Mikaël a abandonné ses cannes à pêche pour examiner de plus près une trouvaille étrange. Au fond du sac, il a découvert un chiot. Celui-ci tremblait de peur et se pressait contre la main de l’homme en gémissant…

28février2025

Aujourdhui, jai rangé mes cannes à pêche et me suis approché dun sac abandonné au bord de la rivière. En le retournant, jai découvert un petit chiot tremblant qui sest blotti contre ma main en poussant de timides gémissements.

Je me suis surpris à réfléchir à toutes ces années passées à courir après le succès, à me comparer aux autres, à vouloir toujours être meilleur, plus intelligent, plus riche. Depuis mon plus jeune âge, je nourrissais lambition dêtre au sommet, daimer le frisson du risque et le goût amer de la victoire. Jai participé à des concours de vente à Paris, et chaque fois que je ne terminais pas premier, je ressentais une profonde déception.

Pourquoi tout cela maintenant? Je ne le comprends plus. Jai tout juste célébré mes quarantetrois ans, et la perspective la plus grave sannonce devant moi : un diagnostic implacable qui ne me laisse plus que douze mois à vivre. Jamais je navais envisagé de faire la course contre la mort comme on sélance à la poursuite dun gain.

Abandonner na jamais été dans mes règles, perdre non plus. Mais je réalise que, malgré ma réussite professionnelle ma société de services informatiques basée à Lyon prospère je nai jamais construit ce qui compte réellement : une famille aimante. Mon mariage avec Claire a fini par se déliter après cinq ans. Nous navons jamais eu denfants et nous nous sommes séparés en bons termes. Ma mère, encore vivante, me rappelait souvent que « les gens de mon époque ne se jetaient pas à la légère dans les émotions ». Je hochais la tête, mais mon esprit était occupé par des dossiers, des contrats, des bilans.

Aujourdhui, je suis seul dans ma grande maison vide, entouré seulement du silence et de cette maladie sournoise.

«Y atil vraiment rien à faire?» aije demandé au médecin. Il a haussé les épaules, le souffle lourd. On ma proposé une thérapie palliative qui pourrait soulager la douleur et prolonger ma vie de quelques mois, mais à quel prix? Nestce pas une existence quand même? Chaque jour je sens mes forces séchapper, et je me mets en colère contre le monde entier.

Ce soir, je flânais devant la télévision, changeant sans but les chaînes. Un feuilleton sur une vie de famille idyllique passait. «Mensonge», aije marmonné. Puis un documentaire sur les chiens est apparu et jai pensé à mon rêve dautrefois : avoir un compagnon fidèle. Jai demandé à mes parents, puis à Claire, mais aucune na voulu.

«Il est trop tard maintenant, tout est trop tard», aije soupiré en observant le petit chiot espiègle qui courait à lécran.

Jai changé de chaîne et un paysage rural sest affiché. Le narrateur décrivait la vie simple dun village de la Creuse. Soudain, les souvenirs ont envahi mon esprit : le petit Marcel, mon surnom denfant, qui courait vers son grandpère Pierre, sourire aux lèvres, caressant mon crâne avec sa main rugueuse. Nous pêchions ensemble, je revenais de larmée et je me précipitais à la ferme, aidant aux corvées, attendant patiemment le soir pour lancer la ligne.

«Comme cétait il y a longtemps!», aije murmuré, les larmes au bord des yeux.

Un petit hameau, hérité de mon grandpère, se tenait toujours là, presque comme un refuge réservé à un jour de crise. Cette nuit, jai rêvé que Pierre, debout devant la porte du chalet décrépit, me souriait à nouveau. Sa main rugueuse effleurait ma tête grisonnante.

«Viens, Marcel, reposetoi un instant, le silence du lac tattend, sinon je me perds», murmuraitil.

Jai voulu lui parler de ma maladie mortelle, mais je navais plus la force. Jai simplement serré son épaule, senti la chaleur de son corps et laissé couler des larmes salées.

«Reviens, Marcel. Prometsmoi que tu reviendras», répétaitil.

«Je le promets, papi», aije exhalé, ouvrant les yeux.

Les préparatifs nont pas pris longtemps. Mon entreprise était suffisamment automatisée pour fonctionner sans moi pendant un certain temps. Le médecin, les yeux grands ouverts, ma demandé:

«Êtesvous certain de pouvoir survivre seul dans une région isolée? Y atil au moins un poste de secours?»

Jai hoché la tête, plus déterminé que jamais.

Deux jours plus tard, je me tenais devant la porte grinçante du chalet, la clé tournant dans la serrure. Jai remercié les voisins qui veillaient sur la maison et constaté que, miraculeusement, le bâtiment tenait encore debout. Le sentier était envahi de verdure, et je me suis aventuré prudemment dans la cour.

