**Le Neveu Abandonné**
— Camille, je ne te demande pas ton avis, je te mets simplement devant le fait accompli ! — vociféra Monique, sa belle-mère.
— Eh bien, moi aussi je vous mets devant le fait accompli : peu importe vos plans fantaisistes, cela ne me concerne pas, — répliqua Camille, un sourire glacial au coin des lèvres.
— Hugo va venir vivre chez vous, — décréta Monique.
— Non, jamais de la vie, — répondit Camille avec assurance en posant, de manière un peu mécanique, une assiette de petits sablés devant sa belle-mère. Ce geste tenait plus à la politesse quà une réelle intention daccueil.
Sérieusement, pourquoi débattre de quelque chose qui navait même pas lieu de se discuter ? Ni Camille, ni son mari, Marc, ne sétaient portés volontaires pour endosser le rôle de tuteurs dun autre enfant.
Monique lui lança un regard noir, chargé de dédain.
— On verra bien, — souffla-t-elle avec venimosité. — Le temps montrera qui aura le dernier mot.
— Oh, je peux vous prédire lavenir : ce sera moi, — rétorqua Camille en redressant le dos. Son regard, acéré comme une lame, croisa celui de Monique. Le duel des regards était gagné, Monique finit par détourner les yeux.
— Mais qui va soccuper de ce pauvre petit si ce nest vous ?
— Tiens, son père, peut-être ? suggéra Camille avec ironie.
— Sébastien nen est pas capable…
Sébastien, soyons honnêtes, navait même jamais essayé de sen montrer capable.
— Eh bien, vous alors, si ça vous tient tellement à cœur.
— Mais un enfant ne peut pas être élevé par sa grand-mère !
— Parfait. Alors, fin de la discussion, — Camille leva les mains, comme pour signifier que la liste des options viables était visiblement épuisée.
— Très bien, Camille, ma chère belle-fille, — Monique changea de tactique et sadressa à son fils, Marc, qui paraissait figé entre sa femme et sa mère, tel un pantin tiraillé par deux marionnettistes opiniâtres. Dis quelque chose, toi ! Hugo est ton propre neveu. Vous avez déjà une fille, Mathilde, cette petite merveille. Un second enfant, cest rien de plus, vous verrez, cest même plus simple : les enfants se tiennent compagnie, et vous vous demanderez bientôt comment vous avez pu vivre avec un seul.
Camille avait déjà énoncé ses arguments : sils souhaitaient un deuxième enfant, ils en auraient un eux-mêmes lorsquils se sentiraient prêts. Mais, pour linstant, cétait prématuré.
Marc, bien que figé sous la pression maternelle, osa enfin ouvrir la bouche.
— Hugo a des parents, maman, — dit-il faiblement, en essayant de ménager la susceptibilité de sa mère.
Monique poussa un soupir théâtral.
— Tu le sais très bien, Marc, que Léa, cette ingrate, est partie on ne sait où. Elle a laissé Hugo avec Sébastien et, lui… elle laissa échapper une larme ou deux, comme un mélodrame en pleine scène tragique Sébastien joue à des jeux vidéo toute la journée ! Quel genre de père peut-il être ? Surtout sans femme à ses côtés ! Il ne peut pas y arriver tout seul.
Camille esquissa un sourire discret. Bien sûr, Sébastien sans femme, quelle tragédie ! Mais Hugo avait déjà un an et demi. Pendant tout ce temps, Sébastien navait rien appris. Cétait Léa qui soccupait de tout. Camille pouvait compatir à la fuite de Léa, même si elle napprouvait pas lacte.
— Aidez-le, vous alors, — répliqua Marc avec diplomatie, montrant quil était prêt à participer en soutenant de loin, mais en aucun cas à prendre toute la charge sur lui.
Camille admirait la fermeté de son mari, même si, parfois, elle trouvait cette droiture un peu… brutale. Mais au moins, il résistait à la douce tyrannie de sa mère.
— Monique, on en a parlé avec Marc, — reprit Camille en voyant son mari vaciller légèrement sous les assauts. Nous ne pouvons pas prendre Hugo. Nous avons Mathilde, et nous voulons donner le meilleur à notre fille. Ajouter un autre enfant dépasserait nos capacités. Ce nest pas possible. Ne nous forcez pas.
Mais Monique avait ses propres convictions.
— Forcer ? Mais de quoi parlez-vous ? Je ne vous force pas, je vous supplie, comme on le fait entre proches. Et ce nest pas comme si je venais vous prendre vos derniers sous. Juste héberger un enfant, cest tout. Hugo ne peut pas grandir avec une vieille dame comme moi.
— Maman, — tenta prudemment Marc. Vraiment, on ne peut pas. Pas maintenant.
Ils auraient peut-être pu envisager la chose si Mathilde était plus grande, sils avaient plus despace… mais ce nétait pas le cas.
Monique partit finalement, vaincue pour la journée, mais certainement pas battue à long terme.
Et ainsi continua leur quotidien…
