Chacun mérite le droit au pardon : Une matinée ensoleillée dans le village d’Anaïs, des souvenirs, des retrouvailles familiales et le chemin sinueux vers l’amour et la réconciliation

Tu sais, chacun mérite dêtre pardonné. Écoute, ce matin, Solange a ouvert les yeux et a vu le soleil filtrer à travers les rideaux, inondant la chambre dune lumière douce.

Il faudrait que je les change, les rideaux, mettre du plus épais, surtout lété avec le soleil qui tape fort. Ah lété, ma saison préférée, soupire-t-elle, tout en regardant Pierre, son mari, qui dormait encore profondément à côté delle. Il dort comme une pierre, rien ne le réveille ce garçon, pensa-t-elle avec tendresse.

Solange est allée à la cuisine, sest préparée, puis a fait le petit-déjeuner. Autrefois, cétait tout un spectacle au petit-déjeuner. Leur deux fils, Étienne et Luc, samusaient et se chamaillaient à table, et Pierre les observait dun air faussement sévère mais en réalité attendri.

Les gars ont grandi, ont fait leurs études, se sont mariés et maintenant ils vivent en ville avec leurs familles respectives. Étienne a sa femme et sa fille à Toulouse, et Luc avec sa femme et ses jumeaux à Bordeaux. Ils ont du travail, tout va bien pour eux, et ils rendent visite à leurs parents au village de temps en temps.

Solange, aujourdhui, a prévu daller à Toulouse pour voir sa petite-fille, Aurélie. Elle en a vraiment envie ! Pierre va la conduire en voiture. Elle finit le petit-déjeuner, à peine elle allait appeler son mari quil débarque déjà dans lencadrement de la porte, tout souriant.

Ah tu tes réveillé ! Jallais justement tappeler, dit-elle avec un clin dœil.

Je suis réveillé depuis un moment, hein, je faisais semblant, mais ces crêpes me donnaient trop envie ! rigole-t-il.

Allez, débarbouille-toi et viens à table, on doit filer chez Étienne, dit-elle.

Ils habitent un petit village au centre de la France. Solange travaille à La Poste depuis des années, elle distribue le courrier et les retraites, et Pierre, lui, est garagiste, il répare les tracteurs et les machines agricoles. Après le déjeuner, ils commencent à préparer les affaires pour les enfants. Pierre descend à la cave chercher des conserves.

Ramène deux bocaux concombres et tomates, deux de salade, et quelques pots de confiture, framboise et cerise, sempresse Solange pendant que Pierre descend.

Quand la voiture est chargée de pommes de terre, et de conserves, ils quittent la cour.

Comme cest beau lété, Pierre ! sourit Solange, début juin, tout est vert, ça donne le moral.

Oh oui, cest lavantage des jours de repos, on fait ce quon veut, répond Pierre.

Après une arrivée joyeuse chez Aurélie, la petite-fille, et le goûter agréablement préparé par la belle-fille, Louise, on discute de tout et de rien avant que Solange et Pierre doivent repartir vers le village.

Mamie, reste encore ! pleurniche Aurélie, elle voudrait jouer plus longtemps avec sa grand-mère.

Ma chérie, on doit encore passer au marché pendant quil est ouvert. Mais viens-nous voir ce week-end avec papa et maman, on tattend ! Tu pourras gambader dans le jardin, aller à la rivière avec papy Pierre, propose Solange, ce qui réjouit la petite.

Le marché de la ville bat encore son plein, alors Solange y fait un tour, il lui faut bien une nouvelle robe de chambre et quelques sous-vêtements, ainsi que des chaussettes et un t-shirt pour Pierre.

Solange, je vais au magasin délectronique, jai pas envie de regarder tes chiffons, rigole Pierre. On se retrouve à la voiture !

Solange achète le nécessaire, puis marche vers le parking. Entre deux stands, un vieux accordéoniste attire son attention, mal attifé, la barbe grise, sa vieille casquette posée à terre avec quelques centimes deuro.

Aidez-moi, sil vous plaît, répète-t-il dune voix rauque, en inclinant la tête.

Bon dieu… Est-ce que cest vraiment Simon ? se dit-elle, Simon, usé par la vie, ce pauvre homme Oui, c’est bien lui. Elle passe rapidement, met largent dans la casquette et file vers la voiture.

Pas de haine, ni pitié. Juste un pincement au coeur en voyant ce quil était devenu. Pierre arrive et remarque son trouble :

Solange, ça va ?

Oh, oui, jai une migraine qui monte, cest tout

On rentre et tu te reposes, rassure-t-il.

À la maison, Solange sinstalle sur le canapé, incapable de dormir, et ses souvenirs refont surface comme une vague. Elle se revoit jeune fille, à dix-huit ans, pleine de rêves.

Elle vivait chez ses parents au village, bossait dabord dans une ferme avicole, puis à La Poste cinq ans plus tard. À dix-huit ans, elle tombe follement amoureuse de Simon, ce fameux accordéoniste, un gars du coin, qui avait déjà fait son service militaire. Beau, charmant, ce Simon faisait tourner la tête à toutes les filles. On parlait beaucoup de sa vie de fête.

