Je n’ai pas laissé ma belle-mère imposer ses caprices dans ma propre cuisine et je lui ai montré la porte.

Je ne supporte plus les caprices de ma bellemère dans ma propre cuisine et je pointe la sortie.

Tu nas encore pas fait revenir les betteraves? la voix de Catherine Dubois éclate comme un verdict de juge suprême, immuable. Je te lai répété cent fois, Mireille: sans faire revenir les betteraves, la soupe nest quune eau rouge. Pardon, mon Dieu. Sébastien ne mangera jamais ça.

Mireille se fige, le couteau à la main, devant les bâtonnets de betterave rangés sur la planche. Une vague de colère monte, celle quelle étouffe depuis trois jours, depuis que ma bellemaman a décidé de «rester» et daider le jeune couple à la maison.

Catherine Dubois, tente de parler Mireille, calme, sans se retourner pour éviter le visage de la vieille femme, empreint de pitié et de condescendance. Sébastien mange ma soupe depuis cinq ans et il ne sest jamais plaint. Nous essayons de manger sainement, pas de friture grasse.

Exactement! siffle la bellemaman, faisant claquer les couvercles de casserole comme si elle jouait du tambour. Vous vous gâtez à la mode et vous affamez votre mari. Regardez-le, il est tout pâle, on a peur de le voir. Il a besoin de force, il travaille, et vous lui servez de la betterave cuite. Donnezmoi la poêle.

Sa silhouette imposante, vêtue dun tablier floral quelle a rapporté de sa région («les tissus de vos cuisines sont trop courts»), sabat sur Mireille comme un nuage dorage. Catherine Dubois la pousse dun revers de hanche, sempare dune bouteille dhuile dolive et verse généreusement la moitié dun verre dans la poêle.

Catherine! Que faitesvous? tente de reprendre Mireille le contrôle, mais la bellemaman a déjà jeté les betteraves dans lhuile bouillante, et lair frais de la cuisine, parfumé à laneth, se remplit dune fumée âcre et brûlée.

Je tinstruis tant que je suis en vie, déclare solennellement Catherine en remuant avec la spatule. Les oignons doivent être plus gros, ajoutez du lard. Vous avez du lard? Vous navez que du yaourt dans le frigo. Quelle honte.

Mireille se retire vers la fenêtre, les poings crispés jusquà blanchir les jointures. Cest sa cuisine, son territoire. Elle a acheté cet appartement avant le mariage, a payé le crédit, a renoncé aux vacances et aux nouvelles robes. Elle a choisi le mobilier ivoire, les rideaux, les pots dépices parfaitement rangés. Et maintenant, dans son sanctuaire, une femme qui croit que la mayonnaise est la meilleure sauce et que la propreté signifie une odeur de javel qui brûle les yeux, sinvite.

Le soir, quand Sébastien rentre du travail, une tension lourde plane, brisée seulement par le cliquetis dune cuillère contre une assiette. Catherine Dubois observe son fils avec tendresse.

Alors, Sébastien? Cest bon? lui demande-telle, les yeux pétillants. Enfin, un vrai repas, tu ne maigris plus à cause des régimes de Mireille.

Sébastien, sentant la tension, balaye du regard sa femme et sa mère. La soupe est grasse, trop salée, loin de ce quil aimait, mais il craint de froisser sa mère plus que doffenser sa femme.

Cest bon, maman, merci, marmonneil, engloutissant le bouillon avec un gros morceau de pain.

Mireille se lève, dépose son assiette intacte dans lévier et quitte la cuisine. Elle a besoin de respirer. Elle sait que cette visite est de courtoisie: la mère vit à Lyon, est venue pour une semaine et pour un contrôle médical. Elle doit supporter, simplement supporter, pour Sébastien.

Le lendemain matin, la patience sépuise.

Mireille séveille au son dun grincement rythmique provenant de la cuisine. Il est sept heures. Sébastien ronfle encore. Enfilant son peignoir, elle savance.

Ce quelle voit la fige. Catherine Dubois se tient au lavabo, frottant la poêle antiadhésive de Mireille avec une éponge métallique, comme si cétait la meilleure façon de la nettoyer.

Bonjour, lance la bellemaman, sans sarrêter. Je viens faire la vaisselle, tu las mal lavée hier, il reste de la graisse et du noir au fond. Je vais tout faire briller, comme les yeux dun chat.

Catherine! crie Mireille, sélançant vers lévier et arrachant la poêle des mains de la vieille femme.

