J’ai envoyé Michaël vivre chez sa maman

Je tai renvoyé chez ta mère,» annonça Églantine.
«On vit comme des inconnus!» sexclama Michaël. «Sais-tu ce qui mirrite le plus dans tout ça? Cest que toi, tu sembles être satisfaite de tout!»

«Questce qui se passe, mon cher?» demandaije calmement.

«Eh bien, hier jai oublié que les toilettes de notre appartement ne sont pas placées comme dans une vraie maison, mais au milieu de la salle de bains. Et je me suis cogné le genou contre le réservoir! Jai maintenant un hématome de la taille de ton sac à maquillage!»

«Quel sac à maquillage, mon chéri?» allongeaije mes mots, savourant le tic de son œil gauche. «Le petit, celui pour le rouge à lèvres? Ou le grand, où je garde mes outils de manucure que je nai pas utilisés depuis deux mois parce que tout largent part à tes caprices «masculins»?»

Michaël marmonna quelque chose, et la question fut close.

Comment avonsnous pu en arriver là? Il y a quatre mois à peine, jétais la fiancée la plus heureuse du monde. Javais Michaël, beau, intelligent et fiable (du moins je le pensais). Javais mon propre appartement, tout neuf, à rénover, acheté grâce à largent provenant de la vente du petit deuxpièces de ma grandmère au centre de Lyon.

Questce qui a pu déraper? Tout, absolument tout.

Tout a commencé quand mon «prince à cheval blanc» sest métamorphosé en râleur professionnel sur le canapé.

«Écoute,», fit il une grimace qui déforma son beau visage, «les gens normaux réparent dabord, puis emménagent. Pas vivre dans une boîte de béton comme des»

«Comme des qui?», sentant la colère monter en moi, je me suis approchée et ai plongé mon regard dans le sien. «Comme ceux qui ne peuvent pas se permettre de payer un loyer de mille cinq cents euros par mois pendant les travaux? Ou comme»

Michaël rougit. Ces deux dernières semaines, il passe de plus en plus de nuits chez sa mère, qui vit dans un spacieux troispièces hérité dun mari décédé sans héritiers.

De plus, il a quitté son emploi il y a trois mois et se trouve maintenant en «recherche active» dun poste. En pratique, cela signifie quil parcourt les annonces et se rend à des entretiens une fois par semaine, tandis que le reste du temps il reste devant son ordinateur à jouer.

Sa mère lui envoie de largent, sans se douter que son «cher petit garçon» flâne. Elle lentend chanter les mêmes excuses que moi: crise économique, difficulté à retrouver un emploi comparable, il nest pas prêt à travailler comme manutentionnaire, etc.

En bref, le gars sest installé confortablement.

Michaël se tut, et je repris loffensive.

«Et chez ta mère, ça se passe bien?»

Il se gonfla immédiatement.

«Pourquoi ta mère seraitelle concernée?» sindignatil. «Elle Elle sinquiète pour moi! Elle aurait vu hier comme elle était dépitée quand je lui ai dit que nous nous lavions dans une bassine depuis deux semaines parce que la cabine de douche nest toujours pas raccordée!»

«Nous ne la raccordons pas?» mécriaije. «Nous? Ou bien ce quelquun qui a menacé de faire tout le chantier luimême, qui serait censé manier le tournevis?»

Il semblait que tout le chantier reposait sur moi. Cest moi qui brandissais le tournevis, pas lui. Michaël se contentait daller au magasin pour ramener des provisions. Cuisiner, il ne savait même pas.

Il sapprêtait à répondre, mais je linterrompis :

«Dismoi, qui a installé les toilettes au centre de la salle de bains? Qui était trop paresseux pour lire le plan de la plomberie?»

À cet instant, mon chat Figaro traversa le rebordtableau et heurta la tasse que je métais offerte pour la pendaison de crémaillère. Elle se brisa en mille morceaux, et

Je compris que cétait un signe.

«Écoute, mon amour,» dis-je dune voix posée, «il me semble vraiment que tu ne devrais pas rester dans ces conditions épouvantables. Retourne chez ta mère, dès maintenant.»

«Églantine, tutu veux mexpulser?» haussatil les sourcils.

«Je te libère de cette souffrance.»

Jouvris la nouvelle porte dentrée, contente que nous ayons pu la poser à la place de lancienne, tenue à la force dun serment.

«Ta mère te préparera un bon dîner, repassera tes chemises, lavera tes chaussettes même les toilettes seront à leur place! Quant à moi, je me débrouillerai.»

Michaël tenta un sourire condescendant qui se transforma en rictus entre le rire et le citron.

«Églantine, arrête» lançatil. «Tu ne me fais pas rire. Sans moi, tu ne tiendras pas!»

«Comment en estu arrivé à cette conclusion?» ricanaisje. «Depuis deux mois, je fais quasiment seule ce chantier pendant que tu files chez ta mère te plaindre. Hier, par exemple, jai moimême raccordé la machine à laver. Trois tutos visionnés, le tour est joué. Et toi, tu nas même pas pu lire le mode demploi.»

«Eh bien» ricana-til. «Elle a mis la machine en marcheCest déjà un exploit. Un enfant le ferait!»

«Si un enfant le ferait, pourquoi pas toi?» rétorquaije.

«Je nai pas pu!» semportail. «Je»

«Tu nas tout simplement pas voulu, nestce pas?» reprisje. «Michaël, dismoi, questce que tu veux vraiment? Rester sur le canapé à critiquer? Aller dire à ta mère que je suis une mauvaise compagne parce que je toblige à vivre dans des conditions «inhumaines»?»

«Écoute»

«Au fait,», linterrompusje à nouveau, «si tu te plains encore à ta mère que je te prive de nourriture, je lui révélerai la vérité: que tu «cherche un emploi» en jouant à tes jeux de tir comme un ado de quinze ans, sans jamais prendre la moindre responsabilité.»

«Voilà des menaces!» soupiratil. «Bon, daccord. Jirai chez ma mère, et quand tu te seras calmée, on parlera.»

«Pas besoin de parler,» répliquaije. «Jai tout dit. Emballe tes affaires et dis bonjour à ta mère, je suis sûre quelle sera ravie.»

Comprenant que je ne plaisantais pas, Michaël sourit, rassembla ses maigres effets et les mit dans un sac.

«Quel bonheur que je ne me sois pas marié à toi,» marmonnatil, comme pour se donner du courage. «Tu maurais étouffé, on aurait divorcé.»

«Exactement!» rétorquaije. «Alors pars, la porte est ouverte. Nous, Figaro et moi, on sen sortira.»

«Ha!» sexclamatil. «Avec Figaro! Vraiment, vivre avec un chat, cest le sort de gens comme toi. Bientôt, tu auras quarante chats!»

Quand il sortit, Figaro vint se frotter à mes jambes. Je le pris dans mes bras, lembrassai sur la touffe duveteuse.

«Allez, petit, maintenant cest à toi dêtre le chef de la maison. On sen sortira?»

Il cligna des yeux des deux côtés, comme pour dire «oui».

Ce quil nous a appris, cest que la responsabilité ne simpose pas, elle se partage. Quand on assume chacun sa part, même les plus petites mains ou pattes peuvent construire un foyer solide.

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J’ai envoyé Michaël vivre chez sa maman
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