27 octobre 2025
Cher journal,
Je naime vraiment pas cette situation, Élodie, et quand on souffre dune maladie incurable, la solitude ne fait que laccentuer. Depuis des années, Élodie porte le diagnostic autoinfligé de jalousie. Elle le considère comme incurable et laffirme à chaque fois que je lui demande de ne pas exploser pour des broutilles. Ma mère, qui adore raconter les travers de son fils, répète souvent à ses petitesenfants que ma femme « jalouse jusquau moindre poteau ». Jai toujours eu du mal à comprendre la métaphore du poteau, mais je ne peux contester quelle en est réellement trop jalouse.
Ce matin, au supermarché du quartier, elle sest emportée parce que jai jeté un regard, involontaire, à la caissière. « Tu as fait quoi dans le rayon? », ma-t-il demandé dun ton sec en rentrant à la maison, alors que nous traînions nos caddies sur le parking. Elle a abandonné le panier quelle venait de remplir à moitié, ma suivi en claquant la porte, et a lancé : « Pourquoi le regardestu? Tu la déshabilles dans ta tête? ». Jai dabord pensé à la procuration que je devais préparer pour Sébastien, qui part en mission, mais jai fini par me rendre compte que je perdais mon temps à errer dans les allées avec elle.
Elle ma alors reproché de chercher mille excuses pour ne pas admettre ma faute, et de ne pas être allé directement au bureau après le magasin. Jai tenté de justifier mon retard en évoquant le déplacement de Sébastien, mais elle a rétorqué : « Tu te cherches des excuses, comme dhabitude ». Jai fini par dire : « Élodie, arrête de me rendre jaloux sans raison, sinon ça nira nulle part ».
Elle a répliqué : « Si tu ne me donnes pas dexcuse, je ne jalouserai plus ». Jai hoché la tête, exaspéré. Elle voit toujours des menaces où il ny en a pas. Son talent à imaginer le pire nest pas nouveau, mais je suis las de devoir tout expliquer.
Je lai épousée dans un grand élan damour, mais, après cinq années de disputes incessantes, létincelle sest éteinte. Parfois, je me demande si jai vraiment choisi la bonne personne. Dans quelques années, ma vie pourrait devenir totalement amère.
Je dirige une petite agence de création de contenus digitaux, tandis quÉlodie travaille à la mairie. Elle a mis des années à atteindre son poste actuel et ne veut pas perdre ce statut. Chaque fois que je lance la conversation sur les enfants, elle me répond que sa carrière passe dabord. « Quand je serai bien installée dans mon nouveau fauteuil, on pourra réfléchir, à condition dengager immédiatement une nounou », me ditelle.
Cette vision de la famille me déplaît, mais je respecte son avis et je ne peux la presser. Jai proposé à plusieurs reprises quelle quitte son travail, mais elle travaille pour lambition, pas pour largent.
Quand Sébastien, mon adjoint, est revenu, nous avons discuté de plusieurs dossiers. En le raccompagnant, il a demandé: « Pourquoi Élodie estelle à nouveau de mauvaise humeur? Une dispute? ». Jai haussé les épaules: « Toujours la même chose, la jalousie ne laisse pas de répit ». Sébastien a ri: « Jalousie, cest signe damour; moi je me demande parfois si ma femme, Nathalie, maime vraiment. Jamais je nai eu de crise de jalousie, même en flirtant avec son amie! ». Jai souhaité un bon voyage à Sébastien.
Le soir, jai travaillé tard sur mon ordinateur avec un client à létranger, puis, épuisé, je suis monté dans la chambre, oubliant la dispute du jour. Jai tenté de la prendre dans mes bras, mais elle a repoussé mon geste comme si elle attendait ce moment. « Va embrasser la caissière! » a-t-elle crié, et je suis sorti en colère, lançant à la porte: « Je passe la nuit au bureau; si tu ne te calmes pas, demain je ne rentrerai plus chez nous ».
