J’ai aidé une amie et j’ai fini par m’en mordre les doigts

« Tas vraiment de la chance avec ton mec, Élodie », soupira Mélanie dun ton rêveur. « Il vient te chercher au boulot en voiture tous les jours. Lappart est tout neuf. Et en plus, tas eu ta promotion. Franchement, ça donne envie. Mais cest de la bonne jalousie, tu sais »

Élodie continua de ranger son sac. Antoine devait arriver dune minute à lautre, et elle ne voulait pas le faire attendre.

« Arrête, Mélanie. Chez nous aussi, cest pas toujours rose. On a failli divorcer pendant les travaux. Et cette promotion, jai bossé cinq ans pour lavoir. Tu nétais même pas encore dans la boîte que je la convoitais déjà. Chacun son calvaire, quoi. »

Mélanie fit une moue denfant gâtée.

« Tes aveugle, Élodie. Regarde mon Pierre : flemmard, sale, et il claque tout notre fric ! Ça fait six mois que je le pousse à trouver un vrai boulot. Et tu sais ce quil me répond ? Quil en a marre de bosser pour les autres. Quil veut monter sa boîte. Avec quoi ? Largent quil balance dans ses jeux vidéo ? Un vrai businessman »

Élodie observa son amie. Elles ne se connaissaient que depuis un an, mais une complicité était née. Elle connaissait tous les drames de Mélanie. Pierre la rendait folle, jour après jour. Et ça nallait pas sarrêter.

« Tout finira par sarranger, Mélanie », murmura-t-elle alors que son téléphone vibrait sur le bureau. « Oh, Antoine est là. Bon, je file. À lundi, bisous. »

Mélanie hocha la tête, suivant Élodie du regard avec une étrange expression quelle ne remarqua pas.

Une fois dans la voiture, Antoine fronça les sourcils en voyant le visage fermé de sa femme.

« Un problème au travail ? »

Élodie secoua la tête.

« Non, cest Mélanie. Pierre la détruit. Je crains quelle ne craque bientôt. »

Antoine haussa les épaules, indifférent.

« Ils se débrouilleront. »

Élodie lui lança un regard noir. Parfois, son indifférence lexaspérait. Mais elle laissa couler. Les problèmes de Mélanie ne valaient pas une dispute.

…Elle avait vu juste. Un mois plus tard, Mélanie arriva au bureau les yeux rougis.

« On divorce », lâcha-t-elle. « Et Pierre ma mise à la porte. Moi ! Comme une chienne ! De notre appart ! Où je vais aller, maintenant ? »

Élodie la serra dans ses bras.

« Ne ten fais pas, Mélanie. Viens chez nous le temps de te retourner. Tu chercheras un appart, tu régleras le divorce, tu souffleras. »

Mélanie éclata en sanglots, secouée par les larmes.

« Merci, Élodie Je sais pas ce que je ferais sans toi. »

Élodie la réconforta dune caresse dans le dos, tout en se demandant comment annoncer la nouvelle à Antoine

Comme prévu, il napprécia pas larrivée de cette invitée. Mais il garda le silence durant le dîner, tandis que Mélanie, entre plaintes contre Pierre et compliments sur lappartement, ne cessait de parler.

« Pierre na jamais levé le petit doigt en cinq ans. Mais chez vous, tout est parfait ! On voit que vous y avez mis votre cœur. Bravo ! »

Élodie rougit. La décoration était son œuvre. Les éloges lui firent chaud au cœur.

…Mélanie se révéla une colocataire idéale. Silencieuse, propre. Au troisième jour, elle proposa même de cuisiner pour soulager Élodie après le travail.

« Ce soir, je fais un ragoût », annonça-t-elle depuis la banquette arrière de la voiture. « Jai vérifié ce matin, jai tout ce quil faut. Ah, cest tellement mieux que le bus Un vrai luxe. »

Élodie sourit. Mélanie sétait vite adaptée, mais cherchait déjà un nouvel appart.

Les dîners devinrent plus animés. Mélanie et Antoine partageaient les mêmes goûts musicaux. Ils passaient des heures à disséquer les derniers albums, critiquer les paroles, encenser les voix.

Élodie regardait son mari, dhabitude si renfermé, souvrir peu à peu.

« Et pas que », pensa-t-elle un soir, en les surprenant sembrasser avec passion sur le parking.

« Vous auriez pu choisir un endroit plus discret », glissa-t-elle dune voix glaciale.

Ils sécartèrent lun de lautre comme des collégiens pris en flagrant délit. Antoine bredouilla le premier :

« Élodie, écoute Cest pas ce que tu crois On »

« Vous vérifiez vos plombages ? Avec la langue ? » ricana-t-elle. « Toi, Mélanie, je ne tattendais pas là. Je tai accueillie, aidée, et tu me plantes un couteau dans le dos. Quelle amie »

Mélanie releva le menton, arrogante.

