Sur le canapé de la cuisine : retour en France après des années d’absence, entre espoirs de retrouvailles et réalité d’une place incertaine dans la maison rénovée pour mon fils

SUR LE PETIT CANAPÉ DE LA CUISINE

Voilà, il y a ce petit canapé dans la cuisine, il est très confortable, je pense que tu pourras y dormir quelques jours, me dit calmement mon fils.

Je ne réponds rien, épuisée par le voyage. Je viens de rentrer à la maison pour les vacances, juste avant le Nouvel An. Lattente à la frontière a été interminable, jai eu froid, je rêve dune bonne douche et jai faim, alors je préfère me taire, même si une tempête gronde dans mon cœur.

Jespérais un autre accueil, bien sûr. Cela fait trois ans que je nétais pas revenue. Je travaillais en République tchèque, partie gagner ma vie dès que mon fils sest marié.

Nous avions une maison, mais elle nétait pas rénovée, faute de moyens. Nous survivions à peine. Jai élevé mon fils seule, mon salaire était au minimum, et mon ex-mari ne maidait jamais financièrement, même la pension alimentaire narrivait pas toujours. Jai tout porté seule.

Quand Étienne a grandi et décidé de se marier, jai compris quil ny avait plus rien pour moi à la maison il fallait partir à létranger, comme tant dautres femmes, pour assurer ma retraite et aider mon enfant.

Je suis partie en République tchèque, où ma cousine, Claire, travaillait déjà depuis quelques années. Elle ma aidée à minstaller.

Au début, cétait difficile tout était nouveau, la langue étrangère, les conditions pas très bonnes. Nous louions un appartement à six femmes dans deux petites pièces. On aurait pu trouver mieux, mais cela aurait coûté plus cher, et chacune de nous était venue pour économiser, pas pour vivre dans le luxe.

Mais, mois après mois, je my suis habituée. Javais un objectif : ramener de largent pour rénover la maison. Je travaillais beaucoup, le temps de repos était rare. Je me disais que tout cela finirait bientôt, que je rentrerais chez moi, là où ma famille mattend.

Maman, pourquoi tu mets de largent de côté ? ma demandé un jour mon fils au téléphone, depuis la France.

Comment ça, pourquoi ? On va rénover notre maison, ai-je répondu, surprise.

Je propose de ne pas attendre et de commencer tout de suite. Tu as déjà un peu dargent de côté, non ? dit-il.

À ce moment-là, javais seulement 5 000 euros, mais cétait suffisant pour débuter les travaux. Étienne sest lancé sérieusement, il ma expliqué son plan, et tout ma plu.

Je nétais même pas rentrée, préférant travailler encore un peu. Tout largent gagné, je lenvoyais directement à mon fils, impatiente de voir le résultat.

En rentrant, je suis stupéfaite notre maison est méconnaissable, elle na plus rien à voir avec celle que jai quittée.

Un grand salon avec des baies vitrées, des meubles élégants et coûteux, et un immense téléviseur plasma trône sur le mur.

Étienne est fier de lui, il me montre chaque pièce, ravi du travail accompli.

Je suis émerveillée, tout est vraiment beau et luxueux, je naurais jamais espéré un tel résultat. Mon fils sest révélé un excellent gestionnaire, il a su utiliser largent avec intelligence.

Cest magnifique, mon fils, bravo. Mais où est ma chambre ? ai-je demandé.

Un silence gênant sinstalle, puis mon fils me propose de dormir sur le petit canapé de la cuisine, quil trouve très confortable.

Maman, ce nest que pour les vacances. On a pensé que tu serais mieux dans la cuisine, il fait plus chaud, et tu ne dérangeras pas. On a beaucoup de choses à faire, beaucoup dinvités.

Ces mots me transpercent comme une douche froide. Je comprends quil est adulte, quil a sa vie, mais le sentiment dêtre de trop, davoir tout donné pour lui et de navoir plus rien, me fait mal.

Je dors dans la cuisine, écoutant mon fils rire avec ses amis venus lui rendre visite. Je repense à tout ce que jai fait pour lui, à mes efforts pour lui offrir le meilleur, et maintenant, je me sens étrangère dans ma propre maison.

« Cest beau chez toi. La maison est déjà à ton nom ? » jentends depuis la cuisine la conversation de mon fils avec son ami.

« Pas encore, mais je compte en parler à maman bientôt quelle mette la maison à mon nom, je fais tout ici, mais ce nest pas encore à moi. Et si elle décide de se remarier » répond mon fils, et tous éclatent de rire.

Je ressens une profonde gêne, impossible à décrire. La maison est à mon nom, et je nai aucune intention de la céder, surtout maintenant que ma position est si précaire. Sils minstallent dans la cuisine aujourdhui, où vivrai-je si je donne la maison à mon fils ?

Je nattends pas la discussion avec mon fils, je fais mes valises et retourne en République tchèque, expliquant aux enfants quon ma rappelée durgence au travail.

Après tout ce qui sest passé, je comprends que jai beaucoup à réfléchir. Peut-être devrais-je arrêter de financer mon fils et commencer à économiser pour macheter un petit appartement. Quen pensez-vous ?

Оцените статью
Sur le canapé de la cuisine : retour en France après des années d’absence, entre espoirs de retrouvailles et réalité d’une place incertaine dans la maison rénovée pour mon fils
L’équilibre parfait