Ne te mêle pas de ma famille, dit le fils avant de supprimer mon numéro.
Maman, ça suffit ! Je suis un homme adulte ! lança Théo en tripotant nerveusement la corde de sa capuche, debout dans lentrée avec son sac à la main.
Où vas-tu par ce temps ? Il pleut des cordes ! Valérie jeta un coup dœil par la fenêtre, où des gouttes épaisses glissaient sur la vitre. Et puis, je prépare ton plat préféré, le boeuf bourguignon. Tu ne peux vraiment pas attendre ?
Maman, jai trente ans ! Trente ! Et tu surveilles chacun de mes pas comme si jen avais quinze.
Valérie soupira, serrant une serviette de cuisine contre sa poitrine. Son fils avait raison, bien sûr. Mais comment le laisser partir, lui, son unique enfant, né après tant dattente ? Surtout depuis que Michel avait quitté la famille, les laissant seules.
Je minquiète pour toi, cest tout. Depuis ton divorce avec Léa, tu es si renfermé Peut-être pourrions-nous en parler ?
De quoi ? Théo boutonna son manteau. Tout va bien. Je vais chez Mathieu regarder le match. Tu te souviens de lui ? On était amis au lycée.
Bien sûr, je me souviens de Mathieu. Un garçon bien. Et tu te rappelles quand vous construisiez des cabanes dans le jardin avec des vieilles planches ? Valérie sourit à ce souvenir. Je vous apportais du jus de pomme et des tartines
Maman, je suis en retard.
Théo se dirigea vers la porte, mais sa mère lattrapa par la manche.
Attends ! Et si Sophie était là ? Mathieu a une petite amie, ils pourraient inviter des amis. Ça ne te dérangerait pas de rencontrer quelquun ? Une gentille fille ?
Mon Dieu gémit son fils en secouant la tête. Maman, arrête ! Je peux gérer ma vie sentimentale tout seul.
Je ne veux que ton bonheur ! Que tu aies une famille, des enfants
Valérie se tut en voyant le visage de Théo sassombrir. Les enfants étaient un sujet douloureux depuis le divorce.
Théo ouvrit la porte et partit, la claquant derrière lui. Valérie resta immobile dans lentrée, la serviette serrée contre elle.
Elle retourna à la cuisine, éteignit le feu sous la cocotte. Manger seule lui paraissait insupportable. Elle réchaufferait plus tard, si Théo rentrait. *Si* il rentrait
Assise sur une chaise, elle contempla la cuisine vide. Autrefois, cétait bruyant ici. Michel lisait le journal, Théo faisait ses devoirs à cette même table, elle sactivait devant les fourneaux. Maintenant, le silence, seulement brisé par la pluie tambourinant sur lappui de fenêtre.
Le téléphone sonna. Valérie décrocha précipitamment.
Allô ?
Valérie, cest moi, Nathalie. Comment vas-tu, ma chérie ? Tu ne tennuies pas trop ?
Nathalie était sa seule amie proche, leur amitié datait du lycée.
Jai encore eu une dispute avec Théo. Je ne sais plus comment lui parler. Tout ce que je dis est mal interprété
Quest-ce qui sest passé cette fois ?
Comme dhabitude. Je lui ai demandé où il allait, il sest braqué. Comme si je faisais quelque chose de mal.
Valérie, as-tu pensé quil souffre peut-être vraiment ? Un homme de trente ans qui vit encore avec sa mère
Mais où irait-il ? Il na pas les moyens de louer un appartement avec son salaire. Et acheter tu sais combien ça coûte.
Je sais. Mais, Valérie, peut-être quil ne fait rien pour changer parce que chez toi, cest trop confortable ? Tu le couves comme un enfant. Tu cuisines, tu laves, tu ranges pour lui
Valérie voulut protester, mais comprit que son amie avait raison. Elle faisait pour lui les mêmes choses que lorsquil avait dix ans.
Mais je suis sa mère ! Comment ne pas moccuper de lui ?
Soccuper et étouffer, cest différent, ma chérie. Mon Julien a quitté Paris à vingt-cinq ans pour trouver du travail. Je mennuie, bien sûr, mais je sais quil faut les laisser partir.