« Et alors ? Lamour est tombé ! Antoine ma dit que je le rendais heureux comme toi ne las jamais fait ! »

Antoine pâlit instantanément.

« Mélanie, quest-ce que tu racontes ? Élodie, chérie, je »

Elle linterrompit :

« Épargne-toi. Tes excuses, je nen veux pas. Je vais chez ma mère ce soir. Pendant ce temps, vous faites vos valises. Et emportez vos draps jose pas imaginer ce que vous avez fait dessus. Les clés ! »

Elle tendit la main. Antoine, résigné, lui donna les clés de la voiture.

« Ne pleure pas. Pas devant eux. Pas de faiblesse », se répéta Élodie en démarrant.

Derrière elle, la voix de Mélanie séleva :

« Pourquoi cest nous qui devons partir ? Hein ? »

Chez sa mère, Élodie but un litre de thé, les larmes coulant sans fin. Sa mère la réconforta de son mieux, mais rien ny faisait. Élodie sen voulait. À Antoine. À Mélanie. À la vie

« Pourquoi je lai aidée ? Cest ma faute »

Sa mère lui caressa le dos.

« Ma chérie, ne te blâme pas. Tu ne pouvais pas savoir. Tu voulais juste aider ton amie. »

« Et jai perdu mon mari et mon amie », sanglota Élodie.

« Ça sarrangera », murmura sa mère.

Élodie ny croyait pas, mais hocha la tête. Elle ne voulait pas laccabler davantage.

Le lendemain, elle se traîna hors du lit. Elle aurait voulu y rester enterrée, ne jamais affronter Antoine, Mélanie, le divorce

Après la troisième sonnerie du réveil, elle balança la couette par terre.

« Assez de pitié ! » sexclama-t-elle. « Je suis forte. Je men sortirai. »

Elle arriva péniblement au bureau. Mélanie lattendait déjà.

« Bonjour », lança Élodie, neutre.

« Il faut quon parle ! Pourquoi cest nous qui partons ? Cest toi qui dois dégager ! On est deux contre toi ! Antoine fait ses valises sans rien dire ! Pourquoi ? Réponds ! »

Élodie la dévisagea. Hier encore, cétait son amie. Aujourdhui

« Mélanie, je ne discuterai pas de ça ici. »

Elle parvint à léviter toute la journée. Mais le soir, en rentrant en taxi, elle ne put plus fuir. Lappart semblait vidé, abandonné. Antoine finissait ses cartons.

« Élodie On peut encore arranger les choses. Je te jure, ça ne se reproduira plus. Jamais »

Elle le fixa, glaciale.

« Non, Antoine. La trahison, je ne pardonne pas. Et puis, tu y as pensé ? Je douterais de toi tous les jours. Est-ce quil me trompe ? Est-ce quil regarde ailleurs ? Tu crois que je veux vivre comme ça ? »

Antoine baissa la tête. On sonna à la porte. Mélanie entra, furieuse.

« Cette fois, tu ne tenfuiras pas ! Pourquoi cest nous qui partons ? Cest votre appart à tous les deux ! Antoine a droit à la moitié ! Pourquoi cest toi qui restes ? » Elle se tourna vers lui. « On avait rêvé de vivre ensemble ! »

Élodie éclata dun rire amer.

« Je comprends maintenant. Tu mas enviée dès le début : mon mari, lappart refait à neuf, la voiture Alors tu as décidé de me prendre la moitié en me volant Antoine. Cest ça, Mélanie ? »

Le silence de Mélanie fut éloquent.

« Sauf quil y a un détail que tu ignores. Lappart est à moi, acheté avant le mariage. La voiture aussi un héritage. Antoine la conduisait parce que je déteste ça. Il ne te reste que lui et ses affaires. Prends ton lot, je ne le retiens pas. »

Mélanie recula, les yeux écarquillés.

« Cest pas votre appart à tous ? » Elle dévisagea Élodie. « Mais tu disais toujours notre appart ! Tu mas menti ? »

« Non. Cétait notre maison. Je ne voyais pas la nécessité de préciser. » Une pensée la frappa. « Attends Tu nas pas quitté Pierre pour avoir Antoine ? »

Mélanie rougit de rage.

« Cest ta faute ! Tu te vantais sans cesse ! Bien sûr que jai voulu la même chose ! Tu tattendais à quoi ? »

Élodie ricana, la voix rauque.

« Chérie, tu aurais dû mieux te renseigner. Voilà ton erreur. Mais cest trop tard. Sortez de chez moi. Assez de drames pour aujourdhui. »

Mélanie cracha des insultes tandis quAntoine la traînait dehors. Un dernier regard de lui implora le pardon. Trop tard. Leur mariage nétait plus que cendres.

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