Ah, la vie nous réserve parfois des surprises incroyables, et celle-ci en est une bien belle !
Claire et Mathieu sont mariés depuis près de dix ans. Ils saiment tendrement et élèvent leurs deux fils. Claire, diplômée en enseignement, était professeure dhistoire avant la naissance de leur petit dernier, Émile. Mais avec ses problèmes de santé, elle a dû quitter son travail pour soccuper de lui à plein temps.
« On a rendez-vous à lhôpital avec Émile aujourdhui », annonça Claire à son mari ce matin-là, alors quil prenait son petit-déjeuner avant le travail. « Cest à onze heures, tu peux nous emmener ? »
« Bien sûr, répondit Mathieu. Jai une réunion avec le patron ce matin, mais après, je dois aller à notre agence de Versailles. Je vous appelle dès que je peux partir. »
« Tu aurais pu prendre le bus avec le petit, tu nes pas une princesse », grouma sa belle-mère, Marianne, en pinçant les lèvres.
Claire ne répondit rien, tandis que Mathieu, hochant la tête, prit les clés de la voiture et sortit. Ils vivaient dans lappartement de sa mère à Paris, dans le 16ᵉ arrondissement. Tout irait bien si Marianne, fille dun général, ne sétait pas habituée à tout commander. Dans cette famille, on ne contredisait pas Marianne Claire lavait appris dès le premier jour, lorsque sa belle-mère lavait rabrouée sèchement :
« Ici, cest moi qui décide. Et je ne tolérerai pas une autre maîtresse de maison dans ma cuisine. Cest clair ? Je ne vais pas me répéter. »
Claire avait compris. Dautant plus que Marianne, veuve depuis longtemps, tenait à garder son fils sous son aile. Elle avait insisté pour quils vivent tous ensemble.
On aurait pu croire quelle serait heureuse un fils marié, des petits-enfants, une belle-fille docile mais ses gènes autoritaires ressortaient sans cesse. Son amour allait à son fils et aux enfants, tandis que Claire, à ses yeux, ne valait guère mieux quune domestique.
« Ne touche à rien dans lappartement Tu ne sais ni laver, ni cuisiner, tu te occupes mal de mon fils et de mes petits-enfants », répétait Marianne, malgré les efforts de Claire pour tout faire impeccablement.
Mais impossible de lui plaire. Surtout depuis la naissance dÉmile, fragile, qui avait forcé Claire à quitter son travail. Bien des fois, elle avait pleuré en cachette avant de se confier à Mathieu :
« Mathieu, je respecte ta mère, mais ne serait-il pas mieux quon vive seuls ? »
« Et avec quel argent ? rétorquait-il. Je suis le seul à travailler. Et puis, tout est propre, repassé, les enfants sont nourris. Au lieu de te plaindre, tu devrais la remercier. »
À chaque fois, la discussion sachevait ainsi. Claire avait fini par accepter son sort.
Ce jour-là, après lhôpital, Claire et Émile firent un tour au parc, mangèrent une glace et profitèrent du doux soleil dautomne. Le médecin les avait rassurés :
« Tout va bien, Émile pourra aller à lécole comme les autres enfants lannée prochaine. Vous prenez bien soin de lui, bravo. »
« Merci, docteur. Vos mots valent de lor. »
Rentrés à la maison, le bonheur fut de courte durée.
« Alors, comment sest passé le rendez-vous ? demanda Marianne à son petit-fils.
Très bien, mamie ! Le docteur a dit que jétais sage et que maman soccupait bien de moi ! »
« Ah oui ? Bien sûr, cest grâce à elle »
En mars, Marianne fêterait ses soixante ans. Claire et Mathieu se creusèrent la tête pour trouver un cadeau.
« Et si on lemmenait au restaurant pour son anniversaire ? proposa Mathieu. Comme ça, elle naura pas à cuisiner. »
Claire doutait, mais ils décidèrent de lui annoncer la surprise la veille. Contre toute attente, Marianne accepta sans rouspéter une petite victoire.
Au restaurant, tout le monde était de bonne humeur, sauf Marianne, qui fit la tête.
« Mon fils, on va finir ruinés comme ça. On aurait pu manger à la maison. Et toi, Claire, une vraie épouse aurait détourné cette idée. »
Claire garda le silence, ne voulant pas gâcher la soirée.
À une table voisine, un homme les observait depuis un moment. Mathieu commença à sénerver.
« Pourquoi il nous regarde comme ça ? Ne le regarde pas. »
Mais lhomme se leva et sapprocha de Marianne.
« Puis-je vous inviter à danser ? »
Stupeur générale. Marianne, souriante, accepta.
Ils dansèrent toute la soirée, échangeant des mots doux.
« Cest Philippe, un ancien camarade de classe. Lui aussi est veuf. Quel bel anniversaire vous mavez offert ! »
Le soir même, Marianne annonça :
« Ne mattendez pas, je rentrerai tard ou peut-être pas. »
Et elle partit avec Philippe.
Le lendemain, elle revint pour prendre ses affaires.
« Je men vais, nous avons décidé de vivre ensemble », déclara-t-elle, rayonnante.
Quelques semaines plus tard, ils se marièrent.
Enfin, Claire était maîtresse chez elle.
« Je ne savais pas que tu cuisinais si bien ! » sémerveillait Mathieu.
« Je te lavais dit. »
Aujourdhui, lorsque Marianne leur rend visite, elle ne tarit pas déloges :
« Dans une maison, il ne doit y avoir quune maîtresse. Et toi, ma Claire, tu es parfaite. Mon fils a bien de la chance. »
Claire et Mathieu échangent un sourire entendu. La vie, parfois, fait bien les choses.







