Les portes de la voiture s’ouvrent brusquement et une chienne est poussée à l’extérieur. Elle n’est pas escortée, ni relâchée, mais littéralement projetée – avec brutalité, comme un sac poubelle.

Les portes dune vieille berline souvrent brusquement et, dun coup sec, ils expulsent le chien. Aucun geste dattention, aucune libérationjuste un rejet brutal, comme on jette un sac poubelle.

Marie Dupont est à la porte du petit corps de ferme, un seau rempli de pelures de pommes de terre pour les poules, quand elle aperçoit une Toyota noire qui sarrête en plein milieu de la rue du village de SaintJust. Elle regarde, incrédule.

Le chien qui surgit est roux, maigre, les yeux tremblants. Un vieux tapis usé senvole derrière lui, heurtant la poussière de la route. Les portes claquent; la voiture démarre dun coup dimpulsion, et tout sarrête.

Marie reste figée, le seau se dérobe de ses mains, les pelures dune poignée se répandent sur le sol. Le chien sassoit au centre de la chaussée, fixe les empreintes de la voiture. Il naboie pas, ne gémit pasil attend, comme sil espérait que les conducteurs reviennent, ouvrent les portes et lappellent.

«Tu as vu?!», crie Béatrice Lefèvre du voisinage, les bras en lair. «Vous avez vu ce quils ont fait? Des êtres humains, vraiment?»

«Oui, jai vu,» répond Marie dune voix étouffée.

«Des monstres!» sexclame Béatrice, crachant du coin de la route qui séloigne. «Des bêtes à abattre! On les a jetés comme une vieille chaussette!»

Dautres voisins sapprochent, les ragots du village courent plus vite que le vent.

«Qui étaitça?»

«Des citadins, sûrement. Des vacanciers.»

«Pourquoi lontils jeté?»

«À qui sertelle? Probablement trop vieille.»

«Quel dommage.»

Tous compatissent, mais personne ne bouge. Le chien reste assis, à côté du tapis, comme attaché.

«Marie, pourquoi tu te lèves?» crie Béatrice. «Allez nourrir les poules!»

Marie ne répond pas, elle se dirige vers la route.

«Où vastu?» seffraie Béatrice. «Elle doit être folle!»

«Pas folle.»

«Comment tu le sais?»

«Je sais.»

Marie avance lentement, pour ne pas leffrayer. Le chien lève la tête, regarde avec méfiance mais ne senfuit pas.

«Alors,» murmure Marie en sasseyant à un mètre du chien, «Tu nes plus utile à personne?»

Le chien reste muet.

«Je te comprends, vraiment.»

Elle tend la main doucement. Le chien renifle, puis lèche ses doigts dune langue rugueuse et chaude. Un frisson de chaleur se répand en elle, la première depuis un mois.

«Viens avec moi,» souffletelle. «À deux, la peur sera moindre.»

Elle prend le vieux tapis sale. Pour le chien, cest son toutdernier rappel du passé.

Le chien se lève péniblement, puis suit Marie. Les voisins, à leurs portes, hochent la tête sceptiques :

«Elle a perdu la raison? Pourquoi auraitelle besoin dun tel chien?»

Marie ne se retourne pas. Elle se fout de ce que les autres pensent.

Le chien garde une distance de trois mètres, observant, comme sil attendait que ses anciens maîtres reviennent. Aucun véhicule ne revient, seulement le chemin de terre et des regards curieux à travers les clôtures.

«Entre,» dit Marie en ouvrant la porte du hangar.

Le chien sarrête sur le seuil, hésitant.

«Allez, naie pas peur.»

Il franchit prudemment, comme sil sentait un piège. Marie déroule le vieux tapis sur la paille, sale mais familier.

«Voilà, ici, tu pourras thabituer.»

Le chien sallonge, se recroqueville, pose la tête sur ses pattes, les yeux toujours rivés sur la porte.

Toute la journée, il bouge à peine, boit seulement de leau, guette le seuil.

«Ils ne reviendront pas,» raconte Marie. «Ils lont jeté et ont oublié.»

Le chien nen croit rien, ou refuse de le croire. Les voisins viennent parfois demander du sel ou des allumettes, réellement curieux.

«Marie, tu vas vraiment le laisser comme ça?» demande Béatrice, les yeux fixés sur le chien.

