Journal de Claire Biarritz, septembre
Je consigne ces lignes tout en respirant lair salin de lAtlantique qui entre par ma fenêtre. Cest drôle, il y a encore un an, ma vie paraissait bien différente
Jhabitais un spacieux trois-pièces à deux pas de la plage. Javais tout ce quil me fallait, même si, il faut lavouer, les pièces étaient loin dêtre immenses. Lorsque jai annoncé à mes amies que je troquais tout cela contre un petit studio, elles sont restées interloquées. Mais, une fois que jai expliqué mes raisons, tout leur a paru limpide.
« Les filles, vous ne pouvez pas imaginer à quel point la vie est reposante depuis que jai emménagé ici. Vivre à Biarritz, cest le rêve, bien entendu ! Mais ce rêve devient rapidement un cauchemar quand on fait partie dune famille nombreuse installée à Limoges ou à Dijon, qui rêve de vacances à la mer gratuites ! Chaque été, des cousins, leurs enfants, les cousins de cousins, tous débarquaient souvent sans prévenir, car, voyons, on est de la famille, pas besoin de sannoncer ! Ma porte restait à peine fermée quun nouveau groupe de « vacanciers » sinvitait. Fin juillet, mon appartement ressemblait à une colonie de vacances mal gérée. Et bien sûr, qui accueillait tout ce monde et dormait sur le canapé de la cuisine ? La proprio, autrement dit, moi ! »
Alors, oui, échanger mon trois-pièces contre ce studio de vingt mètres carrés fut une véritable délivrance. Je me félicite davoir fait ce choix. Depuis, lidée même de sentasser comme des sardines en boîte chez moi en rebute plus dun. Lété dernier, seuls les plus téméraires et ceux que javais moi-même invités, comme mon amie Aurélie que je navais pas vue depuis des lustres se sont manifestés.
Un jour, voilà que la cousine de ma mère mappelle, triomphante : « Nous arrivons dici quelques heures ! »
Je leur ai donné ma nouvelle adresse. Pas une once détonnement dans leur voix. Ils débarquent, tous les quatre ma cousine Élodie, son mari François, et leurs adorables enfants, Manon et Lucas.
« Salut, nous voilà ! »
Dans lentrée minuscule, ils réalisent soudain la vérité du lieu.
« Attends On nous avait dit que tu avais trois pièces ! On a même emmené les petits exprès pour profiter ! »
Je hausse les épaules, faussement innocente : « Vous avez été mal renseignés, jhabite ici maintenant. Mais pas de souci, il y a pas mal de petits hôtels tout proches ! »
« Ton amie ne pourrait pas, elle, aller à lhôtel ? » propose alors Élodie, en écarquillant les yeux. Mais non, finis les compromis ! Nous sommes serrés, mais la famille, cest la famille, hein ? Ah, ce refrain que jai tant entendu
Jai pris le temps de les conduire à leur hôtel. Depuis, fini les invités surprise, les draps entassés, et les nuits blanches. Enfin, je profite dun calme absolu et du doux luxe dêtre chez moi, rien quà moi.