Encore toi avec tes histoires ? Ici, c’est moi le maître de maison – c’est moi qui décide qui s’installe, et qui part. Fais attention, tu pourrais bien être celui qui déménage… — Toi ? — ricana Ivan. — Tu te rappelles qui est le vrai propriétaire, ici ? *** Un matin parisien plein de tensions dans leur appartement, comme toujours : le soleil brille sans éclairer vraiment la chambre d’Ivan, rendu irritable par une nuit blanche. Son père, Michel, alias Misha, tonitrue déjà dans le couloir, exigeant de l’argent sous prétexte d’impressionner Ludivine lors d’un dîner au restaurant. Mais Ivan n’est plus prêt à financer les caprices paternels, et rappelle calmement à son père que l’appartement appartient à lui, grâce à sa grand-mère Anne, qui n’a jamais eu confiance dans les dépenses inconsidérées de son fils. Michel fait mine de s’offusquer, mais doit se rendre à l’évidence : Ivan est le vrai maître des lieux. Le soir, Ivan rentre du travail et découvre l’appartement envahi par la joyeuse bande de son père et Ludivine, mais il décide enfin d’affirmer ses droits et demande à tout le monde de partir. Les tensions montent : Michel ne supporte pas que son fils ose le mettre à la porte, devant ses amis. Le lendemain, après une nuit agitée, Ivan tente de faire un geste vers la réconciliation en donnant à son père de l’argent pour son rendez-vous, mais le doute et la lassitude persistent. Lorsque Michel annonce que Ludivine va s’installer à la maison, la situation explose : Ivan s’y oppose fermement, rappelant une nouvelle fois qui est le vrai propriétaire. Michel menace alors de mettre son fils à la porte. Quelques jours plus tard, Ivan retrouve ses affaires éparpillées sur le trottoir sous les fenêtres de l’immeuble. Michel a changé les serrures. Grâce à l’aide de sa voisine Catherine, Ivan trouve refuge chez elle, puis fait changer les serrures à son tour, entassant les affaires de son père et Ludivine dans des sacs sur le palier. Quand Michel revient réclamer ses droits, Ivan lui claque la porte au nez : «Ici, désormais, c’est vraiment chez moi.» Fatigué mais soulagé, Ivan partage un moment de simplicité et de réconfort autour d’un gâteau aux gaufrettes avec Catherine, heureux d’avoir enfin retrouvé la paix dans SON appartement parisien.

Encore toi avec tes histoires ? Ici, cest moi le maître des lieux cest moi qui décide qui emménage et qui sen va. Fais gaffe, des fois quon finisse par te voir déménager, toi

Toi ? Édouard ricana, Tu as oublié qui commande, ici ?

***

Le matin dans leur appartement sétirait comme un chat paresseux, moustaches dans le soleil, mais sans chaleur ni amabilité. Un de ces matins où la lumière sétale dans la chambre dÉdouard, sans parvenir à en chasser lombre. Peut-être parce quil navait pas bien dormi, Édouard. Toute la nuit, il sétait retourné, plongé dans des pensées cotonneuses, puis debout, puis affalé à nouveau, cherchant dans lédredon un abri provisoire. À peine avait-il retrouvé la densité du sommeil quune voix séleva, sombre et rauque, dans le couloir.

Édouard ! gronda un ton autoritaire, Tes où ? Sors, nom dun chien ! TU DORS ENCORE ?

Édouard poussa un gémissement accablé et se replia sous son oreiller, tel un escargot effrayé. Encore lui, son père, Gérard Dupuis Gérard tout court pour les intimes fidèle à son rituel matinal. Et il nétait même pas huit heures.

Je me prépare pour le travail, papa, marmonna Édouard, les paupières scellées, Je vais finir par être en retard.

En réalité, il lui restait encore une heure de répit, une heure de sommeil dont il avait cruellement besoin.

Le travail, tu parles ! Gérard était déjà dans lembrasure, semblant culminer à deux mètres alors quil nétait même pas grand, Travail… tu tétends là, flemmard… Debout ! Jai besoin deuros !

Édouard se redressa à demi. Largent. Toujours la même rengaine.

Pour quoi faire ? demanda-t-il, bien qu’il connaissait déjà la réponse.

Tu es bien naïf, soupira Gérard de façon théâtrale, Faut tout texpliquer, hein ! Je voudrais emmener Solange au restaurant. Il faut bien limpressionner, tu comprends ? Elle est… comment dire pas facile à surprendre. Une simple balade ne suffira pas.

Évidemment, pas facile à surprendre voulait dire que Solange nétait jamais contre dépenser largent des autres, sinon Gérard pour elle nétait quun hérisson sans ses piquants.

Gérard semblait désormais avoir perdu toute mesure. Tout ce quil gagnait filait dans ses impressions, et après venaient les demandes, ou plutôt les exigences, comme une pluie acide.

