Il était une fois une douleur que je naurais jamais imaginée : mon propre fils ma traînée en justice. Lorsque mon mari nous a quittés lan dernier, son testament était pourtant clair : tout la maison, les économies, les placements devait me revenir, et notre fils, Théo, nhériterait quaprès ma disparition. Cétait une manière de me protéger dans ma vieillesse, une inquiétude qui avait toujours habité mon mari. Jamais je naurais cru que ce geste damour déchirerait notre famille.
Théo avait toujours été un bon fils, mais après la mort de son père, quelque chose en lui sest brisé. Il a quitté son emploi, parlant de « recommencer à zéro », et quand je nai pas immédiatement cédé à sa demande dargent pour financer son nouveau projet, lamertume a pris racine.
Un soir, il est venu me voir en déclarant : « Maman, cet argent mappartient déjà. Papa voulait que je laie. » Jai tenté de lui expliquer avec douceur ce nétait pas vrai, pas encore. Son père souhaitait quil se construise dabord une vie, quil apprenne la responsabilité.
Mais Théo refusait dentendre raison. Il ma accusée dégoïsme, de « thésauriser » ce qui lui revenait. La semaine suivante, jai reçu les documents mon propre fils me réclamait son héritage devant les tribunaux. Assise à la table de la cuisine, les mains tremblantes, jai pleuré toute la nuit, jusquà navoir plus de larmes.
La salle daudience était glaciale pas seulement par la température, mais par le silence entre nous.
Quand Théo est entré, il a évité mon regard. Je me souvenais de lui, petit, quand il cherchait ma main dans la foule, de la fierté qui illuminait le visage de son père.
Maintenant, nous étions debout, séparés par toute une pièce, comme des étrangers.
Il a plaidé que je navais pas « besoin » de cet argent, quil en ferait meilleur usage. Lorsque mon tour est venu, les mots me manquaient. Jai simplement dit au juge que jaimais mon fils, que ce nétait pas une question davarice mais de respect pour les dernières volontés de son père.
Quand le juge a rendu son verdict, la salle entière a retenu son souffle. « Le testament est clair, a-t-il déclaré avec fermeté. La succession revient à madame Lefèvre jusquà son décès. Cest alors seulement que son fils en héritera. »
Puis, son regard sest adouci en se posant sur nous deux. « Mais permettez-moi de vous dire une chose : vous navez pas seulement perdu un procès. Vous êtes en train de vous perdre lun lautre. »
Ces mots ont brisé quelque chose en moi. Jai tourné les yeux vers Théo. Ses épaules tremblaient, des larmes coulaient sur ses joues. « Je suis désolé, Maman », a-t-il murmuré.
Je me suis levée et jai tendu les bras vers lui. À cet instant, le tribunal a disparu. Il ne restait plus que nous deux une mère et son fils nous accrochant lun à lautre, espérant quil nétait pas trop tard pour retrouver le chemin du retour.