Le revêtement est détruit. Dénormes rayures déchirent la surface noire, exposant le métal. Une poêle qui coûtait 120 devient un morceau daluminium inutile.

Quavezvous fait? murmure Mireille, horrifiée. Cest du téflon! On ne le frotte pas avec du métal! Jai acheté des spatules en silicone!

Oh, arrête! balaye Catherine, essuyant ses mains sur un torchon immaculé, laissant des traces grisâtres. Les casseroles doivent être en fonte ou en aluminium, quon puisse les frotter avec du sable. Cest une plaisanterie. Et puis, tu devrais me remercier, je me lève tôt pour mettre de lordre.

Mireille balaye du regard le désordre. «Lordre» pour Catherine signifie tout renverser. Les pots dépices quelle avait classés par ordre alphabétique sont entassés dans un coin, remplacés par des sacs de céréales ligotés. La précieuse machine à café est rangée au fond, et au centre du plan de travail trône une vieille marmite émaillée apportée par la bellemaman.

Pourquoi avezvous déplacé mes affaires? tremble Mireille.

Cétait inconfortable! sexclame Catherine. Le sel doit être à portée de main, pas dans le placard. Et le moulin à café, il ne sert à rien ici. Jai fait un compote de fruits secs, cest bon pour la santé. Buvez.

Je ne vous ai pas demandé de ranger, répond Mireille, chaque mot pesé. Cest ma cuisine. Cest mon foyer. Remettez tout comme cétait.

Catherine serre les lèvres, affichant lair dune victime offensée.

Voilà, je taide comme une vraie mère, je plie le dos, et toi, tu veux que je remette tout en place? Lorgueil, Mireille, cest un grand péché. Il faut respecter la mère de son mari, pas la critiquer. Jai tenu la maison depuis que tu marchais à quatre pattes sous la table.

Je vous respecte, Catherine, mais cest chez moi.

Chez eux, hein! sécrie la vieille femme. Et Sébastien, qui estil? Un invité? Cest aussi son domicile, donc le mien. Je suis la mère.

À ce moment, Sébastien entre, les yeux à moitié clos.

Questce que vous faites, les filles? bâilleil, inconscient du climat orageux. Ah, ça sent le compote. Comme quand on était enfants.

Catherine passe immédiatement de la colère à la douceur, se tournant vers son fils.

Bonjour, mon fils. Jai fait le compote, jai essayé. Mireille est mécontente, elle dit que jai mal placé la marmite, que jai rayé la poêle en lessuyant pendant des années. Elle crie contre sa mère.

Sébastien regarde Mireille, qui tient la poêle abîmée, le visage pâle, les lèvres serrées.

Mireille, daccord, commencetil, conciliant. Maman voulait bien. On achètera une nouvelle poêle, pas de problème. Ne vous disputez pas.

Ce nest pas la poêle, Sébastien, murmure Mireille. Cest la question des limites.

Sébastien, pourtant, continue à boire le compote, essayant dadoucir les tensions. Il sait que le soutien ne vient pas de sa mère. Mireille comprend quelle ne doit plus attendre.

Elle range la poêle cassée dans la poubelle, sous les cris de Catherine: «Oui, on peut encore y faire frire!», puis se dirige vers son travail.

La journée sécoule comme dans un brouillard. Mireille, au bureau, ne pense quà la maison. Que va encore imaginer la bellemaman? Laver des pulls en laine à leau bouillante? Jeter sa collection de thés de luxe pour des herbes du jardin?

Le soir, en rentrant, elle sent une odeur âcre, chimique. Dans la cuisine, Catherine, le foulard en tête, vaporise une solution trouble sur le ficus de Mireille.

Questce que cest? demande Mireille, posant son sac.

Des pucerons, affirme la vieille femme avec autorité. Jai mélangé du savon de ménage avec du kérosène, une vieille recette de grandmère. On va tout traiter.

Le ficus na pas de pucerons! Cest une variété à taches blanches, pas des insectes! sécrie Mireille, ouvrant les fenêtres, lair devient irrespirable. Doù vient ce kérosène?

Je lai trouvé chez Sébastien, dans le placard. Ne crie pas, je sauve tes plantes. Tu ne les arroses plus, elles meurent.

Mireille regarde son ficus Benjamin, quelle cultive depuis cinq ans. Les feuilles se ratatinent sous la mixture corrosive. Cest la goutte qui fait déborder le vase. Elle inspire profondément, se retient. Demain, cest le samedi, cest lanniversaire de Sébastien, des invités arriveront. Pas de drame ce soir. Elle déplace les fleurs dans la salle de bain et les rince sous la douche, les larmes coulant sur ses joues.

