Jai une nouvelle vie maintenant, dit lhomme en éteignant la lumière.
Marie-Claude, cest vrai que votre Jean-Luc a emménagé définitivement dans la maison de campagne ? demanda la voisine, tante Colette, en se penchant par-dessus la haie.
Marie tressaillit, faillit lâcher larrosoir. Elle arrosait les tomates depuis une demi-heure, mais narrivait pas à se concentrer. Ses pensées sembrouillaient comme des fils dans une vieille boîte à couture.
Mais non, Colette, quelle idée ! Cest juste lété, il aime bien y passer du temps, répondit-elle sans lever les yeux.
Les gens racontent des choses murmura tante Colette en secouant la tête. On dirait quil est parti avec toutes ses affaires. Et quil a vendu sa voiture
Marie se retourna brusquement. Vendu sa voiture ? Comment la voisine savait-elle quelque chose quelle ignorait ?
Colette, ne croyez pas ces racontars. Jean-Luc veut juste soccuper sérieusement du potager, cest tout, dit-elle dune voix à peine tremblante.
La voisine hocha la tête dun air entendu et séloigna. Marie resta là, larrosoir à la main, contemplant les feuilles mouillées des tomates. *Il a vendu sa voiture* Alors cétait vrai. Pas étonnant quil ait prononcé ces mots, une semaine plus tôt, quand elle lui avait demandé de laider à porter les sacs du marché.
Je ne peux plus vivre comme ça, Marie, avait-il dit ce soir-là, assis au bord du lit sans la regarder. *Jai une nouvelle vie maintenant.* Puis il avait éteint la lumière.
Le lendemain matin, il était parti. Juste un mot sur la table de la cuisine : *Les clés du cottage sont dans le tiroir. Ne laissez pas les aliments se gâter dans le frigo.*
Marie posa larrosoir et rentra. Trente-deux ans de mariage. Trente-deux ans dans cet appartement, à choisir les meubles, à faire des travaux. Elle se souvenait quand ils avaient acheté ce lustre pour le salon, comment Jean-Luc avait juré en linstallant, maugréant contre les fils trop courts.
Maman, ça va ? fit la voix dÉlodie au téléphone. Tu as lair bizarre
Tout va bien, ma chérie. Juste un peu fatiguée, cette chaleur
Et papa ? Ça fait longtemps que je ne lai pas vu. Je voulais venir ce week-end avec Mathis.
Mathis, leur petit-fils de sept ans, adorait son grand-père. Ils bricolaient ensemble dans le garage, partaient pêcher. Que lui dire maintenant ?
Papa est à la campagne, il soccupe du potager. Tu sais comme il aime cultiver ses tomates.
Ah, oui Et toi, tu es toute seule ? Tu ne veux pas venir chez nous ?
Non, non, jai trop à faire. Il faut que je prépare les conserves.
Les conserves Autrefois, août était une fête. La cuisine devenait une usine. Il lavait les bocaux, elle coupait les légumes. Lodeur de lail et du basilic emplissait la maison. Jean-Luc était fier de leurs réserves, en vantait les mérites à ses collègues.
*Ma Marie est une vraie fée du logis !* disait-il en lui passant un bras autour des épaules.
Maintenant, pour qui faire tout ça ?
Marie sapprocha de la fenêtre. Dans la cour, les enfants jouaient, les voisines papotaient. La vie continuait, comme si de rien nétait. Alors que la sienne semblait sêtre arrêtée.
Le téléphone sonna. Elle espéra que cétait Jean-Luc, mais une voix inconnue répondit.
Allô, Marie-Claude ? Cest Jeanne, du village où se trouve votre maison. Votre mari ma demandé de vous dire quil va bien. Il a loué







