« Tu ne sais pas cuisiner comme ma mère », déclara le mari en laissant son assiette intacte.
« Élodie, quest-ce que cette odeur ? » demanda Théo en franchissant le seuil de lappartement. Il accrocha sa veste au portemanteau et huma lair. « On dirait quelque chose de brûlé »
« Cest le poulet au four », répondit Élodie depuis la cuisine, éteignant précipitamment la plaque sous la casserole de pommes de terre. « Tout sera prêt dans une minute ! »
Théo pénétra dans la cuisine, où sa femme saffairait près de lévier, rincant des feuilles de salade. Ses cheveux étaient ébouriffés, une trace de farine maculait sa joue, et son tablier était éclaboussé dune sauce orangée.
« Alors, comment sest passée ta journée ? » demanda-t-elle sans se retourner. « Dupont ta encore harcelé ? »
« Non, rien de spécial. Et toi ? » Théo jeta un œil dans le four, où le poulet mijotait dans une sauce mystérieuse. « Cest quoi, cette recette ? »
« Je lai trouvée sur Internet. Poulet à la française, paraît-il. Rien de compliqué, mais cest censé être élégant. »
Théo hocha silencieusement la tête et partit se changer. Élodie dressa la table, alignant les assiettes et les couverts sur la nappe immaculée quelle avait étalée pour loccasion. Elle essayait chaque jour de nouvelles recettes, saventurait avec des épices rares, rêvant de surprendre son mari après sa journée de travail.
« À table, chéri », lappela-t-elle lorsquil revint en tenue décontractée. « Cest servi. »
Ils sinstallèrent face à face. Élodie observa, le cœur battant, tandis que Théo se servait une portion de poulet, de pommes de terre et de salade. Elle-même navait presque rien pris, trop nerveuse pour manger.
Théo coupa un morceau de viande, le porta à sa bouche, mâcha lentement. Son visage resta impassible. Élodie attendit un commentaire, mais il continua en silence, sirotant occasionnellement son verre de vin.
« Alors ? finit-elle par demander. Cest bon ? »
« Correct », répondit-il brièvement, les yeux rivés sur son assiette.
« Juste correct ? » sattrista-t-elle. « Jai fait des efforts, cest une nouvelle recette »
Théo soupira, posa sa fourchette et la regarda.
« Tu ne sais pas cuisiner comme ma mère, déclara-t-il en repoussant son assiette à moitié pleine. Chacun de ses repas était une fête. Ça » Il désigna le plat dun geste vague. « Ça nest que de la nourriture. »
Élodie sentit une boule lui monter à la gorge. Elle baissa les yeux, refusant de montrer combien ces mots la blessaient.
« Japprends, murmura-t-elle. On ne devient pas chef du jour au lendemain »
« Ma mère, à ton âge, nourrissait déjà cinq enfants, continua Théo en se levant. Personne na jamais quitté sa table insatisfait. Et surtout, tout était délicieux. »
Il partit dans le salon, alluma la télévision. Élodie resta assise, contemplant lassiette presque pleine de son mari. Le poulet était effectivement un peu sec, les pommes de terre trop cuites, la sauce étrangement âcre. Mais elle avait tellement essayé
Elle se leva, rangea la table. Les restes finirent à la poubelle personne ne les mangerait. Les assiettes tintèrent dans lévier tandis quelle les empilait.
« Élo, tu prépares le café ? » lança Théo depuis le salon.
« Oui », répondit-elle, bien quelle nen eût aucune envie.
Tandis que leau chauffait, Élodie repensa à sa belle-mère, Jacqueline. Une cuisinière hors pair. Son bœuf bourguignon était légendaire dans la famille, ses quiches fondantes en bouche. Lorsque Théo lavait présentée à ses parents, Jacqueline avait préparé un festin à tomber par terre.
« Mon Théo adore les crêpes, disait-elle en versant la pâte dans la poêle. Je lui en faisais chaque dimanche. Il en emportait pour la semaine. »
Élodie avait admiré la dextérité de sa future belle-mère, la façon dont la pâte se retournait dun coup de poignet, parfaite. Elle avait essayé chez elle : un désastre de grumeaux et de trous.
« Maman, apprends-moi à cuisiner comme toi », avait-elle un jour demandé.
« Mais cest tout simple, ma chérie, avait ri Jacqueline. La cuisine, cest une question de cœur. Si tu aimes ton mari, tes plats seront bons. Les recettes ne font pas tout. »
Mais lamour ne suffisait pas. La viande dÉlodie carbonisait ou saignait, les sauces tournaient, les gâteaux ne gonflaient jamais.
« Le café est prêt », annonça-t-elle en déposant le plateau sur la table basse.
« Merci. » Théo prit sa tasse sans quitter lécran des yeux.
Élodie sassit à côté, mais ne parvint pas à se concentrer sur le film. Elle songea au dîner du lendemain. Elle entendrait à nouveau que ce nétait pas aussi bon que chez maman.
« Théo, et si jallais voir ta mère ? proposa-t-elle. Quelle mapprenne à faire son bœuf bourguignon. »
« Pourquoi ? sétonna-t-il. Elle a ses propres occupations. »
« Elle ne refusera pas. Ça maiderait. »
« Elle nest plus jeune, se défila-t-il. Et puis, ce nest pas la question. Elle a un don. Toi » Il haussa les