«Je le laisse.»

«Pourquoi?Tu vas devoir le nourrir, le sortir, nettoyer après lui.»

«Ce nest pas un problème.»

«Tu es épuisée après le décès de ton mari, non?Tu ne peux pas toccuper de ça.»

Marie reste silencieuse, le poids du deuil lourd comme une pierre.

À la fin de la journée, le chien commence à se réchauffer. Il sapproche, pose sa tête sur les genoux de Marie, remue la queue timidement.

«Quel trésor,» caresset-elle le chien. «Tu es ma petite fierté.»

Le chien pousse un petit gémissement, presque un cri nocturne, appelant une présence disparue.

Marie, allongée dans son lit, écoute ce souffle, sent le manque du mari qui la quittée.

«Quel idiot,» penset-elle. «Ils lont jetée, et elle attend toujours.»

Elle se rappelle alors quelle a ellemême supporté les cris de son époux, ses colères, sans jamais le laisser partir.

Le matin, sa fille Claire arrive, franchit le portail, regarde la maison dun œil critique :

«Maman, questce que tu fais avec ce chien?»

«Un chien.»

«Pourquoi?»

«Parce que»

«Tu nas plus rien à faire?Tu es seule, ta santé nest plus ce quelle était, et tu toccupes dun animal!»

Marie ne répond pas, elle continue à éplucher les pommes de terre pour le dîner.

«Maman, je suis sérieuse. Donnele à quelquun ou amènele à la SPA.»

«Je ne le donne pas.» sécrie Marie, se retournant brusquement.

Claire reste muette, déconcertée.

«Maman, tu ne sais pas ce que ça signifie dêtre abandonnée!»

«Vous vivez votre vie, et moi je reste ici, dans cette maison vide pleine de souvenirs. Vous pensez que cest facile? Vous croyez que je ne sais pas que bientôt je ne servirai plus à rien, comme ce chien?» la voix de Marie tremble.

Elle se tourne, ne voulant pas que sa fille voie ses larmes.

«Maman, sil te plaît, ne sois pas dure,» tente Claire, lenlacent maladroitement. «Nous avons besoin de toi.»

«Je connais votre emploi du temps, vos enfants, vos soucis.»

Claire soupire, caresse le chien qui sapproche prudemment.

«Comment sappelletil?»

«Je ne sais pas.»

«Il est roux. On lappellera Roussette?»

«Cest banal.»

«Alors Lila?»

Marie sourit :

«Lila?Ça ira.»

Le chien remue la queue, comme sil approuvait.

Le lendemain, la même Toyota noire réapparaît, même conducteur.

Marie la reconnaît aussitôt, le cœur se serre. Le véhicule sarrête devant son portail.

Deux jeunes, homme et femme, descendent, costaudement vêtus de vestes de cuir.

«Bonjour,» dit lhomme. «Nous sommes venus chercher le chien.»

Marie reste figée.

«Lequel?»

«Le nôtre, le roux. Vous lavez trouvé?»

«Je lai.»

«Parfait, nous le reprenons.»

«Comment le reprenezvous?»

La femme roule les yeux :

«Nous ne lavons pas abandonné comme cela!Nous voulions lui donner une leçon. Il a mâché mes nouvelles bottes en cuir, coûtant dixmille euros! Alors nous lavons laissé dehors pour quil apprenne.»

Marie halète.

«Une leçon? Vous lavez jeté comme une ordure pour?»

«Exactement.»

Lhomme se fraie un chemin à travers le portail.

«Où estelle?Montreznous.»

Marie avance, mais se bloque :

«Je ne le rends pas.»

«Quoi?»

«Je vous lai dit, je ne le rends pas! Vous lavez traitée comme des ordures. Elle nest plus à vous!»

Lhomme sourit :

«Madame, jai les papiers, le pedigree. Cest notre propriété.»

Marie tremble de rage.

«Propriété!Vous parlez dun être vivant comme dun meuble!»

«Cest à nous, et nous la reprendrons, de façon ou dune autre.»

Les voisins, attirés par le bruit, se rassemblent : Béatrice, la vieille Madame Claudine, les hommes des cours voisines.

«Questce qui se passe?»

