cesse, et à lécole, jai commencé à avoir des problèmes. Mes professeurs me réprimandaient, et ma mère sénervait contre moi.
Tu devrais être un exemple pour ton frère ! Au lieu de ça, tu es un fainéant qui nous fait honte, criait-elle chaque fois que javais de mauvaises notes.
Louis a grandi, et je devais moccuper de lui. Je le promenais dans le quartier avec sa poussette, rouge de honte. Les garçons du coin se moquaient de moi, mais je ne pouvais rien y faire.
Tout ce quil y avait de mieux était pour Louis. Quand je demandais quelque chose pour moi, Alexandre répondait toujours : « On na pas les moyens. » Je conduisais Louis à la maternelle le matin et jallais le chercher laprès-midi. Ensuite, je le nourrissais et je faisais le ménage. Jattendais seulement quil grandisse.
Quand Louis a commencé lécole, ma mère ma dit que je devais laider avec ses devoirs. Il était gâté et capricieux. Peu importe mes efforts, il avait toujours de mauvaises notes. Si je le grondais, il courait se plaindre à ma mère, qui le défendait toujours, me réprimandant à la place.
Louis a été transféré dune école à lautre sans jamais sadapter. Finalement, on la inscrit dans une école privée où les bonnes notes étaient garanties… pour un prix élevé.
Moi, jai intégré un lycée technique et choisi la mécanique. Ce nétait pas ma passion, mais je voulais fuir la maison.
Plus tard, je me suis inscrit à luniversité et jai trouvé un travail. Je travaillais jour et nuit pour économiser et acheter mon propre appartement. Après quelques années, je me suis marié.
Louis, lui, a reçu un appartement dAlexandre, mais il vit toujours chez mes parents. Il refuse de travailler et vit des loyers quil perçoit.
Lors dun dîner du réveillon, toute la famille sest retrouvée chez mes parents. La petite amie de Louis était là aussi. En passant près de la cuisine, jai surpris une conversation.
Tu as de la chance avec Théo. Il est travailleur, responsable et engagé. Pourquoi Louis ne peut-il pas être comme ça ? Je lui propose quon vive ensemble et quon fonde une famille, mais il reste collé aux jupes de sa mère. Il a largent des loyers, mais il ne fait rien dautre, se plaignait la copine de Louis.
Théo est formidable, a répondu ma femme. Laisse tomber Louis, il nen vaut pas la peine. Il ne sera jamais un bon mari.
Et en effet, beaucoup de femmes ont essayé de changer Louis, mais il navait besoin de personne. Il passait ses journées affalé sur le canapé à regarder la télé. Ma mère ne supportait aucune de ses copines ; aucune nétait assez bien pour son fils.
À ce moment-là, jai compris que jétais fier de moi et vraiment heureux. La vie ma récompensé pour toutes les épreuves traversées. Aujourdhui, jai une belle famille, une femme aimante, une fille adorable et une maison à moi, tout obtenu grâce à mes efforts et mon travail.







