Lhomme de mes rêves a quitté sa femme pour moi, mais je navais jamais imaginé comment tout cela finirait.
Je ladmirais depuis mes années à luniversité. On pourrait dire que cétait un amour inconditionnelnaïf et aveugle. Et quand il a enfin porté attention à moi, jai perdu la tête. Cela sest produit, pour être honnête, quelques années après lobtention de notre diplômenous nous sommes retrouvés dans la même entreprise. Après tout, nous avions la même spécialité, ce nétait donc pas si rare. Mais jai cru que cétait le destin.
Il semblait être lhomme idéal. Dans ma jeunesse, cela ne me dérangeait pas quil soit déjà marié. Je navais jamais été mariée auparavant et ignorais ce que représentait la fin dun mariage. Je nai donc pas eu honte lorsque Théo a décidé de quitter sa femme pour moi. Qui aurait cru que cela mapporterait tant de chagrin ? On dit quon ne peut pas construire son bonheur sur le malheur des autres.
Quand il ma choisie, jétais au septième ciel et prête à tout lui pardonner. En réalité, au quotidien, il était loin dêtre le prince charmant quil paraissait en public. Ses affaires traînaient partout dans la maison, et il refusait catégoriquement de faire la vaisselle. Toutes les tâches ménagères reposaient sur mes épaules. Mais sur le moment, cela ne mimportait pas.
Il a vite oublié son premier mariage. Ils navaient pas denfant, et apparemment, ce sont ses beaux-parents qui avaient insisté pour quils se marient. Avec moi, cétait différentdu moins, cest ce quil ma dit.
Mon bonheur na pas duré longtempsjuste jusquà ce que je tombe enceinte. Au début, Théo était ravi davoir un enfant. Nous avons même organisé une grande fête en famille pour célébrer. Tout le monde nous a souhaité amour et santé pour notre futur bébé.
Cette soirée reste lun de mes plus beaux souvenirs. Et je ne le regrette pas. Mais à partir de ce moment, mon amour aveugle a commencé à sestomper.
Plus mon ventre grossissait, moins je voyais Théo. Jétais en congé maternité, alors nous ne nous croisions quen fin de soirée. Il restait tard au travail et multipliait les soirées dentreprise. Au début, ça ne me dérangeait pas, mais très vite, cela ma pesé. Les tâches ménagères devenaient de plus en plus difficiles, car je ne pouvais plus me baisser pour ramasser ses chaussettes éparpillées.
Souvent, je me demandaisavons-nous précipité les choses en ayant un enfant si tôt ?
Je savais que les sentiments saffaiblissaient avec le temps, mais je ne mattendais pas à ce que cela arrive si vite. Théo continuait à moffrir des fleurs et des chocolats, mais à ce stade, je voulais simplement quil soit là, avec moi.
Finalement, il est devenu évident que ses soirées professionnelles nétaient pas innocentes. Mes collègues ont mentionné, comme ça, entre deux tasses de café, quune nouvelle employée avait rejoint notre département. Il y avait déjà une pénurie de personnel, et mon congé maternité navait rien arrangé. Quelle ironie.
Je ne savais pas si cétait elle, mais mon mari avait certainement quelquun dautre, car il navait plus une minute à lui. Entre le travail, les réunions et les fêtes de bureau obligatoires, son emploi du temps était plein. Un jour, jai trouvé un mot dans la poche de sa veste, signé dinitiales que je ne connaissais pas. Je ne sais pas ce qui ma pris, mais jai remis le mot en place et fait semblant de ne rien voir.
Cétait terrifiant de me retrouver seule au septième mois de grossesse, tandis que mon mari se plaignait que jétais devenue complètement irrationnelle. Chaque dispute se terminait par son soupir découragé. Dune certaine manière, je comprenais que si jabordais le sujet, je me retrouverais seule. La peur de le perdre était si forte que je ne pensais plus à rien dautre. On dit que ce que lon craint le plus finit toujours par arriver.
Peu importe à quel point Théo mavait courtisée autrefois, il nétait pas un gentleman. Les pires mots que jaie jamais entendus furent : « Je ne suis pas prêt pour un enfant. » Et : « Jai quelquun dautre. » Je ne me souviens même plus exactement comment il la formulé, mais sur le moment, jai eu limpression de perdre la raison.
Je ne mattendais pas à trouver en moi la force de demander le divorce. Apparemment, lui non plus ne pensait pas que je tolérerais son comportement. Il ne sattendait pas non plus à ce que je jette toutes ses affaires dehors dès le lendemain. À ce moment-là, jétais soulagée que nous louions lappartementau moins, nous navions pas à nous le partager.
« Et lenfant ? Pense à lenfant. Comment vas-tu lélever toute seule ? »
« Je me débrouillerai. Je trouverai un travail à distance. Et puis, mes parents mont déjà proposé leur aide. Ma mère disait toujours quil était un coureurjaurais dû lécouter. »
Cest peut-être la responsabilité envers mon futur fils qui ma donné ce courage. Seule, je ne serais probablement pas partie.
Mais jai aussi réalisé que je ne voulais pas élever un enfant avec un père comme lui.
Sa trahison était tellement ignoble que je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui. Cétait comme si un voile sétait déchiré devant mes yeux.
Les premiers mois après le divorce, y compris laccouchement, ont été extrêmement difficiles. Jai emménagé chez mes parents, ravis, surtout mes parents qui adoraient leur petit-fils. Je ne peux pas dire que Théo ne me manquait pas du tout, mais jessayais de ne plus y penser. Au fond, jétais sûre davoir pris la bonne décision et que je pourrais offrir à mon fils tout ce dont il avait besoin.
Dès que jai repris des forces, jai cherché du travail. Javais déjà fait des traductions juridiques à loccasion, et jen ai fait une activité à temps plein en télétravail. Bien sûr, certains mois étaient difficiles financièrement, mais mes parents maidaient. Peu à peu, jai constitué une clientèle stable, et je nai plus eu besoin de leur soutien.
Mon fils a grandi vite, et je nai même pas vu passer les premières années. Je men suis rendu compte quand il a eu besoin de sa propre chambre. Mes parents ne voulaient pas que nous partions, mais je tenais à avoir notre espace à nous. Javais besoin dun bureau, et lui dun endroit calme pour étudier. À cette époque, je pouvais me permettre de louer un appartement.
À partir de là, tout sest enchaîné. La maternelle a laissé place à lécole primaire, puis au collège, et pour la première fois depuis longtemps, jai ressenti à nouveau du bonheur et de la liberté. Et puis, soudain, il est réapparu.
Notre ville nest pas très grande, et dans le milieu juridique, tout le monde se connaît. Théo na donc pas eu de mal à retrouver la trace de mon bureau. À ce moment-là, jai regretté de ne pas avoir déménagé ailleurs avec mon fils. Apparemment, mon ex-mari sétait enfin rangé et regrettait amèrement ses actes. Il disait avoir été trop jeune et stupide. Il regrettait de ne jamais avoir connu son fils. Il insistait pour le rencontrer.
Voilà la situation : la loi ne lempêche pas de voir son enfant. Et je sais que sil le veut vraiment, il trouvera un moyen dentrer en contact avec lui. Mais cette idée me terrifie. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis notre conversation. Je lui ai dit que jy réfléchirais, mais en réalité, je ne parviens pas à digérer la situation. Je veux trouver un moyen dempêcher mon fils de le rencontrer.
Maintenant, je me demande si ce nest pas une sorte de punition pour moi. Une conséquence davoir pris Théo à sa première femme. Peut-être devrais-je vraiment partir dans une autre ville ?