«Ils reviennent prendre le chien quils ont jeté il y a deux jours!»

Le tumulte monte.

«Ils lont jetée pour leurs bottes!» crie Béatrice. «Des salauds!»

«Comment osezvous?» lance Madame Claudine, les bras en lair. «Nous ne jetons jamais un animal!»

Un vieil homme, le monsieur Vasquez, le notaire du village, intervient :

«Ce nest pas ainsi quon traite un chien.»

«Nous avons les documents!Nous appelons la police!»

«Appelezla!Nous vous dénoncerons pour maltraitance animale!»

Lhomme sort son téléphone, compose.

«Je vais appeler la police.»

Le voisin vasquez répond :

«Nous vous infligerons une contravention, vous savez ce que vaut la maltraitance animale.»

La femme, les yeux roulés, se tourne vers Marie :

«Écoutez, on ne veut pas vous causer du mal. On paiera pour les soins, cinq mille euros, dix?»

Un silence sinstalle. Marie regarde les billets, puis éclate dun rire sec :

«Vous pensez à largent?Quel autre motif?»

La femme reste muette.

Tout à coup, la tête de Lila dépasse le portail, voit ses anciens propriétaires. Elle se fige.

«La voilà!» sexclame lhomme. «Elle nous reconnaît!Allons, Lila, viens avec nous!»

Lila regarde lhomme, pousse un petit cri, puis se cache derrière Marie.

«Lila!Viens ici, maintenant!» ordonne lhomme.

Le chien se blottie contre Marie, plus fort.

«Elle ne partira pas,» dit le vieux Vasquez. «Elle a peur de vous.»

«Cest absurde!Elle nest quhabituée!»

«Habituée?Chez nous, elle a une maison.»

Marie sassoit, serre Lila contre elle. La foule éclate en applaudissements.

«Bravo, Marie!»

«Ne la lâche pas!»

«Nous sommes avec toi!»

Lhomme et la femme se regardent, désemparés.

«Vous le regretterez,» menace lhomme. «Nous reviendrons avec la police et les papiers.»

«Revenez,» répond calmement Marie. «Tout le monde ici a vu.»

«Nous le dirons à la presse,» ajoute Béatrice. «Tout le monde saura ce que vous avez fait.»

La femme agrippe lhomme par le bras :

«Allonsy, cest futile.»

«Mais»

«Je dis allons!» Elle tourne les talons et monte dans la voiture, promettant den acheter une autre avec les papiers.

Lhomme lance un dernier regard noir à Marie, puis séloigne, ferme les portières avec fracas, le moteur rugit, la poussière sélève et il disparaît au tournant.

Marie serre Lila dans ses bras, les larmes coulent.

«Allez, ma petite,» murmureelle, la vieille Madame Claudine la rejoint. «Tu as gagné, tu as défendu ton ami.»

«Bien joué,» acquiesce le vieux Vasquez. «Tu nas pas eu peur.»

Le soir, Marie est sur le pas de la porte, Lila repose sa tête sur les genoux de Marie. Le ciel rosit, le soleil se couche derrière les toits du village. Le silence est doux.

«Alors, ma complice,» caressetelle la fourrure rousse. «Nous resterons ensemble, toutes les deux.»

Lila soupire, ferme les yeux.

Une semaine plus tard, le téléphone sonne: cest Claire.

«Maman, jai vu un article en ligne: «Une femme défend son chien contre des propriétaires cruels». Ils ont même publié ta photo.»

«Vraiment?Je ne savais pas.»

«Maman, je suis désolée pour Lila. Je ne comprenais pas, je pensais que ça tallait mal. Mais au final, cest le contraire.»

«Ce nest rien, ma fille.»

«Je viendrai aux fêtes avec les enfants, ils rencontreront Lila.»

«Venez, je serai ravie.»

Marie raccroche, sourit.

Les enfants arrivent, les petitsenfants, la maison se remplit de rires et de voix. La vie reprend.

Оцените статью
Les portes de la voiture s’ouvrent brusquement et une chienne est poussée à l’extérieur. Elle n’est pas escortée, ni relâchée, mais littéralement projetée – avec brutalité, comme un sac poubelle.
Il a sauvé un loup à moitié mort gelé… Mais il ignorait quelle dette il aurait à payer… ❄️🐺