Papa, jai presque rien pour moi, tenta Édouard comme pour négocier, méthode bien rodée, Juste de quoi tenir la semaine, payer les tickets de métro et les déjeuners. Tu as oublié la plomberie à changer ?

Il sétait vraiment serré la ceinture dernièrement, et navait plus envie de financer la vie de bohème de son père.

Quoi, presque rien ? Gérard haussa les sourcils comme si cétait Édouard qui lui mendiait, Cherche alors. Cest pour ton père ! Dailleurs il fouilla dans le portefeuille dÉdouard, Je suis chez moi ! Largent sous mon toit, cest le mien ! Cest compris ? Tu feras ce que je dis, et je prendrai ce que je trouve.

Ô surprise, le portefeuille était vide. Édouard ne gardait que sa carte.

Où est largent, dis-moi ? Où sont MES sous dans MA maison ?

Édouard eut un sourire narquois.

Cest vraiment chez toi, ici, papa ? Tu en es bien sûr ?

Son père cessa soudain de fouiller ses affaires, et son arrogance vacilla.

Quest-ce que tu racontes ? marmonna-t-il.

Ce que tu sais très bien, Édouard sassit sur son lit, goûtant sa victoire, Cest lappartement de grand-mère. Elle me la légué, justement parce quelle savait comment tu dilapides tout Elle savait que sur toi, on ne pouvait compter pour rien.

Mamie Suzanne était une femme lucide. Elle avait vu son fils vendre une voiture cadeau et tout perdre en une semaine. Heureusement, Édouard, déjà adulte, avait pu laider à sortir de ses dettes.

Cest là que Suzanne avait tout officialisé : lappartement, cétait à Édouard. Cest lui qui payait factures, épicerie jusquaux pantoufles de papa. Gérard, lui, ne venait que pour manger, dormir et réclamer.

Alors, papa, Édouard se leva, adulte enfin, Ici, le patron, cest moi. Si tu veux inviter Solange, cherche ailleurs.

On aurait dit que Gérard voulait crier, mais il lui manqua les mots. Sa colère se vaporisa en un sifflement muet.

Tu ten souviendras

Compte là-dessus. Surtout quand tu iras piocher dans mon frigo. Tu nachètes rien dutile, ici. Souviens-toi, oui.

Ce nétait pas facile Édouard, bien sûr, aimait encore son père. Mais il ne pouvait plus être son domestique. Il était le maître des lieux que cela plaise ou non.

Le soir venu, résonna à nouveau la plainte paternelle.

En rentrant, Édouard trouva une petite troupe dans la cuisine. Gérard, bien installé, la bouteille joyeuse ; tout autour, ses amis. Solange gloussait à mi-voix.

Voilà mon fils prodigue ! clama Gérard, Faites-lui place ! Lui qui me cache largent et me vire de chez moi ! Voyez, mes amis, son ingratitude ! Il joue au propriétaire !

Édouard sarrêta au seuil, vidé, mais pas de colère : dune lassitude grise, profonde.

Papa, lança-t-il, Cest quoi ce bistrot que tu as monté ici ? Je tolère plus tes amis chez moi. Merci de tous sortir. Demain je me lève tôt.

Les convives sagitèrent, lun se leva, mais Gérard, dun geste sec, les retint :

Quoi, tu vires mes invités ? Chez moi ? Tu commences pas un peu tôt, là ?

Mais Édouard, dans sa tête, trouvait ça pile à lheure.

Dans mon appartement, papa, corrigea Édouard, et lair changea, Je vous prie de partir. Toi, reste si tu veux. Mais tes copains, non.

Tous regardaient Édouard. Solange blêmissait, cramponnée à Gérard. Les autres, dabord goguenards, se renfrognèrent à leur tour.

On y va, les gars, grogna lun, se levant.

Oui, Gérard, ça commence à suffire, renchérit un autre.

Gérard, furieux de se voir lâcher, siffla :

Tu me fais honte devant tout le monde Un fils qui fait la leçon à son père !

Et si le père, même vieux, na rien appris ?

Tu verras, tu vas ten mordre les doigts !

Mais Édouard lignora ; il se retrancha dans sa chambre, ferma la porte, sallongea. Il savait que demain serait pire. Son père ferait du théâtre ou reviendrait avec la clique, mais ce serait demain. À cet instant, il ne voulait plus que dormir.

Le matin, même lumière, mêmes ombres. Édouard ny prêtait pas attention.

Gérard boudait. Tel un fantôme grognon, il errait, traînant ses pantoufles. Sentant que, peut-être, la veille, il était allé trop loin, Édouard décida denterrer la hache de guerre.

