Il n’est jamais trop tard pour élever ses enfants

Élever, ce nest jamais trop tard.
Maman, tas mis mes vêtements pour lécole ?
Anaïs a poussé la porte de la chambre de sa mère, jetant un regard partout.
Oui, tout est sur le portevêtements,
a répondu Nathalie.
Daccord, a acquiescé la petite en refermant la porte derrière elle.

«Même un merci ne sest pas échappé de tes lèvres», sest pensée Nathée, en jetant un œil à lhorloge. Elle sest immédiatement levée du canapé. Son mari devait rentrer du travail bientôt, il était temps de préparer le dîner.

Dans le berceau, la petite sœur a poussé un cri. Elle navait pas pu sendormir longtemps cet aprèsmidi, son rythme était tout chamboulé. Et maintenant quelle était réveillée, elle allait faire la tête toute la soirée.

Allez, Anaïs, a souri Nathée. Réveilletoi, on va jouer un peu.
Elle a installé le parc dactivités dans la cuisine et sest mise à cuisiner, en jetant de temps en temps un coup dœil à la petite.

Maman, il me faut mille euros, a foncé Élodie dans la cuisine. Demain, cest lanniversaire de ma copine, je veux lui acheter un cadeau.
Je te fais le virement tout de suite, a répondu Nathée en remuant les légumes.
Ok.
Un «merci»? a lancé la mère, un peu à bout.
Merci, a marmonné Élodie, le visage boudeur, en sortant de la cuisine.

Quand la fille a atteint ladolescence, son caractère sest vraiment corsé. Elle ne voit plus sa mère que comme une serveuse ou un distributeur. Mais Nathée était convaincue quau fond, sa fille était toujours douce et attentionnée, que lâge était juste compliqué.

Peu après, le mari est revenu. Après les salutations, il sest installé devant son ordinateur.
Allez, mangez, a crié Nathée, sentant la fatigue la gagner. Anaïs continuait à faire la tête.

Tout le monde sest assis en silence. Le mari et Élodie ont sorti leurs téléphones et se sont plongés dedans, pendant que la petite continuait à gémir et à réclamer dêtre prise dans les bras, ce qui empêchait Nathée de vraiment manger.

Demain soir, je vais au bistrot avec les copains. On boira une bière, on regardera le foot, a annoncé Nicolas.
Moi, je vais chez ma pote. Elle ne fête pas son anniversaire, on va juste papoter entre filles.

Nathée a soupiré. Personne navait même pensé à demander ce quelle voulait faire. Elle aurait aimé sortir aussi, mais qui soccuperait dAnaïs ?
Bon, a dit la mère, répondant à tout le monde dun trait. Mais on na même pas attendu de réponse, on a juste noté les projets.

Le soir venu, Nathée se sentait très mal, mais elle pensait que cétait juste le surmenage. Après avoir mis Anaïs au lit, elle sest allongée et sest endormie.

Au petit matin, la raison du malaise sest révélée : elle était malade. Elle navait pas été malade depuis quelle était tombée enceinte dAnaïs. Elle en avait presque oublié ce que cétait que dêtre vraiment souffrante.

Sa gorge brûlait quand elle essayait de parler, la tête martelait, le corps était tout raide. Elle a enfin trouvé le thermomètre qui affichait 38,9°C.
Super, a murmuré Nathée.

Nicolas et Élodie étaient déjà levés. Le premier devait partir travailler, la seconde à lécole. Anaïs, heureusement, dormait encore.

À peine avait-elle remonté au lit que Nicolas est entré.
Où est le petitdéjeuner ? a demandé, dun ton grognon.
Je suis malade, préparezvous tout seuls, a soufflé Nathée.
Daccord a acquiescé le mari.

Pendant que Nicolas et Élodie arpentaient la maison, Nathée narrivait pas à retrouver le sommeil. On aurait dit quils ne faisaient même pas deffort pour rester calmes.

Quand ils sont partis, et que Nathée a finalement sombré dans un demisommeil, Anaïs sest réveillée. La petite ne pouvait pas se nourrir toute seule, alors, après avoir avalé quelques comprimés, Nathée sest rendue à la cuisine.

La demijournée passée avec la petite lui a semblé une éternité. Elle voulait sendormir, ses yeux brûlaient, et la migraine ne partait pas.

Élodie est revenue de lécole, furieuse que sa mère nait pas préparé le déjeuner.
Élodie, je suis malade, fais-toi un truc à manger et sors jouer un peu avec Anaïs, au moins une heure, je pourrai dormir,
a dit Nathée.
Je nai pas le temps! a rétorqué la fille. Jai un anniversaire auquel je dois assister!
Élodie, je me sens vraiment mal, et grandmère est partie, elle ne pourra pas aider avec Anaïs.
Maman, je ne tai pas demandé de faire pousser ma sœur, débrouilletoi! a lancé Élodie, vexée.

