Monique avoue qu’elle n’a jamais voulu d’enfants – pire encore, elle ne les aime pas du tout. Mariée à 20 ans, mère à 30 ans, sans vraiment savoir pourquoi : «C’est comme ça qu’on faisait à l’époque», répétait sa mère. On attendait d’elle au moins un enfant, sinon la famille paraissait incomplète. Pendant des années, tout le monde parlait de son «devoir de maternité», l’accablant de conseils et de reproches : il fallait absolument qu’elle réalise sa «mission féminine», car sans enfant, elle le regretterait un jour. Cédant à la pression familiale et sociale, Monique finit par donner naissance à un fils, mais l’amour maternel dont on lui avait parlé ne s’est jamais manifesté. Elle n’a jamais ressenti d’attachement, ni pour le bébé joufflu, ni pour le jeune élève rentrant de l’école avec un bouquet, ni pour l’adulte brillant qu’il est devenu. Malgré tous ses efforts pour être une mère responsable – en s’occupant de son fils, en l’accompagnant à ses activités, en lui assurant une belle éducation et en veillant à son avenir professionnel – Monique n’a jamais eu de plaisir à passer du temps avec lui, trouvant toujours refuge dans le travail ou les tâches ménagères. Après son divorce lorsque son fils a eu 12 ans, elle a mené seule le reste de son éducation – son ex-mari n’étant jamais très présent. Aujourd’hui, à 28 ans, son fils est marié avec deux enfants. Sa belle-fille ne comprend pas comment une mère peut être aussi distante ; Monique ne téléphone pas et ne souhaite pas voir ses petits-enfants. «Pas de lien, ce n’est pas une punition pour moi», rétorque-t-elle, affirmant qu’elle n’éprouve aucun manque et qu’elle veut enfin vivre pour elle-même. Tandis que son fils mène sa vie et que Monique s’occupe de son potager et de son chien, la question reste ouverte : a-t-elle été une mauvaise ou une bonne mère, elle qui n’a jamais ressenti ce fameux instinct maternel, mais a tout fait pour donner à son fils les meilleures chances ?

Claire avoue navoir jamais souhaité avoir denfants. Plus encore, les enfants ne lont jamais attirée. Elle sest mariée à vingt ans et est devenue mère à trente. Pourquoi?

Elle nen sait rien elle-même. À lépoque, cest ce que tout le monde faisait. Sa mère lui répétait toujours: «On nattend pas de toi que tu en aies beaucoup, mais il faut au moins un enfant. Sinon, la famille nest pas complète. Chaque femme devient mère, tu dois y penser aussi. Une fois ce devoir accompli, personne ne ten voudra de vivre ta vie comme tu lentends.»

Tout au long de ses années de mariage, la maternité de Claire était au centre de toutes les conversations. Il semblait que seuls laccomplissement maternel importait à son entourage, qui lassaillait constamment de questions et de conseils.

On lui disait souvent que les enfants étaient le véritable «sucre de la vie». Personne ne comprenait pourquoi elle tardait à se lancer. On la pressait de franchir cette étape, la mettant en garde quelle risquait de le regretter amèrement en vieillissant.

Finalement, Claire a cédé et a donné naissance à un enfant. Pourtant, ce miracle damour maternel dont on lui parlait ne sest jamais produit. Elle na ressenti ni tendresse débordante pour son nouveau-né, ni admiration pour le petit garçon qui, plus tard, revenait de lécole primaire avec un énorme bouquet de fleurs à loccasion de la fête des mères. Même devenu un jeune homme accompli, son fils ne lui inspirait aucun élan du cœur. Malgré ses efforts sincères pour éveiller en elle cette fibre maternelle, rien ny faisait.

Claire tentait déviter son fils. Elle sévadait dans le travail, acceptant sans broncher les corvées les plus ingrates. Elle prétextait toujours avoir une ratatouille à préparer ou lappartement à ranger pour ne pas passer du temps avec lui.

Une amie, confiait-elle avec mélancolie, envoyait sa fille en vacances chez sa grand-mère, et se lamentait ensuite de son absence: la maison lui semblait vide, déserte. Je nai jamais compris ce manque dont elle parlait. Moi, jaurais plutôt profité de cette opportunité pour respirer un peu. Dommage que je naie jamais pu envoyer mon fils ailleurs

Malgré tout, il faut admettre que Claire sest montrée responsable. Jamais elle na fait porter la faute sur son fils, ce nétait pas à lui de payer le prix de ses propres hésitations. Puisquelle lui avait donné la vie, elle lui devait de lélever du mieux quelle pouvait. Elle lui lisait des histoires, jouait avec lui, accompagnait ses sorties au parc ou au Jardin des Plantes, laidait dans ses devoirs, connaissait tous ses amis. En somme, elle veillait à ce quil ne manque de rien.

