La Voisine Malicieuse

Élise regardait laînée, perplexe:
Je nai toujours pas compris ce que vous voulez?

Je suis venue faire connaissance, et je vous ai amené des crêpes pour le petitdéjeuner. Je suis votre voisine, Catherine Dupont.

À sept heures du matin?

Il faut se préparer pour le travail, nestce pas? Les gens normaux prennent le petitdéjeuner avant daller bosser.

Élise ne se considérait pas comme «normale». Elle travaillait de nuit, se levait à midi. Illustratrice, elle ne trouvait ses meilleures idées que dans le silence nocturne. Elle regrettait que la voisine leût réveillée ; elle savait quelle ne reverrait plus le sommeil et que sa productivité du jour serait nulle.

Entrez, je ne vais pas à mon travail, alors je peux bien prendre un thé avec vous, répondit-elle.

Catherine ne tarda pas à être persuadée. Seule, elle aimait toujours la conversation.

Élise, vous êtes nouvelle dans limmeuble? Je navais pas vu de nouveaux visages depuis que les Moreau ont quitté lappartement.

Ils ont laissé le logement vide pendant des années, alors quon aurait pu le louer et percevoir un loyer.

Cest exactement ce que jai fait! Jai acheté le studio pour vivre loin de mes parents. Voilà pourquoi je suis ici.

Moi, je suis là depuis mon mariage

Catherine raconta sa vie pendant deux heures. Élise, fatiguée, ne pouvait pas la renvoyer, la politesse len empêchait. La vieille dame était douce et bienveillante, mais un peu trop bavarde. Voyant Élise bailler, la voisine se prépara à partir.

Oh, je vous dérange! Je retourne à la maison, nhésitez pas à venir! Je suis toujours là, même si mes jambes ne sont plus ce quelles étaient.

Après ce départ, Élise décida de se promener dans le quartier quelle ne connaissait pas. Depuis longtemps, elle voulait quitter le domicile parental ; ses parents refusaient daccepter son travail nocturne, arguant quelle les empêchait de dormir. Elle dessinait tranquillement dans sa chambre, mais ils prétendaient vouloir se débarrasser de leur fille dun certain âge. À vingtsept ans, elle navait jamais pensé à vivre seule, tout lui convenait.

Toutefois, lan dernier, sa mère commença à la critiquer à tout va: «Tu dors trop longtemps, tu ne vas jamais au marché, tu ne cuisines pas, tu ne vas jamais à la campagne». Chaque reproche dégénérait en dispute, rendant la cohabitation impossible. Dès quune bonne occasion se présenta, elle partît sans hésiter.

De retour de sa promenade, Élise navait plus envie de dormir et tenta de travailler, mais échoua. Un nouveau coup de sonnette retentit.

Élise, allons déjeuner, je mennuie toute seule.

Jallais travailler Bon, daccord, allons.

Ce jourlà, elle ne sassit jamais à son bureau. Heureusement, les délais nétaient pas urgents, ce qui lui permit de prendre un peu de repos. Le lendemain, le même bruit se fit entendre, mais cette fois ce nétait pas la porte qui était frappée, cétait le mur.

Laissezmoi! On ne va même pas pouvoir dormir ici!

Le bruit ne cessait pas ; elle décida de prendre son petitdéjeuner et, peutêtre, de travailler dans un café du coin. Le petit café était charmant, mais Élise soupira.
Quelques jours loin de ses parents déjà, elle regrettait la maison familiale. Elle voulut appeler sa mère, mais renonça rapidement, anticipant la réprimande qui suivrait. Au café, les clients la dérangeaient sans cesse; elle naimait pas travailler dans le vacarme, elle avait besoin de silence.

En remontant à son appartement, elle croisa de nouveau Catherine.

Oh, on vous a réveillée, nestce pas? Mon petitfils était venu installer une étagère, mais il ne peut travailler que le soir.

Vous mavez réveillée, avoua Élise en marmonnant.

Cette cohabitation commençait à lirriter. Le jour passa vite ; ses dessins ressemblaient à du gribouillage. La vie indépendante semblait une folie, et lenvie de revenir à la routine la gagnait. Le jour suivant, elle passa toute la journée à travailler sans répondre aux coups de porte ou aux appels de Catherine.

Le soir, un crissement de porte retentit. En regardant le hall, Élise resta sans voix: au lieu de la porte, il ny avait plus quun trou béant.