Au petit matin, Élodie ma réveillé dun baiser doux, ma apporté un café et a dit: « Marc, désolé pour hier. Tu dois comprendre que la jalousie est une maladie incurable, et quon ne peut pas éviter den être affecté ». Jai rétorqué: « Élodie, je naime pas ça, et quand tu as une maladie incurable, la solitude ne peut pas guérir ». Ses mots ont résonné longtemps dans ma tête. Jai craint quelle parte, mais elle a choisi la douceur. Depuis ce jour, le silence a envahi notre maison. Elle est devenue dune douceur que je navais plus vue. Même si mon travail me retient tard au bureau, je la préviens à lavance et rentre avec un bouquet de ses roses préférées. Elle me prépare un dîner, même si je me demande parfois pourquoi je ne peux pas organiser mon planning pour ne pas être en retard.
Le bonheur est fragile, comme les rayures dun zèbre: il est là, puis il disparaît dès quon fait un pas.
Un aprèsmidi ensoleillé, Élodie ma appelé depuis le travail: « Marc, tu es occupé? Jai besoin dun véhicule, mon auto est au garage et je dois aller à un centre de soin pour enfants à la campagne ». Jai accepté avec plaisir, espérant fuir un peu le brouhaha parisien.
En arrivant au centre, les sentiers bordés de sapins géants et les sculptures en bois mont émerveillé. Des enfants jouaient avec leurs parents, les oiseaux chantaient, lair était pur. « Promènetoi un moment, je reviens vite », ma dit Élodie avant dentrer. Un petit garçon de quatre ans a crié: « Papa est là! Où étaistu? » et sest jeté sur moi, magrippant les genoux. Jai été pétrifié, jetant un regard entre Élodie, qui sétait arrêtée, et la mère du petit, qui essayait de le séparer.
La mère, rouge de gêne, a expliqué que je nétais pas son père et a tenté de calmer la situation. Élodie, sans perdre son franc-parler, a lancé: « Et alors, questce que tu vas dire, mon cher? Encore une fois, cest la faute dÉlodie! ». Jai essayé de calmer les esprits, mais la tension montait.
Des mères ont éloigné leurs enfants du centre de la dispute. La petite Dasha a crié: « Papa! ». Élodie, furieuse, a lâché: « Pourquoi ne vienstu pas avec nous? ». Jai tenté de rétablir le calme, mais elle a menacé de divorcer et de partager les biens, accusant une trahison. La mère a supplié le directeur du centre de ne pas intervenir.
Finalement, Élodie a quitté les lieux, ma crié de ne pas revenir, et est montée dans un taxi. Je suis resté sans réponses, sentant lamertume monter.
De retour au bureau, jai décidé de ne plus partager nos biens, de garder tout pour elle et de repartir à zéro. Jai loué un petit appartement et, le soir même, je suis rentré pour trouver Élodie, assise au salon, un verre de cognac à la main. « Tu veux en boire? », mat-elle demandé. Jai refusé. Elle a continué: « Tu mas trompée pendant des années, mais maintenant je vois que ma fille grandit sans moi. Bravo, lidiot a réalisé son rêve. » Jai gardé le silence, les émotions sétaient éteintes.
Elle a lancé, en me quittant,: « Ne compte pas sur une part du patrimoine après le divorce. Sans moi, je nai plus rien. » Jai répondu: « Cest à cause de toi que tu as tout perdu! ».
Jai finalement déposé les papiers de divorce, cherchant un nouveau logement. En contactant une agence, jai retrouvé la même femme du centre de soins, Nadine, qui ma reconnu et sest inquiète de mon bienêtre à la suite du drame. Elle a accepté de maider à trouver une maison. Grâce à elle, jai acquis un bel appartement à un prix raisonnable. Je lai invitée à dîner en remerciement, et elle a accepté, évoquant sa mère.
Après le dîner, nous avons continué à nous voir pour finaliser lachat. Elle a même accepté dassister à mon pendaison de crémaillère, ce qui ma fait sourire. Six mois plus tard, je lui ai proposé une relation plus intime ; elle na pas refusé.
Aujourdhui, je regarde en arrière et réalise que la jalousie dÉlodie était le poison qui a détruit notre union. Le silence et le calme qui ont suivi sont le prix que jai payé. Peutêtre quun jour la vie me donnera une nouvelle chance, mais pour linstant, je me contente de mon nouveau chezmoi, de mon travail et de la petite lueur despoir que Nadine a allumée.
À demain,
Marc Lefèvre.