Cette colère a explosé en Nathée. Elle avait tout fait pour sa fille : cuisine, ménage, lessive, achats, jamais de limites ou de reproches pour de mauvaises notes. Et questce quelle en a reçu?

Élodie est partie à la fête. Nathée aurait voulu la retenir, la punir, mais elle navait plus la force de crier. Heureusement, Anaïs sest endormie, et Nathée a pu récupérer un peu de repos.

Elle espérait que la soirée lallégerait, mais ça na pas aidé. Elle a donc appelé Nicolas pour annuler son programme et demander à quelquun garder la petite.
Nath, tu exagères! On avait prévu de se retrouver avec les copains, je ne peux pas tout annuler.
Nicolas, tu ne comprends pas? Je suis malade, je nen peux plus.
Demande à Élodie.
Elle est à lanniversaire, elle a même dit quelle ne voulait pas quon lui donne une petite sœur, a répliqué Nathée, sans pouvoir se retenir.
Bon, tiens bon, je ne peux vraiment pas tout annuler, a répondu Nicolas avant de raccrocher.

Cette frustration a donné à Nathée une énergie nouvelle. Elle était dhabitude très douce, essayait de ne pas déranger les autres pour des broutilles, pensait que, étant au foyer, tout devait lui revenir. Elle sétait chargée de tout, persuadée que la famille viendrait à son secours en cas de besoin. Mais ce jourlà, personne nétait là. Tout le monde était habitué à ce quelle fasse tout, et aujourdhui ils lavaient vraiment mise hors delle.

Elle a à peine passé la soirée avec Anaïs que, dès quelle la mise au lit, elle sest affalée sur le matelas, épuisée. Le mari est arrivé, suivi dÉlodie, bavardant joyeusement dans la cuisine, sans se douter quune guerre venait dêtre déclarée.

Le lendemain matin, Nathée se sentait bien mieux. Les médicaments ou le bon sommeil avait fait son effet, mais elle ne sest pas précipitée. Nicolas est entré, demandant doucement comment elle allait.
Normalement, a répondu elle.
Alors, tu vas préparer le petitdéjeuner?
Non.
Pourquoi? a froncé les sourcils le mari.
Désormais je ne cuisine que pour moi et Anaïs. Vous vous débrouillerez, a rétorqué Nathée.
Tu tes vexée? sest assis au bord du lit Nicolas. Allez, ce nest pas si grave, je suis revenu plus tôt hier.
Pourquoi? On dormait déjà quand tu es rentré.
Peutêtre que vous nétiez pas encore couchés.

Nicolas a observé Nathée, mais elle ne bougeait pas.
Tant pis, a grogné il.

Quand le mari et Élodie sont partis, Nathée sest levée, a préparé le déjeuner pour elle et Anaïs, puis elles sont allées à la pharmacie. Laprèsmidi, elle a encore mis la petite au dodo.

Élodie, de retour de lécole, a demandé ce qui était prévu pour le repas.
Aucun plan, on a déjà mangé avec Anaïs, a répondu la mère.
Et moi? sest plaint la fille.
Tu te débrouilles, tu ne maides jamais, donc ne compte pas sur moi, a répliqué Nathée.

Élodie et Nicolas espéraient que le soir serait plus doux pour Nathée. Elle était pourtant toujours si gentille et attentionnée, mais la rancune avait fait son chemin.

Maman, il faut que je lave ma blouse, a apporté Élodie le soir, jetant son vêtement sur le canapé sans même laller mettre dans le panier. Le lendemain matin, elle cherchait désespérément la même blouse.
Maman, où lastu mise? a demandé Élodie.
Je ne lai pas touchée, elle est toujours là.
Jen ai besoin aujourdhui! Je tai dit de la laver!
Jai déjà dit de ne plus compter sur moi, a coupé Nathée.
Ce nest pas juste! a crié la fille.

Le mari a ensuite râlé en ne trouvant pas ses chemises repassées.
Dans notre famille, chacun pour soi, non? a haussé les épaules Nathée.

Pendant un mois, Nathée a évité toutes les corvées, ne soccupant que dAnaïs. Le mari et Élodie ont dû apprendre à cuisiner, à faire la lessive, à repasser. La maison était un vrai bazar, rien ne se trouvait, mais comme Nathée était à la maison et navait pas vraiment besoin de grandchose, elle a toléré la pagaille.

Après un mois, Élodie et Nicolas ont capitulé. Ils ont préparé le dîner, ont invité leur mère à la table et se sont excusés. Nathée nétait pas totalement convaincue de leur sincérité, mais elle savait quils avaient tiré une leçon: la maman ne laisse pas les reproches lasser, et leurs bêtises finiront par leur retomber dessus.

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Un couple sans enfants découvre un bébé sur un banc. Dix-sept ans plus tard, les parents surgissent et réclament l’impossible.