Le samedi commence par la bataille du menu.

Jai commandé un gâteau, annonce Mireille en sortant les ingrédients pour les salades. Au plat principal, du canard à lorange, une sauce aux agrumes. En entrée, des canapés au saumon, une salade de roquette et crevettes, un plateau de fromages.

Catherine, assise à la table, boit son thé dans une soucoupe, une habitude qui exaspère Mireille, mais elle reste muette. Elle pose la soucoupe bruyamment.

Tu deviens folle, ma fille? On ne sert pas de la roquette, cest de la mauvaise herbe! Les invités veulent de la vraie bouffe, du bon vieux poulet, de la salade, des pommes de terre, du hachis! Où est lolégane? Où est la salade russe?

Ce nest pas Noël, Catherine, et nous ne sommes pas en 1980, réplique Mireille. Mes invités préfèrent léger et savoureux.

Tes invités, peutêtre, mais mon fils a des gens normaux. Ce matin jai acheté du saucisson, des petits pois, de la mayo. Je vais faire de lolégane, du poulet à lail, pas ton canard sucré. Cest dégoûtant.

Non, affirme Mireille, se plaçant entre la bellemaman et le four. Vous ne couperez rien. Le menu est fixé, je cuisine seule.

Tu minterdis de nourrir mon fils? serre les yeux Catherine. Regardela, la reine. Je suis sa mère, je sais ce que Sébastien aime!

Sébastien aime ce que je prépare, répond Mireille. Sil vous plaît, Catherine, allez dans le salon, regardez la télévision. Je gère.

Catherine serre les lèvres, jette un regard meurtrier, puis sort, marmonnant: «On verra comment ils boiront ta salade».

Mireille inspire, se lance dans la cuisine, se disant quil ne reste que deux jours à supporter. Le canard marine, les légumes sont coupés, les fromages disposés sur un plateau en bois. À six heures, tout est prêt. La table est dressée, les bougies allumées. Mireille se change, se maquille, prend quarante minutes.

Quand elle revient, vêtue dune robe élégante, elle sarrête net devant la porte.

Sur la table impeccablement dressée, audessus des nappes de lin, trône un grand saladier. Dans le saladier, immergée dans de la mayo, une montagne dolégane, découpée en gros morceaux irréguliers. À côté, sur un plat de canapés, des morceaux de poulet gras dégoulinant dhuile, qui tombe sur la nappe.

Devant le four, Catherine arrose le canard du vinaigre.

Questce que vous faites? sécrie Mireille, la voix chuchotée.

Je sauve la fête, déclame la vieille femme fièrement. Ton canard était fade, jai ajouté du vinaigre et du poivre. Jai fait la sauce sucrée comme un compote. Jai râpé une petite salade pendant que tu décorais. Sinon la table serait vide, un affront.

Mireille court au four. Lodeur acide du vinaigre lassaille. Le plat est irrémédiablement ruiné. La sauce orange sest transformée en grumeaux bruns. Le canard, qui aurait dû cuire toute la nuit, est carbonisé.

Elle regarde la table. Le saladier de mayo ressemble à une botte sale sur une robe de mariée.

La porte souvre, Sébastien entre, élégant en chemise.

Oh, maman, tu as fait lolégane? sexclametil, sans voir létat de Mireille. Super! Javais peur quon meure de faim. Mireille prépare toujours des délices, on ne sen lasse pas.

Ces mots sont la goutte deau qui fait déborder le vase. Cinq ans quelle a cherché à être la femme parfaite, à maîtriser les recettes compliquées, à rendre le foyer chaleureux. Et il, devant sa mère, a dévalorisé tout son travail.

Mireille sapproche du saladier, le soulève. Il pèse trois kilos.

Mireille, questce que tu fais? sourit Sébastien, incrédule.

Silencieusement, elle vide le saladier dans la poubelle. Un bruit sourd, et la montagne de mayo disparaît.

Que faitesvous, maudite? hurle Catherine, se jetant sur elle. Vous jetez la nourriture!

Mireille pose le saladier vide sur le sol, jette le poulet brûlé, le canard, dans la même poubelle. Le four se vide, le plat se brise.

Mireille, tu deviens folle! crieFinalement, Mireille referma la porte, décida de repartir seule, libérée de lemprise familiale, et de reconstruire sa vie à son rythme.

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