Est-ce que j’ai bien fait de me séparer de toi ?

 « Tu aimes bien me faire perdre mon temps, nestce pas? Bien, je me suis séparée de toi! »

Dans un autre contexte, Marion aurait simplement hurlé que cest elle qui a rompu avec ce marimiracle, mais le mot «travaux» la fait réfléchir autrement.

« Maman, je peux venir chez toi? » la voix tremblante de sa fille, Clémence, nannonce rien de bon.

Évidemment, Marion, bien émue, accepte que Clémence vienne. Elle ajoute même que la maison est aussi la sienne, donc la petite naurait même pas eu besoin de demander.

« Je pensais que tu ty opposerais, on vit maintenant chez papa »

« Peu importe où tu habites, tu resteras ma fille. Stéphane vient avec toi? »

« Oui, il reste avec moi. Maman, cest Ce nest pas un simple appel, cest vraiment grave. »

« Allez, ma fille, calmetoi. Tout le monde estil en vie? »

« Oui. »

« Alors ce nest pas si terrible. Racontemoi ce qui sest passé. »

Dans sa tête, Marion imagine le pire scénario. Une maladie? Sil y avait eu cela, Clémence naurait pas eu besoin de courir chez elle. Le souhait de retourner à la maison de campagne depuis lappartement parisien de son père signifie quelle sest disputée avec lui. Ce dernier nest pas le plus doux, mais elle laime. Quelque chose dextraordinaire a dû arriver.

« Olivier ne pouvait pas être en colère contre Stéphane, vu quil vit dans la chambre de Clémence et que leur relation est publique. Peutêtre atil décidé davoir une nouvelle compagne et la petite sest retrouvée de trop? »

« Ça ressemble à la vérité. »

Mais la vérité savère tout autre.

« Maman, je ne sais pas comment cest arrivé, on se protégeait, mais » bafouille Clémence.

Stéphane, assis à côté, pose une main rassurante sur son épaule, jetant parfois un regard à la future bellemère comme un chiot blessé.

« Quel drôle denfants, » soupire Marion intérieurement. Elle résiste à rouler des yeux et répète ce qui figure sur chaque boîte de contraceptifs: même avec un risque dun sur mille, une grossesse peut survenir.

« Clémence, ce nest pas un problème maintenant. Où en estu? »

« Dix semaines. Et comment aije pu ne rien voir? Jaurais dû deviner que mon cycle était décalé à cause de la rougeole. »

« Il aurait pu être décalé à cause de la rougeole, » coupe Marion. « ou à cause du stress des exams, ou pour aucune raison. Quand on utilise des préservatifs de bonne qualité, on blâme la «grosse» quen dernier recours. »

« Même si Stéphane et moi voulions cet enfant »

« Nous ne le voulions pas! » sexclament les deux en même temps. Ils se regardent, puis Stéphane, prenant linitiative, poursuit.

« Marion, on a à peine dixneuf ans, pas détudes, pas de travail stable. Dans sept ou dix ans, quand on sera diplômés et aurons un emploi correct, on pourra envisager davoir des enfants. Maintenant, on peine à subvenir à nos besoins, et si mon père ne nous laissait pas entrer chez lui, on finirait dans un HLM infesté de cafards, impossible dy élever un bébé. »

« Donc tu navais pas prévu de garder? » demande Marion, précisant. « Sache que tu as aujourdhui des contreindications totales à la grossesse. Si tu avais été vaccinée, on aurait pu envisager autre chose, mais tu as contracté une infection au premier trimestre; les risques de pathologies sont terrifiants. »

« Je navais pas prévu de le garder, maman. Le problème, cest papa. Il a pété les plombs quand il a su. »

Il a commencé à crier que sil ne tenait pas le petitenfant, il ne serait pas sa fille. Il a même invoqué Dieu, arguant que la religion et la médecine ancienne refusent les avortements non désirés.

« Avant la légalisation, les filles enceintes par hasard couraient les charlatans, se soumettant à des méthodes douteuses: perte de santé, impossibilité future dêtre mère, voire décès. » lance Marion avec ironie. « Je comprends son malêtre, mais il na aucun droit de te traiter ainsi. »

« Pourquoi ce sujet estil douloureux, maman? »

« Je je ne sais plus, » propose Stéphane, voulant rester poli.

« Lhistoire est vieille, pas secrète. Il a perdu son emploi, sest installé à la maison, jai supporté ça un an et demi avant de divorcer. Tu te souviens, ça faisait douze ans, pas cinq. »

« Je men souviens, » répond Clémence. « Et la grossesse? »

« Quand jai déposé le divorce, jignorais que jétais enceinte. Jai découvert plus tard. Où vaisje vivre avec un bébé et une ado, compte tenu de son état? Jai voulu me débarrasser de tout. »

Il a tellement crié quil a failli se frapper la poitrine, promettant de tout arranger, mais ces promesses valaient rien. « Comment astu su? »

« Jai jeté le test dans la poubelle de la salle de bain. Je sais, je suis irresponsable, mais je ne pensais pas quil le verrait. Il la trouvé, est venu me féliciter, et quand je lui ai expliqué que le petit ne serait pas chez le grandpère, il sest énervé, nous a chassés. »

« Compris. Vous pouvez rester ici tant que vous le pouvez, même si cest étroit, sans rancune. Les transports vers luniversité sont compliqués, mais il ny a pas dalternative pour linstant. Trouvez une solution, sinon vous devez partir quand vous étudierez. Je ne moccuperai pas dOlivier. »

Le lendemain, lexépoux arrive chez Marion pour discuter. Il veut quelle se range de son côté, usant darguments religieux. Il cite même quil a débarrassé son fils et demande à Marion de « sauver le petitenfant ».

Marion rétorque, citant les mêmes mots qui lont fait rire autrefois: « Tu aimes bien me faire perdre mon temps, nestce pas? Bien, je me suis séparée de toi! »

Dans un autre contexte, elle aurait simplement crié que cest elle qui a rompu, mais le mot «travaux» la fait penser à autre chose.

« Donc tu admets que la contraception a fauché? »

« Oui, fauché! » sexclame Olivier, réalisant son erreur, et lance une tirade religieuse, accusant la planification familiale de les priver de petitsenfants.

Clémence, apprenant que cest lui qui a «aidé» à cette grossesse non désirée, coupe tous les liens avec son père. Elle se libère de la grossesse avec le soutien silencieux de Marion et Stéphane. Elles restent chez Marion jusquà la fin des études, bravant les problèmes de transport. Au quatrième semestre, ils trouvent un job à temps partiel compatible avec les cours, louent un petit appartement et, à la fin de la licence, se marient discrètement, sans inviter le père de Clémence.

Le traître nobtiendra plus aucune honneur, il devra passer le reste de sa vie seul. Quant à eux et à leurs futurs enfants, une famille aussi désordonnée ne leur conviendra jamais.

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Est-ce que j’ai bien fait de me séparer de toi ?
Un appartement pour notre fils, mais avec une condition : je dois épouser son père à nouveau!