Jeu Dangereux : Quand la Passion Brûle les Limites

**Journal intime Le jeu du feu**

* Eh bien, tu me surprends toujours,* éclata de rire Thomas en rejetant la tête en arrière. *Tu lui as vraiment dit ça en face ? Devant tout le monde ?*

* Et que voulais-tu que je fasse ?* Rémi tambourinait nerveusement des doigts sur la table. *Je suis marié. Et elle ne me lâche pas, elle devient insupportable. Tout le service commence à jaser.*

* Ah, mon puritain,* le taquina son ami. *Un autre en profiterait, mais toi, tu fais linnocent.*

* Nous navons pas la même conception de la fidélité,* répliqua Rémi sans méchanceté, mais une lassitude passa dans son regard. *Au début, cétaient juste des sous-entendus, je feignais de ne pas comprendre. Je ne voulais pas être grossier ni créer de drame.*

* Et cest précisément là ton erreur,* releva Thomas avec un sourcil significatif. *Ton silence la encouragée, tu lui as donné de faux espoirs.*

* Mais que me veut-elle ? Il y a plein de célibataires !*

* Pour des femmes comme elle, une alliance nest pas un obstacle, cest un défi,* observa Thomas, philosophe. *La preuve que lhomme en vaut la peine.*

Camille fit son entrée dans leur bureau comme une bourrasque printanière. On ne pouvait pas dire quelle était dune beauté classique des traits trop anguleux, une voix basse, légèrement rauque. Mais quand elle souriait, le monde semblait se transformer. La responsable des ressources humaines avoua plus tard quelle sapprêtait à refuser Camille, jusquà ce que celle-ci lui adresse un sourire sa décision changea aussitôt.

Au début, Rémi lappréciait sincèrement. Son énergie et son esprit vif étaient comme une bouffée dair frais dans la monotonie du bureau. Il laidait volontiers à sintégrer, partageait son expérience. Pour lui, cétait une simple sympathie humaine, sans arrière-pensée. Lui, profondément attaché à sa famille, la voyait comme une collègue talentueuse, presque une petite sœur.

Peu à peu, les limites commencèrent à seffacer. Les blagues de Camille devinrent équivoques, ses gestes trop insistants. Rémi, introverti de nature et mal à laise avec lagressivité déguisée, se trouva déstabilisé. Sa boussole intérieure, toujours si précise, vacilla. Il commença à léviter, à refuser les déjeuners en commun. Mais sa retraite ne fit quexciter la chasseresse.

***

Rémi avait environ trente-cinq ans, et il ressemblait à un homme qui maintient un équilibre dans sa vie avec effort. Grand, mais légèrement voûté, comme sil voulait paraître plus discret. Des cheveux sombres, toujours bien coupés, où quelques fils argentés apparaissaient déjà aux tempes hérédité et sens des responsabilités. Des yeux calmes, mais au fond desquels se cachait une lassitude constante non pas due au travail, mais à une tension intérieure. Il portait des lunettes fines à monture métallique quil retirait pour se frotter nerveusement larête du nez quand il était troublé. Il shabillait sobrement : chemises discrètes, pantalons classiques. Rien de voyant.

Rémi détestait les foules. Le flirt, les intrigues de bureau tout cela lui était étranger et épuisant. Son élément, cétait le silence, lordre, la concentration. Il redoutait les conflits au point den avoir la nausée, préférant se taire, reculer, pour éviter laffrontement.

Pourtant, en lui résidait une forteresse intérieure inébranlable, bâtie sur lamour de sa famille. Élodie et les enfants nétaient pas simplement une partie de sa vie ils en étaient le sens. Sa fidélité nétait pas une vertu affichée, mais une nécessité vitale, comme respirer.

Camille sétait intéressée à lui dès le premier jour. Il était le seul à ignorer ses manèges. Le séduire nétait pas quune question de conquête. Elle avait un besoin viscéral de prouver au monde et à elle-même quelle était désirable. Un homme marié, inaccessible, représentait lultime défi. Sil tombait à ses pieds, elle aurait enfin sa validation. Et son expérience lui soufflait quaucun «homme parfait» nétait vraiment fidèle.

