Grand-mère Maïa fit un cauchemar Sa défunte mère linvitait à se goinfrer de tartes en répétant «Mange, ma petite fille». Maïa avalait, mais jamais elle ne pouvait être rassasiée. Au petit matin, elle se réveilla en sueur. Si les défunts vous nourrissent en rêve, cest mauvais signe, se dit-elle. Elle alluma son ordinateur, chercha un article et découvrit quun moine bouddhiste affirmait que cela annonçait moins de deux semaines de vie. Quitter ce monde si beau, même à son âge avancé, ne lui plaisait pas. «On a encore le temps dy profiter», se dit-elle. La tête lui tournait dun mélange de mélancolie et de paniquela vie file à toute allure. Elle décida alors de faire preuve de courage, daccepter linévitable, et déchira en mille morceaux les vieilles photos. Au final, qui en aurait besoin? Le soleil brillait dehors, pourquoi ne pas sortir pour chasser la morosité? Après sêtre habillée, elle descendit au hall et entendit le cri dun bébé provenant de lappartement voisin. Dans cet immeuble, chaque bruit résonne comme un klaxon. Quel drame pour ce petit? Maïa resta à lécoute. Derrière la porte vivaient un jeune couple en location: une petite fille de quatre ans, et la femme enceinte du second enfant. La fillette sanglotait sans quon la console. Quelque chose devait se passer. Elle frappa; un homme à la mine blême ouvrit la porte, pâle comme un drap de morgue. Il raconta, tout penaud, que laccouchement venait de commencer, que sa femme avait failli y laisser le champ libre et quelle avait prédit quelle ny survivrait pas. Il lavait accompagnée jusquà la voiture, où ils sétaient dit adieu. Quand il sapprêtait à pleurer, ils se précipitèrent chez Maïa, droit à la cuisine. Dabord il fallut calmer la fillette; la grand-mère versa dans un verre cristal du jus de fruits rouges et dit: «Tu vois les petites baies dessinées sur le verre? Elles flottent, cest bon signe. Bois, ma petite.» Pourquoi cest bon? Maïa ne sut pas répondre. Mazarine se calma, mais observait tout autour, tout était inconnu. Son père, Alexandre, était aussi dans la cuisine, assis, figé comme une statue. Maïa prit la petite main et déclara: «Viens, je te montre mon monde». Ils parcoururent lappartement, Alexandre suivant leurs pas. Maïa pointa un portrait: «Voilà mon grandpère, ancien soldat.» Mazarine scruta le visage inconnu, Alexandre, curieux, ne pouvait cacher son intérêt. Ils sarrêtèrent devant une étagère débordant de figurines en porcelaine: un écureuil, un lapin, un cygne et plusieurs oiseaux. Mazarine les examinait, les tendait à son père qui les manipulait avant de les remettre en place. Elle choisit lécureuil. Alexandre le contempla à nouveau: «Joli! Tu pourras jouer avec plus tard.» La visite sacheva. La maîtresse de maison proposa à manger. Les trois revinrent à la cuisine, Alexandre et Mazarine sassirent à la table, mais le père se rappela quil navait pas encore lavé ses mains. MaïaFinalement, tous sendormirent en rêvant que la prochaine tarte serait au citron, signe que la vie continuait de façon savoureuse.
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