Oh, ma petite, je me suis tellement inquiétée! Tu nas pas répondu, je pensais que quelque chose était arrivé. Jai appelé un artisan, quel désastre! Nous allons tout réparer.

Élise était muette, prête à crier contre la vieille dame, mais elle semblait vraiment soucieuse delle. Lintervention dura jusquà minuit, et le paiement de lartisan fut le double du tarif habituel.

Les jours suivants furent calmes. Catherine était chez des proches et ne dérangea plus Élise. Celleci redoutait le retour de la vieille dame, mais les nouveaux désagréments arrivèrent rapidement. Le petitfils de la voisine, Victor, arriva avec sa musique qui résonna tout le jour.

Tu peux baisser le son? lança Élise, à bout de patience.

Ah, cest Victor qui te dérange? Mets des bouchons doreilles, rien ne passera. Ne tinquiète pas, il partira bientôt.

Victor ne quitta limmeuble que sept jours plus tard. Pendant ce temps, Élise ne fit que se promener ou dormir, impossible de rester chez elle. Un mois après son installation, elle voulait fuir sans regarder en arrière.

Madame Dupont! Pourriezvous ne plus venir? Vous ne me laissez pas dormir le jour ni travailler le soir!

Si jai besoin de quelque chose, jirai vous voir, réponditelle avec force.

Catherine resta pensive, puis séloigna. Élise pensa enfin à un quotidien paisible. Mais au petit matin, la sonnette sonna à nouveau.

Madame Simon?

Oui?

Je suis le brigadier du quartier, Lucien Morel. Nous avons reçu une plainte à votre sujet.

Sur moi? Mais je ne fais rien de mal!

Les voisins disent que vous faites du bruit la nuit, que vous les menacez.

Élise, incrédule, rétorqua: «Qui donc me dit que je les empêche de vivre?» Catherine sortit de son appartement:

Bonjour, Brigadier! Cette voisine bruyante nous cause du souci. Les propriétaires ne veulent même plus répondre au téléphone.

On va arranger ça. Puisje entrer?

Élise sécarta. La vieille dame voulut aussi entrer, mais le brigadier la retint.

Vous reposez, Madame Dupont, je moccupe de tout.

Vous devez être plus sévère avec les jeunes!

Élise ne pouvait comprendre comment la douce voisine sétait transformée en une furie. Le brigadier, jeune et courtois, ajouta:

Vous devriez partir dici, Élise. Cette vie ne vous donnera rien.

Qui ne vous donnera rien? demanda la voisine.

Elle, Madame Dupont.

Le brigadier raconta alors lhistoire des Moreau, anciens occupants qui avaient décidé de vendre lappartement pour sinstaller ailleurs. Catherine avait immédiatement voulu lacheter pour son petitfils, mais les Moreau refusèrent catégoriquement. Après des années de tolérance, ils décidèrent de se venger. Ils ne purent vendre le bien, et lorsquils cherchaient des acheteurs, Catherine transformait lentrée en dépotoir, même en invitant des sansabri, décourageant ainsi toute acquisition.

Peutêtre que je resterai ici, déclara Élise, les yeux brillants. Si je parviens à gérer cette vieille femme, je pourrai tout affronter!

Le brigadier la regarda tristement et séloigna, voyant que lenthousiasme de la jeune femme ne mènerait à rien de bon.

Malgré tout, Élise réussit. Dabord, elle contacta les Moreau et négocia lachat de lappartement. Ils furent soulagés de se débarrasser de ce bien et acceptèrent, même si elle dut contracter un prêt. Ensuite, elle se fit connaître de tous les voisins et, subtilement, fit savoir que Catherine était très fragile et avait besoin daide. Elle alerta les services sociaux pour la vieille dame solitaire.

Surprise, Catherine reçut de nombreuses visites, des offres daide et de soutien. Dabord refusante, elle finit par accepter ; elle joua le rôle de la femme vulnérable, appréciant lattention collective.

Élise put enfin travailler tranquillement, réconcilier avec ses parents, aménager son appartement et même commencer une vie sentimentale; le brigadier devint un visiteur fréquent. Quand ils croisaient Catherine, celleci faisait un clin dœil et disait:

Ah, Élise! Quelle ruse!

Ainsi, Élise comprit que la persévérance et la capacité à transformer les conflits en opportunités permettent de surmonter les obstacles les plus inattendus. Cest en cherchant lentraide et en restant fidèle à soimême que lon trouve la vraie liberté.

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