Deux semaines après son arrivée, Camille confiait à son amie Aurélie, les yeux brillants, ses sentiments pour Rémi. Aurélie lécoutait avec une inquiétude croissante.

* Encore un homme marié ? Camille, arrête. Il a deux enfants en plus.*

* Oh, des détails ! Il est malheureux, je le vois. Enfermé dans une cage dorée. Sa femme cette Élodie ne le comprend pas. Elle lui offre un confort matériel, mais son âme aspire à la liberté !*

* Quest-ce qui te fait dire ça ? Tu la connais ? Tu les as vus ensemble ?*

* Je nai pas besoin de les voir ! Je vois* lui. *Il est si convenu, si contrôlé Ce nest pas naturel. Ça cache forcément une souffrance. Je veux laider. Quil se révèle à lui-même.*

* Camille, ma chérie, tu parles comme lhéroïne dun mauvais roman. Tu ne veux pas l»aider». Tu le veux parce quil est inaccessible. Mais ce nest pas un jeu, cest la vie des gens !*

* Tu ne comprends pas, Aurélie. Cest* ma *vie. Je sens que nous sommes faits lun pour lautre. Il sest juste égaré. Et sa «famille parfaite» je suis sûre quil y a des failles. Rien nest jamais parfait. Et je le prouverai.*

***

Le déplacement à Lyon fut une épreuve pour Rémi. Et devinez qui sétait proposée pour laccompagner ? Face aux clients, Camille fut irréprochable, et Rémi se détendit presque. Mais tard dans la soirée, on frappa à sa porte.

* Il y a un courant dair dans ma chambre, le radiateur ne marche pas,* déclara Camille sur le seuil, enveloppée dans un peignoir, mais de manière à laisser deviner la soie de sa nuisette.

Le cœur de Rémi tomba dans ses chaussures. Une panique épaisse lui serra la gorge. Il imagina le visage dÉlodie, ses yeux calmes et confiants.

* Attends, je vais te donner une couverture,* bredouilla-t-il en se détournant vers larmoire. *Tiens.*

Camille fit la moue mais accepta.

* On dirait que tu tes enfermé toi-même dans une cage et perdu la clé,* lança-t-elle en partant. *Dommage. Il faudrait parfois se laisser aller. Je suis sûre quun autre homme se cache en toi.*

Rémi referma la porte et y posa son front, écoutant le sang battre dans ses tempes. Il ressentait non seulement du soulagement, mais aussi une étrange pitié pour elle, pour lui, pour cette situation absurde.

De retour, Camille sembla loublier. Rémi commença à respirer. Mais deux semaines plus tard, elle lui demanda de la raccompagner. À contrecœur, il refusa.

* Je te dégoûte à ce point ?*

* Tu es très brillante et intéressante,* dit Rémi. *Mais jaime ma femme. Jai une famille*

* Donc cest juste ça ?* Une étincelle dangereuse salluma dans son regard.

* Non* Il hésita, cherchant les mots, mais Camille avait déjà disparu. Il regretta aussitôt sa maladresse. Et il avait raison.

Cette nuit-là, il fut réveillé par une secousse. Encore engourdi par le sommeil, il perçut le chuchotement furieux dÉlodie.

* Rémi, tu as perdu la raison ? Cest quoi ces photos quelle tenvoie au milieu de la nuit ?*

Il sassit, le cœur battant. Sur lécran de son téléphone, une image de Camille : pose suggestive, à peine couverte par de la lingerie

* Élodie, ce nest pas ce que tu crois !* Sa voix se brisa. Il lui raconta tout, depuis le début, sans cacher son embarras.

Élodie garda longtemps le silence, puis soupira lourdement.

* Mon naïf petit ours,* dit-elle, un mélange étrange de colère et de tendresse dans la voix. *Bon. Je te crois. Parce que je sais que tu nes pas capable dune trahison aussi stupide. Mais dis-lui ceci : si elle recommence, je viendrai au bureau et je monterai un spectacle qui fera oublier les séries télé.*

Rémi acquiesça dans lobscurité. Le lendemain, il appela Camille dans une salle de réunion. Elle entra, rayonnante, comme attendant une capitulation.