Après cette conversation, Valérie resta longtemps pensive. Peut-être que Nathalie avait raison ? Peut-être allait-elle trop loin ?
Théo rentra tard, vers minuit. Il passa directement dans sa chambre sans jeter un coup dœil à la cuisine. Valérie lentendait fouiller dans son placard.
Le lendemain matin, ils petit-déjeunèrent en silence. Théo buvait son café, parcourant distraitement les infos sur son téléphone, tandis que sa mère lui servait une omelette aux lardons.
Théo, tu te souviens quand ton père et moi temmenions au zoo ? Tu adorais les éléphants, commença-t-elle timidement.
Oui, grogna-t-il sans lever les yeux.
Et quand tu es entré au CP, si sérieux avec ton cartable neuf
Maman, pourquoi tu ressors tout ça ?
Comme ça Le temps passe si vite. Hier, tu étais petit, aujourdhui, tu es un homme.
Théo leva les yeux, et Valérie y vit de la lassitude.
Si tu comprends que je suis adulte, pourquoi tu me traites comme un enfant ?
Je ne
Maman, hier, tu mas demandé à quelle heure je rentrerais. Ensuite, tu as appelé Mathieu pour vérifier si jétais bien chez lui. Tu crois que je ne le sais pas ?
Valérie rougit. Elle lavait effectivement fait. Juste pour sassurer que tout allait bien.
Je minquiétais
Jai trente ans, maman ! Jai été marié, on envisageait des enfants. Je ne suis plus un ado !
Mais
Mais quoi ? Parce que je vis avec toi, tu penses avoir le droit de contrôler chaque mouvement ?
Valérie sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle ne voulait que son bien.
Je ne veux que ton bonheur
Je sais. Mais ton amour métouffe, tu comprends ? Je ne peux plus continuer comme ça.
Théo finit son café et se leva.
Ne mattends pas ce soir. Je dors chez Mathieu.
Et le dîner ? Je pensais faire tes croquettes préférées
Je men passerai. Il prit sa veste et se dirigea vers la porte.
Théo, attends ! Valérie le rattrapa dans le couloir. Pourquoi est-ce quon se dispute ? Je vais maméliorer, je te laisserai plus despace
Maman, ce nest pas ça. Théo se retourna. Jai besoin de respirer. Comprends-tu ? De vivre ma vie.
Mais je suis seule ! sécria-t-elle. Ton père est parti, et maintenant toi aussi Que vais-je faire ?
Je ne sais pas, maman. Mais je ne peux pas être ton unique raison de vivre. Ce nest pas sain.
La porte claqua. Valérie retourna lentement à la cuisine, regardant lomelette à moitié mangée dans lassiette de Théo. Machinalement, elle débarrassa la table.
Toute la journée, elle rumina anxieusement. Elle appela Nathalie, se plaignit de son fils, mais son amie prit son parti.
Valérie, imagine ce quil ressent. Tous ses amis ont leur propre vie, leur famille. Et lui vit encore avec sa mère. Ça doit être humiliant.
Mais je ne le retiens pas ! Cest lui qui ne part pas !
Et toi, tu ne fais rien pour quil se sente libre de partir. Au contraire, tu lui montres que tu ne pourrais pas vivre sans lui.
Valérie voulut argumenter, mais réalisa quelle navait rien à dire. Elle saccrochait à son fils de toutes ses forces.
Théo ne rentra pas ce soir-là. Ni le lendemain. Valérie résista à lenvie dappeler. Au troisième jour, elle céda et composa son numéro.
Allô ? répondit une voix froide.
Théo, cest moi. Comment ça va ? Où es-tu ?
Chez Mathieu. Je te lai dit, maman.
Et tu comptes rester longtemps là-bas ?
Je ne sais pas. Le temps de trouver un appartement.
Mais pourquoi dépenser de largent ? Tu as ta place ici, pourquoi
Maman, on en a déjà parlé.
Un silence gêné sinstalla.
Théo, on pourrait en parler ? Viens, je préparerai le déjeuner
Je ne peux pas. Jai des choses à faire.
