Je me souviens encore vivement de cette époque, où j’ai promis avec fermeté : « Jamais plus je ne confierai mon fils à ma belle-mère ! »
Jusquà tout récemment, je considérais ma belle-mère comme une personne raisonnable et pleine de bon sens. Mais à peine trois petits jours auront suffi pour bouleverser entièrement cette opinion.
Nous avions laissé notre petit garçon chez ses grands-parents, à Paris, alors quil n’avait que quelques semaines. Loccasion rêvée dune courte escapade de trois jours en Bretagne, histoire de souffler un peu. Je souhaitais me reposer de la routine ménagère, et mon mari, Paul, voulait séloigner un peu de la pression de son travail au bureau.
Avant de partir, javais pris grand soin de rédiger, pendant près de deux heures, une liste détaillée d’instructions à l’intention de ma belle-mère. Javais mis lemphase sur lalimentation de notre fils, sur les activités à partager avec lui. Je précisais quels jeux déveil utiliser, javais noté le numéro de notre pédiatre, la docteure Delacroix, qui avait accepté de venir immédiatement si jamais la grand-mère appelait.
Nous avions également tout préparé pour les parents de Paul : lait infantile, couches, une trousse de premiers secours soigneusement confectionnée, jouets et de nombreux livres denfants.
Durant le voyage, une légère inquiétude ne ma pas quittée. Mais le séjour est vite passé, et à notre retour Nous avons retrouvé un petit garçon silencieux, presque recroquevillé, les yeux grands ouverts. À peine avions-nous franchi le seuil que la grand-mère sapprocha précipitamment : « Attention de ne pas trébucher ! » lança-t-elle dun ton affolé. Dans un coin, japerçus le sac des provisions que nous avions apportées, intact. Juste à côté, la pochette de livres, fermée.
Surprise, jexaminais la pièce du regard. Ma belle-mère, devinant mes interrogations, déclara avec un sourire :
« Nous avons décidé de ne plus sortir faire les courses.
Ah bon ?
Oui, car nous avons aussi décidé de manger tous ensemble !
Comment cela ?
Michel doit rapidement shabituer à notre cuisine dadultes. »
Je métonnai :
« Vous avez lu toutes les consignes que j’ai laissées ?
Jen ai lu un début, mais il y en avait tant
Quand las-tu couché durant la journée ?
Michel ne voulait pas dormir, il jouait, alors pas de sieste. Cet après-midi, je lui ai donné une côtelette.
Une côtelette de porc ?
Bien sûr ! Avec du filet mignon frais du marché Saint-Germain. Elles étaient fondantes ! »
Jen restai bouche bée. Ce nourrisson se voyait déjà servir des côtelettes, alors qu’il aurait dû faire la sieste ! Et ce nétait que le début : voulant économiser sur le prix des couches (si chères en euros !), ma belle-mère nen utilisait plus que deux par jour, matin et soir. Plutôt que de lui lire des histoires, elle laissait Michel jouer seul, verrouillait toutes les fenêtres et fermait le balcon « attention aux courants dair ! », répétait-elle, et pour le coucher, elle sacharnait à le faire rester allongé, les yeux fermés, deux longues heures avant de dormir.
Il nous fallut ensuite un mois entier à la maison, à Versailles, pour remettre notre petit sur les rails, comme avant ce séjour chez la grand-mère. Nous avons repris nos routines, banni le chocolat et les confiseries. Le plus difficile fut de rétablir le sommeil : il fallut dix jours pour retrouver un rythme normal, et le soir, le petit clown ne manquait jamais de protester encore un peu.
Jai tenu bon : « Plus jamais ! » Mon époux ma soutenue dans cette résolution, même s’il na jamais dit à sa mère ce quil pensait vraiment.
Alors, chères mamans, réfléchissez-y à deux fois ou même sept avant de laisser, ne serait-ce que quelques jours, vos enfants chez leurs grands-mères !