Papa appela-t-il alors que Gérard passait devant sa chambre. Son père sarrêta, muet, Excuse-moi Hier, jai sûrement exagéré devant tes amis. Mais tu sais, ce nétait pas contre toi Jétais juste fatigué en rentrant. Jaurais pas dû faire ça devant tout le monde, ça nuisait à ton autorité.

Édouard sortit quelques billets de son portefeuille.

Tiens, lui tendit-il, Prends pour le restaurant. Amène Solange.

Gérard se retourna lentement.

Vraiment ? Un sourire radieux envahit son visage.

Vraiment, confirma Édouard.

Gérard sempara des billets.

Parfait ! Jen étais sûr, que tu finirais par comprendre !

Il séclipsa aussitôt pour se préparer. Édouard le regarda faire, mais son cœur, lui, restait lourd. La paix était revenue, mais le malaise persistant.

Toute la journée, Édouard ressassait une seule question : continuer ainsi ?

Vivre avec un père éternel ado, cétait au-dessus de ses forces. Partir ? Mais cétait SON appartement ! Payer un loyer ailleurs ? Absurde. Mettre son père à la porte ? Durement humain. Cest son père, tout de même

Pensées tournoyantes, nulle issue.

À bout, Édouard sassoupit le soir venu. La nuit précédente avait laissé des traces, sonores, dans tout son corps.

Son père revint tard, accompagné, bien sûr.

Édouard ? Tu dors ? Gérard, habillé comme pour lopéra, posa sa tête à la porte, On ne fait que passer.

Solange apparut.

Bonsoir, Édouard sassit, agité.

Coucou Doudou, minauda-t-elle.

Donc, Gérard alla droit au but, On a décidé avec elle : elle emménage.

Édouard bondit.

Quoi ? Sûrement pas !

Gérard simmobilisa, bouche bée. Il avait cru quaprès des excuses, tout passerait.

Encore toi avec tes histoires ? Cest moi qui décide qui entre ici, ou non. Fais attention ou cest toi qui risques de te retrouver dehors !

Toi ? Édouard éclata dun rire désabusé, Tu te rappelles qui détient le titre de propriété, non ?

Tes papiers, je men fiche ! hurla Gérard, avant de radoucir pour Solange, Édouard, essaie de comprendre, maintenant, on va vivre ensemble. Où veux-tu quon se voie ? Sous des porches ? Jamène ma compagne, cest normal, non ?

Non, trancha Édouard. Et si tu tobstines, bientôt, il ny aura que moi ici.

Gérard en tremblait, humilié devant sa Solange son propre fils osait lui parler ainsi !

Très bien, siffla-t-il, On verra ça.

***

Le soir suivant, la réalité se dissout dans labsurde. En rentrant, Édouard distingue, sous sa fenêtre, un étrange tas coloré. Un bric-à-brac épars. En sapprochant, il reconnaît ses affaires. Vêtements, livres, chaussures dispersés sur lasphalte, sur la banquette, dans lherbe

Quest-ce que cest que… Il hâta le pas, la tête bourdonnante.

Il grimpa, paniqué, jusquà lappartement. La porte close. La clé ne tourne plus. Changement de serrure.

Papa ! hurla-t-il, Ouvre !

Fiche le camp ! beugla la voix de Gérard, Cest chez moi ! Je me fiche de tes papiers ! Jai déjà sorti tes affaires !

Je vais défoncer la porte !

Essaye !

Édouard comprit vite que laffrontement, ce soir, ne mènerait à rien. Chasse à la sauvage. Appeler la police ? Mais qui voudrait extirper Gérard Dupuis dune chambre en pleine nuit ? À régler le lendemain.

Et, ramasser ce fouillis !

Il dévala, bras chargés. Sur le trottoir, une partie traînait déjà. Et là, Camille la fille du troisième , penchée pour laider.

Ça va ? demanda-t-elle, relevant une écharpe, Pourquoi fait-il ça ?

Il a pété un câble, souffla Édouard, entassant ses jeans, Je lui ai interdit ses petits comités Mais cest mon appart Bref, cest long

Oh, Édouard Camille secoua la tête, Y a une chambre libre, chez nous, si besoin. Passe donc.

Merci, Camille, Édouard lui sourit, Je vais accepter, oui… Pas envie de finir à lhôtel et je compte bien reprendre mon logement bientôt.

Dormir chez Camille et sa mère, ce fut étrange et doux. Pour la première fois depuis longtemps, Édouard se sentit ailleurs, au chaud, en paix, loin du tumulte. On partageait le thé, les nouvelles, la porte close apportait le silence. Personne ne criait, personne ne demandait deuros.

Le matin, surveillant par la fenêtre que Gérard et Solange étaient partis, Édouard fila chez lui. Un serrurier arriva, quil appela aussitôt.

Voilà, il lui tendit carte didentité et documents numériques, Vous cassez la serrure, sil vous plaît. Cest à moi.

