Je vous respecte, vous et votre fille, mais je ne souhaite pas que vos petits-enfants viennent chez moi pendant que je travaille. Leur comportement est insupportable, et je ne peux laccepter, ai-je déclaré à ma belle-mère, la voix tremblante dexaspération.
Et cela ne vous gêne pas que votre fille reste seule toute la journée à la maison ? Au moins, les enfants de Claire jouent avec elle, elle ne sennuie pas, sest justifiée ma belle-mère, sur la défensive.
Elle ne sennuie pas seule, rassurez-vous. Quand jai du temps, je vous invite. Mais là, je préfère quils ne viennent pas, ai-je répondu fermement.
Quont-ils fait, exactement ?
Ce genre de discussion revient sans cesse, ma belle-mère refusant daccepter ma décision, le ton montant à chaque fois sous le ciel gris dun faubourg de Lyon.
Ma fille, Lison, a onze ans. Nous vivons dans une petite maison en banlieue, où lair sent la pluie et les feuilles mouillées. Ma belle-sœur, Claire, nhabite qu’à deux rues, avec ses deux enfants : un garçon de treize ans, Timothée, et une fille de dix ans, Capucine. Tous trois jouaient souvent ensemble, du moins jusqu’à récemment. Jai toujours été attentive ; rien ne semblait troubler leur entente. Ma belle-mère reste persuadée que Claire a élevé des enfants exemplaires, mais la réalité est toute autre.
Elle ne croise ses petits-enfants quasiment que pendant les vacances, alors elle ignore tout de leur conduite en dehors de ces périodes idéalisées. Ma fille est posée, obéissante. Les enfants de Claire, eux, amènent la tempête. Ils volent des jouets, et récemment encore, ils ont fouillé dans mon sac pour prendre vingt euros afin daller acheter des glaces et des Orangina.
Ils débarquent à limproviste et simposent dans notre maison, sans gêne. Ils jouent, engloutissent le goûter, réclament toujours autre chose. Quand je propose un potage, ils font la moue, exigeant quelque chose de « bon ».
Jaime pas la soupe. Donne-moi de largent, jirai macheter autre chose, a exigé Timothée, droit dans ses baskets, face à Lison.
Jen ai pas, a bredouillé Lison, mal à laise.
Prends celui de ta mère dans son sac. Si tu ne me le ramènes pas, je le trouverai moi-même.
Et il la fait. Il a fouillé mon sac, pris les billets, et est parti. Ma fille na rien eu, elle a refusé de participer. Lorsque jai appelé Claire, elle ma reproché de laisser de largent là où on pouvait le trouver.
Claire, cest tout de même chez moi ! Ton fils na pas à toucher à mes affaires. Tu devrais lui parler. Dans notre famille, ça ne se fait pas, aïe-je répondu, la gorge serrée de colère.
Elle sest vexée, puis est vite passée à autre chose. Quand je prenais des congés, ses enfants étaient encore souvent chez nous, mais sous mon œil attentif. Un soir, le policier voisin est venu sonner. Il voulait parler à Lison. Il savérait que Timothée avait volé des bonbons dans le Carrefour du coin, et Lison était avec lui.
Ce nest pas grave, faut pas en faire une histoire, a lâché gravement le mari de Claire, sans vergogne.
Après cela, jai demandé à mon mari, Antoine, de parler à sa sœur. Il ma écoutée. Les cousins ont vaguement promis de se tenir à carreau, Claire a juré de surveiller les siens. Mais rien na changé.
Je suis convenue avec Lison quelle ne devait pas se laisser embarquer. Elle a tenu parole. Eux, non. Un après-midi, ils sont venus une nouvelle fois, ont démoli le cerisier du jardin : ils voulaient faire un feu, pique-niquer, et, faute de bois, ont arraché les branches.
Là, jai décidé : ma fille ne fréquenterait plus ses cousins.
Tu nautorises même pas ta fille à voir ses cousins ? Mais enfin, ils sont de la famille, a grondé ma belle-mère, les larmes aux yeux.
Elle na pas besoin de tels amis, ai-je soufflé, glaciale.
Apprends-lui donc à prendre les devants, à ne pas suivre aveuglément, a lancé Claire, ironique.
Je nai pas répondu. Je nai pas honte de léducation que je donne à Lison. Cest Claire qui devrait se remettre en question. Ma fille a suffisamment damies, elle ne manque ni de tendresse ni dattention. Jai la certitude davoir fait le bon choix.