Quelles choses ? Cest le week-end !
Maman
Dis-le-moi au moins ! Je minquiète !
Cest exactement pour ça que je suis parti. Tu tinquiètes pour tout.
Ce nest pas rien pour moi ! Tu es mon fils !
Je suis un adulte ! La voix de Théo monta dun cran. Je nai pas à te rendre des comptes sur chaque détail de ma vie !
Mais
Pas de «mais» ! Maman, écoute-moi bien. Ne te mêle pas de ma famille.
Quelle famille ? demanda Valérie, déconcertée. Théo, de quoi parles-tu ?
Je vois quelquun. Et je ne veux pas que tu linterroges comme tu las fait avec Léa. Ni que tu nous donnes des conseils sur comment vivre. Ni que tu appelles toutes les heures.
Théo
Je suis sérieux, maman. Soit tu me laisses tranquille, soit on ne se parle plus.
Valérie sentit le sol se dérober sous ses pieds.
Tu ne peux pas dire ça Je suis ta mère
Justement, parce que tu es ma mère, tu dois comprendre : il faut laisser partir ses enfants. Et toi, tu me retiens comme en prison.
Ce nest pas une prison ! Cest notre maison !
Pour moi, si. Et je nen peux plus.
Valérie resta longtemps immobile, incapable de raccrocher. Puis elle se dirigea vers la chambre de Théo, sassit sur son lit.
Tout était comme il lavait laissé. Les livres, les vieilles photos, les souvenirs. Sur le mur, une affiche de concert elle avait souvent voulu lenlever, mais Théo insistait pour la garder.
Elle prit une photo sur la table de nuit : Théo à sept ans, édenté, riant, les bras autour de son cou. À cette époque, il lui racontait tout, partageait ses secrets
Quand tout cela avait-il changé ? Quand sétait-il éloigné ?
Valérie se souvint de sa joie quand Théo avait épousé Léa. Enfin une belle-fille, presque une fille ! Elle avait tout fait pour se lier avec elle, apportant des gâteaux, donnant des conseils
Mais Léa restait distante. Un simple merci, sans chaleur. Et Théo, près delle, devenait taciturne.
Maman, ne viens pas sans prévenir, lui avait-il dit un jour. Léa naime pas les surprises.
Valérie sétait sentie blessée, mais navait rien montré. Elle appelait avant chaque visite. Pourtant, Léa restait froide.
Cest son caractère, défendait Théo. Elle nest pas facile avec les gens.
Mais les mois passaient, et Léa ne souvrait pas. Pire, Valérie sentait quelle la détestait. Quand elle apprit que Léa avait interdit à Théo de lui donner les clés de leur appartement, elle comprit : cétait la guerre.
Théo, mais je ne viendrais pas sans raison ! Juste en cas durgence !
Maman, on a notre vie. On se débrouillera.
Et si quelque chose arrive ?
Il narrivera rien.
Valérie avait gardé le silence, mais bouillonnait intérieurement. Quel droit avait cette Léa de décider à sa place ? Elle était sa mère, après tout !
Puis vint le pire. Théo venait moins souvent. Aux fêtes, il arrivait avec Léa, mais ils semblaient pressés de repartir.
On a des choses à faire, expliquait-il.
Quelles choses ? Restez un peu, je vous vois si rarement !
On était là hier.
Hier, cétait une heure ! Vous avez mangé et vous êtes partis !
On a notre vie, intervenait Léa. Tu devrais comprendre.
Oh, comme Valérie détestait cette phrase ! «Notre vie», «tu devrais comprendre» Et elle, navait-elle pas le droit de vouloir voir son fils ?
Le divorce fut presque un soulagement. Théo revint à la maison, et elle put de nouveau soccuper de lui. Il était sombre, distant, mais Valérie espérait que le temps guérirait ses blessures.
Elle cuisinait ses plats préférés, ne le harcelait pas de questions, créait un cocon. Peu à peu, Théo se rouvrit, commença à parler de sa vie.
Tu sais, maman, Léa et moi nétions pas faits lun pour lautre. Elle voulait une chose, moi une autre.
