J’ai donné un ultimatum à mon mari : soit il quitte sa maman pour moi, soit c’est la séparation !

Je me suis réveillé vers six heures et demie, le bruit de la télécommandée de Mélisande qui bidouillait son smartphone ma tiré du sommeil. La lueur bleutée de lécran lui frappait les yeux comme un phare. Au fond, on entendait la bellemère, Géraldine, qui tambourinait dans la cuisine avec les casseroles. Elle se levait à six heures du matin et réveillait toute la maison dun fracas digne dun orchestre.

«Sébastien, pourquoi tu ne dors pas?», ma demandé Mélisande en se frottant les yeux.

«Je regarde un film,» a-t-elle répondu sans quitter son téléphone.

Jai tiré la couverture et je me suis assis. Lappartement était minuscule, à peine douze mètres carrés. Ma chambre denfant aurait été plus spacieuse. Nos affaires étaient rangées dans deux valises sous le lit, le placard était monopolisé par les vieilles bibelots de Géraldine.

«Cest temporaire, ma chérie,» disait-elle. «Je les débarrasserai et je vous rendrai le placard.»

Ce «temporaire» a duré huit mois.

«Mélisande, il faut quon parle,» aije lancé.

«Après le petitdéjeuner,» a répliqué Géraldine, qui préparait déjà des crêpes.

«Des crêpes!» aije crié, puis, craignant quelle nentende, jai rapidement baissé le ton. «Mélisande, je nai rien à faire des crêpes. Je veux quon vive séparément, tu comprends?Séparément!»

«Encore le même problème,» a soupiré Géraldine. «Mélisande, on avait prévu déconomiser avant de se lancer.»

«Quand avonsnous prévu?» aije sauté du lit, enfilé mon peignoir. «Tu disais quelques mois, mais ça fait déjà huit! Huit, Sébastien! Et toi, tu ne cherches même pas un appartement à louer. Tu te contentes que ta mère te nourrisse, te lave, te nettoie. Tu rentres du travail et tu tallonges sur le canapé comme un collégien après les cours!»

«Pourquoi tant de tension?» a-t-il répondu en sétirant. «Tout va bien, on vit, on économise.»

«Quelles économies!» aije éclaté de rire. «Tu touches 1200 et tu ne veux pas changer de poste! Tu dis que le travail chez ton oncle Vasile est confortable, que léquipe est sympa! Mais avec ça, on népargnera rien dici cinq ans!»

Sébastien a froncé les sourcils, il détestait que je parle de son salaire.

«Au moins le travail est stable. Pas comme toi qui saute dun poste à lautre tous les six mois.»

Jai gardé le silence. Oui, javais changé demploi, cherchant mieux payé et avec des perspectives dévolution. Aujourdhui, je gagnais 2000 en tant quadministratrice dun centre de santé, avec la promesse dun passage à 2500 de chef déquipe.

«Sais-tu quoi?» aije murmuré. «Je suis fatiguée de devoir demander la permission à Géraldine pour poser une petite étagère à shampoings dans la salle de bain. Fatiguée dentendre que je ne fais pas les frites correctement, que je ne plie pas tes chemises comme il faut. Fatiguée de feindre que jaime regarder avec elle les séries du soir dans la cuisine, parce quil ny a pas de télé dans notre chambre!»

«Mélisande, tu exagères,» a rétorqué Sébastien. «Ma mère nest pas comme ça.»

«Ta mère,» aije interrompu, «me considère comme une fille de passage, qui occupera ton temps jusquà ce que quelquun de mieux arrive. Elle me joue des petites méchancetés chaque jour: parfois elle met du sel dans mon thé au lieu du sucre «par accident», parfois elle lave mon linge avec tes chaussettes noires et il devient tout gris.»

Jai gardé le silence, espérant que cela passerait. Mais jai trente ans, Sébastien! Je veux ma propre maison, des enfants, pas rester éternellement la fille de la tante qui vit dans la même pièce.

Sébastien a baissé la tête, je voyais quil était déchiré entre moi et sa mère.

«Mon ami Julien loue un studio,» aije continué, «650 net par mois, à peine meublé. Jy suis allée voir. On pourrait couvrir le loyer et la nourriture. Jéconomise 20000 chaque année pour lapport dun crédit immobilier. Dans deux ans, on pourra acheter un petit appartement dans un nouveau lotissement, le nôtre.»

«Tu as tout décidé sans moi!» sest fâché Sébastien. «Tu es allée regarder! Cest censé être une décision de couple!»

«Décision de couple?» aije ricanné. «Sébastien, mon chéri, nous ne décidons jamais rien. Tout passe par Géraldine qui hoche la tête pendant que tu restes muet. Même les vacances, nous sommes allés à la maison de sa sœur à Biarritz parce quelle la dicté, alors que je rêvais de Nice.»

Dans le couloir, on a entendu Géraldine :

«Les enfants, à table! Les crêpes refroidissent!»

«Jemménage dici deux jours, avec ou sans toi. Sinon, cest le divorce. Décide!», aije lancé en sortant de la pièce.

Toute la journée, je flottais dans le brouillard. Au travail, les collègues me demandaient si je nétais pas malade. Mon visage le montrait bien. Le soir, je suis rentré tard, jai traîné dans le centre commercial, errant sans but.

Sébastien était absent. Géraldine était à la cuisine, sirotant du thé avec de la confiture.

«Mélisande, Sébastien a dit que vous vouliez partir,» a-t-elle dit dune voix mielleuse. «Cest une blague?»

«Non, Madame Géraldine, ce nest pas une blague,» aije répondu.

«De largent jeté aux poubelles!» a ricané Géraldine. «Vivez ici, économisez! Nous avons vécu vingt ans chez ma mère et on sen est sorti!»

«Je ne veux pas économiser pendant vingt ans,» aije rétorqué. «Je veux vivre maintenant.»

«Tu es trop gâtée,» a-t-elle raillé. «Tu penses que Sébastien courra après toi? Il est sage, il ne quittera jamais sa mère.»

«Nous verrons,» aije dit en me retirant dans ma chambre.

Sébastien est rentré vers minuit. Je faisais semblant de dormir, mais il sest assis au bord du lit et a murmuré :

«Mélisande, jai visité lappartement dont tu parlais.»

«Et alors?» aije demandé.

«Il est bien, lumineux, fenêtres sur cour, tranquille. Je lai signé. Demain on signe le bail. Maman a crié une demiheure, mon père est resté silencieux comme dhabitude. Mais jai compris que tu avais raison. Il faut quon commence à vivre à deux.»

Je nen croyais pas mes oreilles.

«Vraiment?»

«Oui, jai pris ta main. Pardon davoir traîné, javais peur que ça ne fonctionne pas. Et javais peur pour ma mère, elle est seule, mon père est souvent en déplacement. Je pensais la laisser tomber.»

«Sébastien, on ne part pas à lautre bout du monde, juste dans un autre quartier,» aije dit. «On pourra lui rendre visite chaque semaine.»

«Je le lui ai dit,» a souri Sébastien. «Elle a répondu quelle ne voulait plus me voir.»

«Ça passera,» aije dit en le serrant. «Elle sy habituerait.»

«Jaimerais aussi» a-t-il bafouillé. «trouver un meilleur travail. Je vais chercher, promis.»

Je lai embrassé.

«Ensemble, on y arrivera.»

Nous avons déménagé samedi, pendant que Géraldine était à la campagne. Le père de Sébastien a aidé à transporter nos valises jusquau quatrième étage. Avant de partir, il a dit :

«Vous faites bien, les enfants. Vivre séparés, cest ce quil faut aux jeunes.»

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