**Journal intime : Un voisin envahissant**
Madame, vous nauriez pas un peu de sel ? Jai oublié den acheter Sur le seuil de la porte, un homme souriait. Hélène, sans un mot, se dirigea vers la cuisine et lui en versa dans un petit pot. En se retournant, elle le trouva encore là, examinant son intérieur. Cest charmant chez vous, très cosy Elle sentit la colère monter. Je ne vous ai pas invité à entrer. Prenez votre sel et partez. Il secoua la tête, amusé. Quelle hostilité ! Nous sommes tout de même voisins. Elle passa devant lui et ouvrit la porte plus grande. Allez-vous-en. Vous me fatiguez.
Cette maison à deux logements avait autrefois appartenu au grand-père dHélène. Après sa mort, une fille illégitime était apparue, une femme rusée qui avait produit des preuves et obtenu par la justice deux pièces. Plutôt que dy habiter, elle les avait vendues à un inconnu. Les pièces furent séparées, avec une entrée indépendante. Ces tracas avaient achevé la grand-mère dHélène, qui ne tarda pas à les rejoindre en paix.
Hélène avait quinze ans quand tout cela sétait passé. Elle avait tout vu. Depuis, elle vouait une haine tenace à ce voisin. Ce nétait pas lui la cause de ses malheurs, mais elle ne pouvait sempêcher de lassocier à tout cela. Après la mort de ses parents, sa mère sétait empressée dépouser un homme quelconque, possesseur dun appartement où Hélène nétait pas la bienvenue.
Tout cela à cause de son visage. Depuis lenfance, une immense tache de naissance marquait sa joue droite. Les moqueries avaient fusé : « La Grêlée », cétait le plus gentil. Son beau-père lavait rejetée : « Elle ferait peur aux voisins avec sa tête. » Elle lavait entendu un jour et, depuis, ne voyait sa mère que lors de ses rares visites.
Elle ne craignait pas les gens, mais évitait leurs regards. Alors quelle avait un fils, tout le monde sétait interrogé : qui était le père ? Personne ne savait quelle avait supplié un camarade de classe, Lucas, de lui faire un enfant. À lépoque, il nétait pas encore complètement perdu, et avait accepté contre une somme dargent. Un secret bien gardé : Lucas navait pas intérêt à sen vanter, et pour Hélène, seule comptait son fils.
Quand Julien eut cinq ans, le voisin mourut. Un nouveau prit sa place, un neveu ou autre parent. Il rénova sa partie, ajouta une extension, installa leau et le gaz. Hélène serrait tout ça entre ses dents. Les perceuses, les marteaux Et Julien qui commença à traîner là-bas. Il sasseyait, tapant un clou dans une planche. Elle comprenait quil manquait de figure paternelle, mais cette amitié la dérangeait.
Elle essaya den parler au voisin, que Julien appelait « Oncle Éric ». Quil shabitue au travail masculin, répondit-il. Mon père ma offert un marteau à trois ans. Ne vous inquiétez pas, je le surveille. Jai élevé mes frères, cest dans mes cordes. Elle tentait de retenir Julien, mais il bouderait comme un adulte, senfermant dans un coin. Elle finissait par céder, et ses yeux silluminaient : « Oncle Éric, je viens taider ! »
Elle exécrait aussi ses emprunts constants : sel, allumettes, sucre Il remboursait toujours, mais en paquets entiers. Dabord, elle refusait, puis abandonna. Il laissait tout sur le perron. Si cet homme voulait gaspiller son argent, autant en profiter.
Un jour, elle surpren