En deux temps trois mouvements, la porte était ouverte.

Édouard remercia :

Merci. Installez de nouvelles serrures, vite.

Le serrurier commença.

Édouard, sans tarder, rassembla les affaires de son père et de Solange. Il ne jeta rien par la fenêtre (même sil en mourait denvie), les plia en silence, dans des sacs, posés au palier.

Le dernier sac posé, quelquun tenta douvrir.

Quest-ce que cest que ça la voix de Gérard, La porte bloque ! Mince Ah non, nouvelle serrure ! Édouard, tes là ?

Ninsiste pas, répondit calmement Édouard, Tu nauras pas de clé, papa.

Tu mas mis dehors ?

Tu attendais quoi ?

Ouvre ! Mes affaires ! couina Solange.

Sur le palier, dit Édouard, surgissant, Retournez-vous. Tout y est, rangé. Je suis pas assez mesquin pour garder vos trucs ou les balancer, MOI.

Gérard tenta de forcer le passage, mais Édouard le bloque, solide comme un chêne face à la bourrasque.

Cest fini, papa, soupira-t-il, Et Solange aussi. Jai dit que ça nirait pas plus loin. Plus jamais je naccueillerai chez moi quelquun qui ma jeté dehors comme ça.

Gérard, à court darguments, cracha :

Je te traînerai devant les tribunaux !

Mais Édouard savait que nul tribunal ny changerait rien. Son père avait perdu.

Le soir, Édouard lessivait la troisième tournée de vêtements ayant traîné dans la rue, quand Camille arriva, un gâteau roulé à la main.

Salut, elle sourit, Je voulais tapporter un peu de douceur. Je peux entrer ?

Bien sûr.

Jimagine que lexplication avec ton père fut agitée

Agitée ? Édouard rit, Papa est parti de lui-même.

Tout seul ?

Oui. Tout seul, sourit-il.

Il raconta la suite.

Moi, dit Camille, jaurais balancé leurs valises par la fenêtre ! Tu es presque trop gentil.

Et là, ensemble, la soirée leur parut comme une éclaircie après la tempête, douce et chaleureuse, dans létrange réalité dun rêve français.

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Encore toi avec tes histoires ? Ici, c’est moi le maître de maison – c’est moi qui décide qui s’installe, et qui part. Fais attention, tu pourrais bien être celui qui déménage… — Toi ? — ricana Ivan. — Tu te rappelles qui est le vrai propriétaire, ici ? *** Un matin parisien plein de tensions dans leur appartement, comme toujours : le soleil brille sans éclairer vraiment la chambre d’Ivan, rendu irritable par une nuit blanche. Son père, Michel, alias Misha, tonitrue déjà dans le couloir, exigeant de l’argent sous prétexte d’impressionner Ludivine lors d’un dîner au restaurant. Mais Ivan n’est plus prêt à financer les caprices paternels, et rappelle calmement à son père que l’appartement appartient à lui, grâce à sa grand-mère Anne, qui n’a jamais eu confiance dans les dépenses inconsidérées de son fils. Michel fait mine de s’offusquer, mais doit se rendre à l’évidence : Ivan est le vrai maître des lieux. Le soir, Ivan rentre du travail et découvre l’appartement envahi par la joyeuse bande de son père et Ludivine, mais il décide enfin d’affirmer ses droits et demande à tout le monde de partir. Les tensions montent : Michel ne supporte pas que son fils ose le mettre à la porte, devant ses amis. Le lendemain, après une nuit agitée, Ivan tente de faire un geste vers la réconciliation en donnant à son père de l’argent pour son rendez-vous, mais le doute et la lassitude persistent. Lorsque Michel annonce que Ludivine va s’installer à la maison, la situation explose : Ivan s’y oppose fermement, rappelant une nouvelle fois qui est le vrai propriétaire. Michel menace alors de mettre son fils à la porte. Quelques jours plus tard, Ivan retrouve ses affaires éparpillées sur le trottoir sous les fenêtres de l’immeuble. Michel a changé les serrures. Grâce à l’aide de sa voisine Catherine, Ivan trouve refuge chez elle, puis fait changer les serrures à son tour, entassant les affaires de son père et Ludivine dans des sacs sur le palier. Quand Michel revient réclamer ses droits, Ivan lui claque la porte au nez : «Ici, désormais, c’est vraiment chez moi.» Fatigué mais soulagé, Ivan partage un moment de simplicité et de réconfort autour d’un gâteau aux gaufrettes avec Catherine, heureux d’avoir enfin retrouvé la paix dans SON appartement parisien.
Mon mari m’a quittée pour ma meilleure amie après ma fausse couche — trois ans plus tard, je les ai croisés dans une station-service et je n’ai pas pu m’empêcher de sourire.