Lors d’une visite à Lyon, je me suis installée dans un café sur la place Bellecour. Tout à coup, j’ai entendu une voix familière d’autrefois — et mon cœur s’est mis à battre comme au temps de ma jeunesse.

Je me souviens, il y a fort longtemps, dun aprèsmidi dété où je flânais dans les rues de Paris, à la recherche dun moment de repos. Le soleil dardait ses rayons sur la Place des Vosges, les terrasses bruissaient de conversations, le cliquetis des tasses et larôme du café fraîchement moulu se mêlaient aux effluves dune tarte aux pommes.

Je minstalle dans un petit café au coin de la place, je commande un cappuccino pour trois euros et je regarde, par la vitre, les arcades du Marché SaintPaul, espérant simplement un instant de tranquillité. Soudain, parmi le brouhaha des rires et des discussions, un son familier perce mes oreilles: une voix que je reconnaissais depuis mon adolescence.

Je reste figée. Ce nétait ni celle du serveur, ni celle dun touriste quelconque. Cétait la voix qui, autrefois, faisait vibrer mon cœur à seize ans. Je tourne lentement la tête et le vois, quelques tables plus loin, vêtu dun long manteau sombre, échangeant quelques mots avec la serveuse avant de croiser mon regard.

Le temps semble se suspendre un instant. Tous les souvenirs affluent: le lycée, les balades dans le Jardin du Luxembourg, nos rêves davenir. Il était alors mon univers entier, celui qui tenait ma main et promettait de ne jamais me quitter. Et pourtant, il mavait abandonnée sans un mot, sévaporant de ma vie comme un nuage dété, me laissant étouffée pendant des mois.

Là, dans ce même café parisien, il se tenait à nouveau, comme figé dans le décor de notre jeunesse. Que devaisje faire? Me lever, mapprocher? Faire comme si je ne le voyais pas? Un instant, je me sens redevenue la jeune fille de trenteetun ans, bien que les rides du temps aient déjà tracé leurs sillons. Il me reconnaît aussi; je le lis dans ses yeux. Après un bref hésitation, il franchit le pas.

«Éléonore?», demandet-il dune voix tremblante, et ce timbre me transperce à nouveau. Je hoche la tête, muette, le cœur battant la chamade, les mains moites, la gorge sèche, comme si toute la salle sétait évaporée pour ne laisser que nous deux.

Il sassied en face de moi. Au début la conversation reste prudente, ponctuée de questions dusage: «Comment vastu? Où vistu? Astu des enfants?» Mais sous ces paroles, dautres émotions palpitent. Dans chaque regard il y a une phrase muette: «Tu mas manqué.»

Il raconte quil vit à létranger, que la vie na pas suivi le scénario quil sétait imaginé, quil a connu un mariage qui sest effondré et quil vit désormais seul. Sa voix porte la fatigue, mais aussi la chaleur dun passé que je nai jamais complètement oubliée. Jai limpression que les trois décennies qui nous séparaient se sont dissipées, et que je suis à nouveau assise aux côtés du garçon dont jai connu le premier amour.

Nous parlons pendant des heures. Le café se vide, les serveurs rangent les tables, et nous restons là, face à face, comme si le monde sétait arrêté. Il avoue navoir jamais oublié cet été où nos chemins se sont séparés, quil se demandait parfois ce quaurait donné notre vie sil avait eu le courage de rester. Dans ses yeux je lis le regret, mais aussi une lueur despoir.

Quand nous sortons ensemble sur la Place des Vosges, la nuit parisienne bat son plein. Les réverbères se reflètent sur les pavés mouillés, des musiciens jouent des airs dautrefois au coin dune ruelle. Nous marchons côte à côte, silencieux, conscients que chaque mot pourrait briser cette magie fragile.

Avant de se séparer, il me susurre doucement: «Puisje tappeler?» Et là, jai compris que ma vie bien rangée, mon quotidien méticuleux, se trouvaient soudainement remis en question. En un instant, un frisson dadolescente est revenu: le tremblement du cœur, le désir dune proximité longtemps oubliée.

Je ne sais pas ce que lavenir nous réservera, ni si nous aurons le courage de nous offrir une seconde chance. Mais je sais quen ce jour, sous le ciel de Paris, jai cessé dêtre la femme qui croyait que les plus belles années étaient déjà derrière elle. Jai compris que la vie peut surgir, inattendue, au détour dune ruelle.

Une chose est sûre: depuis cette rencontre, mon existence ne ressemble plus à ce quelle était. Un simple aperçu du passé, une voix dantan, ont réveillé en moi une flamme que je pensais éteinte à jamais.

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Lors d’une visite à Lyon, je me suis installée dans un café sur la place Bellecour. Tout à coup, j’ai entendu une voix familière d’autrefois — et mon cœur s’est mis à battre comme au temps de ma jeunesse.
После пятидесяти я подумала, что сюрпризов в жизни больше не будет. И вдруг, однажды ошибившись номером, я позвонила незнакомому мужчине. То, что случилось потом, я бы никогда не предсказала.