À douze ans, son fils a vu ses parents divorcer. Claire est alors restée seule en charge de son éducation. Le père nétait pas très investi mais quelques virements passaient de temps à autre sur le compte de Claire, en guise de pension alimentaire. Heureusement, son fils était vif, autonome, un enfant apprécié de tous. Elle na jamais eu à sen plaindre.

Grâce à Claire, il a pu poursuivre de bonnes études et intégrer ensuite une entreprise réputée à Paris. Elle la même aidé financièrement, en lui donnant un coup de pouce pour régler une partie de son prêt immobilier.

Cest ce jour-là que jai senti la liberté revenir, se rappelle Claire avec un sourire. Mon fils était enfin autonome, il navait plus besoin de moi! Jallais pouvoir profiter de la vie, me consacrer à mes envies, comme je lavais toujours rêvé.

Aujourdhui âgé de vingt-huit ans et déjà père de deux enfants, son fils a fondé sa propre famille. Sa belle-fille, Florence, ne comprend pas comment il peut rester aussi distant de sa mère. Claire ne téléphone jamais, ne prend aucune nouvelle des petits-enfants et refuse même leurs invitations. Pour elle, pas de visites cest simple, labsence de liens est son choix.

Claire se souvient avec ironie: Sa belle-fille a tout tenté pour la faire changer davis chantage affectif et rappels moralisateurs. «Si tu ne viens pas, tu ne verras plus tes petits!» Mais Florence na jamais compris que, justement, voir ses petits-enfants ou pas, Claire sen fiche. Elle vit à sa manière, et Florence la fini par le comprendre. Ils se croisent rarement, sauf peut-être à Noël. Claire ne ressent jamais ce manque de famille. Elle se dit parfois quelle nest ni la meilleure des mères, ni une grand-mère affectueuse. Mais que faire?

Depuis, Claire sest inventé une réponse. Elle dit que si son fils ne lappelle pas, cest simplement quil est heureux. Sil avait un problème, il composerait aussitôt son numéro. Et cest vrai: aujourdhui, il se consacre entièrement à sa carrière. Elle, elle nattend plus jamais dappels.

Chacun fait sa vie. Claire a adopté un labrador nommé Gustave et cultive un potager dans sa maison dAuvergne. Elle na pas de temps à accorder à la nostalgie. On ne sait pas sil faut la juger bonne ou mauvaise mère. Mais ce que lhistoire nous montre, cest quelle a permis à son fils de grandir solide et de réussir sa vie, même si cela ne ressemblait pas à lidéal rêvé. Peut-être que la vraie leçon est quil ne faut pas forcer un cœur, que lamour ne simpose pas, et que chacun doit tracer son chemin sans céder à la pression du regard des autres.

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Monique avoue qu’elle n’a jamais voulu d’enfants – pire encore, elle ne les aime pas du tout. Mariée à 20 ans, mère à 30 ans, sans vraiment savoir pourquoi : «C’est comme ça qu’on faisait à l’époque», répétait sa mère. On attendait d’elle au moins un enfant, sinon la famille paraissait incomplète. Pendant des années, tout le monde parlait de son «devoir de maternité», l’accablant de conseils et de reproches : il fallait absolument qu’elle réalise sa «mission féminine», car sans enfant, elle le regretterait un jour. Cédant à la pression familiale et sociale, Monique finit par donner naissance à un fils, mais l’amour maternel dont on lui avait parlé ne s’est jamais manifesté. Elle n’a jamais ressenti d’attachement, ni pour le bébé joufflu, ni pour le jeune élève rentrant de l’école avec un bouquet, ni pour l’adulte brillant qu’il est devenu. Malgré tous ses efforts pour être une mère responsable – en s’occupant de son fils, en l’accompagnant à ses activités, en lui assurant une belle éducation et en veillant à son avenir professionnel – Monique n’a jamais eu de plaisir à passer du temps avec lui, trouvant toujours refuge dans le travail ou les tâches ménagères. Après son divorce lorsque son fils a eu 12 ans, elle a mené seule le reste de son éducation – son ex-mari n’étant jamais très présent. Aujourd’hui, à 28 ans, son fils est marié avec deux enfants. Sa belle-fille ne comprend pas comment une mère peut être aussi distante ; Monique ne téléphone pas et ne souhaite pas voir ses petits-enfants. «Pas de lien, ce n’est pas une punition pour moi», rétorque-t-elle, affirmant qu’elle n’éprouve aucun manque et qu’elle veut enfin vivre pour elle-même. Tandis que son fils mène sa vie et que Monique s’occupe de son potager et de son chien, la question reste ouverte : a-t-elle été une mauvaise ou une bonne mère, elle qui n’a jamais ressenti ce fameux instinct maternel, mais a tout fait pour donner à son fils les meilleures chances ?
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