Quest-ce quelle voulait ?
Une carrière. De largent. Une vie glamour. Moi je voulais une famille. Des enfants. Une maison chaleureuse.
Bien sûr ! Cest normal ! sexclama Valérie. Alors quelle elle attendait autre chose de toi.
Pas seulement de moi. De toi aussi. Elle disait que tu passais trop de temps chez nous.
Quoi ? sindigna Valérie. Je ne venais que quand vous minvitiez !
Je sais, maman. Mais elle avait une allergie à ton affection. À toute forme dattention, en fait.
Valérie triompha intérieurement. Elle avait eu raison de se méfier de Léa dès le début. Le cœur dune mère ne trompe pas.
Un an passa. Théo semblait avoir surmonté son divorce, mais Valérie voyait sa mélancolie. Pour la famille quil navait pas eue.
Théo, et si tu rencontrais quelquun ? suggéra-t-elle un soir. Nathalie connaît une voisine, médecin. Jolie, gentille
Maman, non.
Pourquoi ? Tu pourrais au moins la voir !
Jai dit non !
Valérie abandonna, mais revint à la charge quelques jours plus tard.
Et si tu rencontrais quelquun au travail ? Au sport
Maman, laisse tomber.
Je veux juste que tu sois heureux ! Que tu aies une famille !
La famille que jai me suffit. Je suis bien avec toi.
Ces mots auraient dû la réjouir, mais une inquiétude la traversa. Son fils resterait-il avec elle pour toujours ? Et sa propre vie ?
Mais linquiétude sestompa. Lessentiel était quil soit là.
Pourtant, les choses évoluaient mal. Théo rentrait tard, sortait le week-end. Quand elle essayait de savoir avec qui, il se refermait.
Quest-ce qui se passe ? demanda-t-elle le jour où il partait chez Mathieu pour le match. Avant, tu me racontais tout
Avant, javais dix ans, maman.
Mais on était si proches ! Tu me faisais confiance !
Je te fais toujours confiance. Mais ça ne veut pas dire que je dois te rendre des comptes.
Je ne demande pas des comptes ! Juste, je mintéresse !
Ton intérêt ressemble à un interrogatoire.
Cest alors que Valérie craqua. Elle lattrapa par la manche, parla de Sophie, qui serait peut-être chez Mathieu
Et maintenant, il était parti, claquant la porte. Et Valérie était seule dans sa cuisine, écoutant la pluie.
Le téléphone resta muet trois jours. Au quatrième, Valérie céda et appela.
Le numéro nest plus attribué, annonça une voix robotique.
Étrange. Théo néteignait jamais son portable. À moins que ?
Elle trouva le numéro de Mathieu.
Mathieu, cest Valérie, la mère de Théo. Est-ce quil est chez toi ?
Non, madame. Il a pris un appartement il y a trois jours.
Quoi ? Sans me le dire ?
Je ne sais pas. Il a dû vouloir vous en parler lui-même
Valérie raccrocha, les mains tremblantes. Un appartement ! Et pas un mot ! Et sil tombait malade ? Qui soccuperait de lui ?
Elle rappela le numéro de Théo. Cette fois, le message était clair : «Ce numéro nexiste pas.»
Son cœur se serra. Il avait changé de numéro ? Sans lui donner le nouveau ?
Elle courut chez Nathalie.
Tu te rends compte ? Il a déménagé ! Changé de numéro ! Comme si jétais son ennemie !
Valérie, calme-toi. Assieds-toi, bois un thé.
Quel thé ? Nathalie, il va se perdre sans moi ! Qui va lui faire à manger ? Soccuper de lui sil est malade ?
Valérie, il a trente ans. Il nest plus un bébé.
Mais
Pas de «mais». Tu las poussé à bout. Tu las étouffé.
Je voulais son bien !
Tu as voulu. Et le résultat est là. Nathalie lui servit du thé. Écoute, Valérie, lamour maternel peut prendre deux formes. Aimer en laissant libre. Ou aimer en retenant. Tu as choisi la seconde.
Que pouvais-je faire ? Après mon divorce, je navais que lui !