Je me suis arrêté sous un vieux pommier que mon grandpère avait planté avec moi. Jai posé la main sur lécorce, et larbre a frémi comme pour me saluer. Après avoir rangé le jardin et réparé le porche, la fatigue ma submergé. Je me suis effondré sur le vieux canapé en tissu usé et me suis endormi.

Au petit matin, jai enfilé mon vieux manteau de pêche et, malgré la fatigue, je suis allé au bord de la rivière où, près dun tronc, un sac était accroché à une branche. Un bruit plaintif sen échappait. Jai laissé mes cannes et jai ouvert le sac : un chiot tremblant, les yeux grands ouverts, sest blotti contre ma paume.

«Qui ta mis là, petit?», aije interrogé en souriant. Le chiot a remué la queue, a éternué, visiblement effrayé par son propre souffle. Jai su immédiatement quil devait être réchauffé et accueilli chez moi. La partie de pêche du jour était donc abandonnée avant même davoir commencé.

Jai passé la journée à prendre soin du petit, oubliant un instant ma propre maladie. Le soir, épuisé, je me suis écroulé sur le canapé avec le chiot serré contre moi. Au matin suivant, le petit aboyait plus fort, son nez était chaud, et je sentais mon corps fléchir davantage, la prise de mon traitement oubliée me rappelant sa nécessité.

«Mon petit, je suis très malade, je ne pourrai pas toujours moccuper de toi il faut que nous trouvions rapidement une solution», aije murmuré.

Jai donc dû me lever, le chiot dans les bras, et me rendre à la clinique vétérinaire du village voisin. La vétérinaire, Nina, une femme dune trentaine dannées, ma accueilli avec gentillesse. Son mari nétait plus, et elle vivait avec sa mère et son fils, Léon, adolescent.

«Vous êtes très pâle, asseyezvous, sil vous plaît», maelle proposé.

Je lui ai expliqué ma maladie incurable, pensant quelle partirait après ce aveu. Au contraire, elle ma rappelé les mots de sa grandmère, infirmière pendant la guerre:

«Ce sont ceux qui ont quelquun à qui donner un sens à leur vie qui survivent le plus longtemps. Ils saccrochent à la plus fine des ficelles qui les relie au monde, même quand tout semble perdu»

Ces paroles ont résonné en moi. Dans le petit chalet, avec Nina à mes côtés, le chiot que jai nommé «Biscotte» me regardait avec des yeux pétillants, réclamant mon attention chaque jour.

Jai compris que javais enfin une raison de vivre. Mais la réalité nest pas un conte de fées; ma santé continuait de se détériorer. Un soir, je me suis effondré sur le vieux divan, Biscotte pelotonnant contre moi, et je me suis laissé emporter par le sommeil.

Dans mon rêve, mon grandpère Pierre marchait sur un champ infini, la rivière où nous pêchions scintillait sous le soleil. «Seul toi, Marcel, peux décider», me disaitil. Jai voulu sauter dans la barque pour rejoindre son côté, mais Biscotte a mordu mon pantalon, mempêchant de partir.

Je me suis réveillé en sursaut. Dans la cuisine, Nina préparait le petit déjeuner et murmurait doucement à son fils Léon, qui semblait déjà comme un fils pour moi. Biscotte, entendant le bruit, a levé une oreille, sest approché et a commencé à lécher mon visage.

«Arrête, petit!», aije ri en essayant déviter les langues du chiot.

Peu après, Nina est entrée dans la chambre. Cela faisait deux ans que nous vivions ensemble dans la maison que javais construite près du vieux hameau de mon grandpère. Les médecins, déconcertés, ne comprenaient pas comment un homme destiné à mourir pouvait tantôt se rétablir. «Cest un miracle!», sexclamaientils à lunisson.

Je tenais Nina dans mes bras, le sourire aux lèvres. Javais enfin trouvé le pourquoi qui me faisait tenir. Je suis reconnaissant envers cette femme qui a partagé ce chemin avec moi, et envers Biscotte qui, chaque jour, me rappelle que la vie peut se retenir à la moindre étincelle damour.

Ce soir, je note ces pensées dans mon journal, espérant que le temps qui me reste sera empli de moments simples, de rires et de chaleur partagée. Peutêtre que, malgré tout, il nest jamais trop tard pour aimer et être aimé.

Michel Valère Dupont.

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Une étrange atmosphère envahit la salle. La musique se tut, les invités échangèrent des regards inquiets, certains fixaient le sol, comme s’ils espéraient s’y dissimuler pour échapper à la tension.