Solange ne voulait pas le voir, mais impossible de détourner les yeux, elle écoutait chaque mot, buvait ses paroles. Elle voulait juste être auprès de lui. Mais Simon ne la regardait même pas, il jouait de laccordéon au bal du village, entouré de filles, rigolait et souvent était bien éméché. Solange ne voyait rien de mauvais en lui, rêvait de lépouser.

Mais Pierre, un garçon calme, pas vraiment beau gosse, laimait en secret depuis lécole. Elle ny prêtait pas attention, lui soupirait en voyant ses regards pour Simon.

Pourquoi ce Simon ? Il ne te mérite pas, disait son amie Isabelle, regarde plutôt Pierre, lui il tadore. Aime celui qui taime.

Impossible pour Solange, elle aimait Simon, point. Un soir, enfin, Simon la remarque au bal. Elle danse et il la fixe, ses yeux sombres plantés dans les siens. Il savait quelle le regardait souvent, il nétait jamais en manque dattention, mais il se dit, tiens, cest au tour de Solange.

Simon linvite à sortir après le bal, elle accepte malgré quil ait un peu bu. Ils sortent, passent la nuit ensemble, il lui susurre :

Tu es la seule pour moi, je ne tabandonnerai jamais, promet-il, et elle y croit, comblée.

Le lendemain soir, elle court au bal, impatiente de le revoir. Elle lapproche, mais Simon la rejette à peine arrivé.

Bon, Solange hier jai trop bu, oublie tout ça ! lance-t-il, continuant de jouer en souriant.

Ces mots la broient de lintérieur. Son cœur tambourine, elle se sent humiliée.

Mais tu mas promis, je taime ose-t-elle, espérant.

Jai rien promis, lâche-moi. Cest toi qui taccroches, sagace-t-il. Pour Solange, le monde sécroule.

Depuis, Simon lévite, elle ne sort plus, se consacre au boulot, la maison. Bientôt elle réalise quelle est enceinte. Peu après, son père décède brutalement. Avec sa mère, elles tentent de se remettre du coup, et Solange ne sait pas quoi faire avec la grossesse à lépoque, une enfant sans mari, on la jugeait.

Elle annonce tout à Simon. Lui sen fiche :

Cest pas moi ! Trouve un autre pigeon. Dégage, dit-il en séloignant.

Solange lavoue à sa mère, qui, déçue mais courageuse, la soutient : on garde ce bébé, je taiderai dans tout.

Un jour Solange et Isabelle rentrent de courses, voient Simon bras-dessus bras-dessous avec Véronique, une fille qui venait de la ville, souvent chez sa tante au village.

Ils vont se marier et partir à Bordeaux, chuchote Isabelle.

Solange est au fond du trou. En plus dêtre rejetée, elle voit Simon refaire sa vie. Elle rentre et pleure, Isabelle finit par venir la voir avec Pierre.

Les deux font de leur mieux pour lui remonter le moral, Pierre laide dans les tâches, la raccompagne après le travail. Elle le considère comme un ami, il le sait et lui raconte des blagues pour la distraire. Quand le ventre devient visible, il finit par lui parler sérieusement :

Solange, je sais que tu ne maimes pas, mais laisse au moins ton enfant avoir un père. Je serai toujours là, je prendrai soin de vous. Si tu ne maimes pas, tant pis, je vous aimerai pour deux.

Je ne sais pas, Pierre, je ne sais pas si je pourrai taimer hésite-t-elle.

Tout doucement, ils se marient discrètement. Au printemps, elle donne naissance à leur fils, Matthieu. Isabelle est la marraine. Pierre tient parole, devient un père exemplaire. Ils vivent chez Pierre, il aide en tout. Solange reste encore un temps distante, elle naime plus Simon, essaie de loublier, mais Pierre na pas encore pris sa place dans son cœur.

Pierre patiente, ne fait jamais de reproche. Un jour, Matthieu commence à parler, appelle Pierre « papa ». Quelle émotion ! Pierre en pleure de joie, et petit à petit, le cœur de Solange se réchauffe. Bientôt, elle découvre quelle attend un autre enfant.

Pierre, je suis enceinte ! sexclame-t-elle.

Oh Solange, tu ne peux pas savoir comme je suis heureux !

Quand le petit Louis arrive, Pierre ne le quitte pas des bras, et cest là que Solange réalise à quel point cet homme est cher à son cœur.

Pierre cest le mari et le papa idéal ! dit-elle à Isabelle, et cette amie est ravie. Jai une chance inouïe, je lui dois tant, je veux être une vraie femme pour lui, je lui suis tellement reconnaissante.

Un soir, Pierre rentre du travail :

Solange, pourquoi on ne se marierait pas à léglise, pour être ensemble, même là-haut ? dit-il en levant les yeux au ciel.

Oh oui, je suis prête à te suivre partout ! senthousiasme-t-elle.

Des années passent, Solange et Pierre vivent heureux, soudés, et elle ne cesse de remercier la vie pour son bonheur. Quant à Simon ? Il fut son errance, son drame, mais avec Pierre elle a surmonté ses blessures. Elle a pardonné à Simon ; chacun a droit au pardon… Tu vois, parfois, il faut du temps pour comprendre ce qui est bon pour soi.

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