Cest justement le problème. Un enfant ne doit pas être ton unique raison de vivre. Tu dois avoir tes propres passions, ta vie.
Quelles passions ? Jai cinquante-cinq ans !
Et alors ? La vie sarrête là ? Regarde Élodie, au troisième étage. Soixante-deux ans, elle fait du théâtre, de la danse. Elle vit pleinement !
Elle na ni mari ni enfants
Et toi ? Ton mari est parti, ton fils aussi. Que feras-tu ? Attendre quils reviennent ?
Nathalie avait raison, mais ladmettre était terrifiant. Tout ce quelle croyait bon avait en réalité nui à son fils ?
Une semaine passa, emplie de réflexions douloureuses. Valérie allait au travail comme un automate, cuisinait pour personne, regardait la télé sans la voir.
Un samedi matin, on sonna à sa porte. Valérie se précipita, espérant voir Théo.
Sur le seuil se tenait une jeune femme inconnue, blonde, aux yeux doux.
Bonjour. Vous êtes Valérie ?
Oui
Je suis Camille. Théo et moi on se voit. Puis-je entrer ?
Valérie la fit entrer en silence, le cœur battant.
Asseyez-vous. Un thé ?
Merci.
Elles se firent face, Valérie étudiant discrètement la jeune femme. Jolie. Polie. Mais pourquoi Théo lavait-il cachée ?
Valérie, je suis venue parler. Théo ne vous a sans doute rien dit
Non. Il ne me parle plus.
Je sais. Et je sais pourquoi. Camille posa ses mains sur la table. Nous voulons nous marier.
Valérie sentit tout se contracter en elle.
Vous marier Et il ne men a pas parlé
Parce quil a peur de votre réaction. Il ma raconté comment vous avez traité sa première femme. Et comment vous contrôlez sa vie.
Je ne contrôle pas ! sindigna Valérie. Je prends soin de lui !
Je comprends. Vous laimez. Mais votre amour Camille chercha ses mots. Votre amour létouffe.
Quen savez-vous ? Vous nêtes pas sa mère !
Non. Mais je laime, et je vois sa souffrance. Il est déchiré entre son désir dêtre un bon fils et son besoin de liberté.
Valérie digéra ces mots. Cette inconnue osait lui dire comment aimer son propre fils !
Que voulez-vous de moi ?
Que vous le laissiez partir. Vraiment. Plus dappels quotidiens, de visites impromptues, de conseils non sollicités.
Et en échange ?
En échange, vous aurez un fils qui vient vous voir parce quil le veut, non par culpabilité. Une belle-fille qui ne vous voit pas comme une rivale. Et peut-être des petits-enfants.
Des petits-enfants murmura Valérie avec espoir.
Oui. Mais seulement si vous nous laissez vivre comme nous lentendons.
Camille se leva, ajusta son sac.
Réfléchissez, Valérie. Théo vous aime beaucoup. Mais il ne peut plus être votre petit garçon. Il est un homme, et il a besoin de sa propre famille.
Après son départ, Valérie resta longtemps assise dans sa cuisine. Des pensées contradictoires lassaillaient.
Elle en voulait à Camille comment osait-elle lui dicter sa conduite ? Puis songeait à Théo avec angoisse lavait-elle perdu pour de bon ?
Puis, après des heures à nettoyer, à feuilleter des photos, à pleurer, une étrange paix lenvahit. Quelque chose en elle avait cédé.
*Si je laime vraiment, je dois le laisser partir.*
Le lendemain, elle composa le numéro que Camille lui avait laissé.
Allô ? répondit la voix tendue de Théo.
Théo Cest moi. Je ne te dérangerai plus. Sache juste que ma porte est toujours ouverte. Je taime. Et si Camille est daccord, je serai heureuse de la rencontrer. Pour de vrai.
Un silence sinstalla. Puis Théo murmura :
Merci, maman. Cest important.
Et à cet instant, Valérie comprit : elle ne perdait pas son fils elle lui offrait le bonheur. Et peut-être, pour la première fois depuis longtemps, à elle aussi.