* Camille, tu as dépassé les limites,* commença-t-il, sefforçant de garder sa voix stable.

* Oh, arrête,* elle sapprocha, sa main effleurant presque sa joue. *Elle ne te mérite pas. Crois-moi.*

Rémi recula, et sa main resta en suspens.

* Quest-ce que tu veux dire ?*

* Que ta vie parfaite est un mythe,* sa voix devint doucereuse et venimeuse. *De lextérieur, cest la carte postale : épouse aimante, petite princesse, fils héritier*

* Nous sommes vraiment heureux.*

* Réveille-toi, Rémi !* Elle se leva brusquement, dominant la table. *Ton fils ne te ressemble pas du tout ! Ta fille est ton portrait, mais Gabriel na rien de toi !*

Un froid glacial envahit Rémi. Il regarda ce visage altéré par le triomphe et sentit les derniers restes de pitié sévanouir.

* Et je peux le prouver,* sans remarquer sa réaction, Camille jeta un document sur la table. *Regarde ! «Probabilité de paternité : 0 %». Cest utile, davoir des relations partout. Alors, tu me crois maintenant ?*

Rémi leva lentement les yeux vers elle. La colère quil avait contenue si longtemps éclata enfin, froide et claire.

* Jai toléré tes avances. Mais mes enfants ne les touche pas. Gabriel nest pas mon fils par le sang. Mais ça ne concerne que moi et Élodie. Si tu tiens tant à fouiller dans les vies des autres, sache ceci : ses parents, la sœur dÉlodie et son mari, sont morts. Il est notre fils maintenant. Tu es satisfaite ? As-tu assouvi ta curiosité ?*

* Je je ne savais pas,* murmura Camille, son assurance sévanouissant, laissant place à une peur enfantine.

* Je ne sais pas encore comment tu as obtenu ce test, ni ce qui ta poussée à le faire. Avant, je te croyais simplement seule et malheureuse. Maintenant, je vois que tu es dangereuse. Rédige ta lettre de démission. Si elle nest pas sur le bureau du directeur ce soir, jirais à la police. Et si jamais tu tapproches de mes enfants* Il marqua une pause, sa voix basse plus effrayante quun cri, *la police ne sera plus nécessaire.*

Camille démissionna le jour même. Rémi rentra plus tôt que dhabitude. Il entra dans la chambre des enfants, où Gabriel, six ans, assemblait un puzzle, et Margaux, huit ans, faisait ses devoirs. Il les serra tous deux contre lui, retenant son étreinte plus longtemps, respirant lodeur familière de leurs cheveux.

Le soir, une fois les enfants couchés, Rémi sassit face à Élodie.

* Il faut tout leur dire,* murmura-t-il. *Gabriel doit entendre la vérité de notre bouche, pas par une étrangère. Le plus tôt sera le mieux.*

Élodie le regarda, les yeux brillants de larmes. Non de tristesse, mais de soulagement.

* Jai peur,* avoua-t-elle.

* Moi aussi. Mais nous le ferons ensemble.*

Une semaine plus tard, ils organisèrent une petite fête familiale. Après le gâteau, Rémi prit la parole :

* Gabriel, Maman et moi avons quelque chose de très important à te dire. Sur combien nous taimons.*

Il saccroupit à la hauteur du garçon :

* Tu te souviens quand nous te disions que la famille est ce quil y a de plus important ? Et quelle peut prendre plusieurs formes. Mon petit, je ne suis pas ton père biologique. Tes premiers parents étaient la sœur de Maman et son mari des gens merveilleux, mais ils ne sont plus là. Et nous, nous sommes tes parents par choix, par amour.*

Le garçon réfléchit un moment, puis les serra dans ses bras et demanda simplement un autre morceau de gâteau. Le nuage pesant qui planait sur la famille se dissipa enfin. Et dans ce moment simple les miettes sur la table, les conversations tranquilles il ny avait plus de place pour Camille, ni pour ses obsessions. Tout était à sa place.

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