Oleg a épousé Nadia par volonté de blesser Maria : Il devait absolument prouver qu’après sa trahison, il n’était pas brisé.

Je me souviens, comme si le temps navait pas pu leffacer, de ce pacte que javais scellé dans les ruelles de Bordeaux, il y a bien des années. Javais épousé Clémence de façon calculée, uniquement pour infliger une blessure à Marie, lancienne amoureuse qui mavait trahi. Il me fallait prouver que, malgré sa trahison, je nétais pas brisé. Avec Marie, nous avions partagé près de deux ans de relation.

Je laimais à en perdre la raison, prêt à modeler ma vie à son image, à soulever le ciel et à retourner la terre. Je pensais que le moment des fiançailles approchait. Mais chaque fois que le sujet du mariage surgissait, Marie détournait la conversation avec malice :

« Pourquoi se marier maintenant ? Je suis encore étudiante, et toi ton travail nest pas stable. Tu nas ni voiture, ni appartement. Vivre avec ma sœur sous le même toit, je ne le veux pas. Si seulement on vendait cette vieille façade, on pourrait y habiter sans tracas. »

Ces paroles me piquaient ; je ne pouvais les contester. Elles étaient fondées. Ma sœur Céleste et moi logions toujours dans lappartement familial, mon commerce ne faisait que commencer, et jétais encore étudiant en dernière année.

Lorsque mon père tomba gravement malade, je repris les rênes de lentreprise familiale. Nous vendîmes la maison, avec laccord de Céleste, pour débarrasser les parents des dettes. Largent servit à rembourser les créanciers, à renouveler le stock, et il ne resta quun maigre capital pour démarrer.

Marie, elle, vivait linstant présent ; les soucis du quotidien étaient pris en charge par ses parents. Moi, jéprouvais chaque jour la charge du foyer, du travail, du quotidien. Mais je gardais lespoir quun jour viendrait la maison, la voiture, la famille heureuse.

Un soir, nous avions prévu daller au cinéma. Clémence me demanda de ne pas la suivre, prétendant pouvoir rentrer seule. Jattendis à larrêt de bus, quand je vis soudain Marie arriver dans une somptueuse décapotable. Elle descendra, me tendit un livre et déclara calmement :

« Pardonne, mais nos chemins se séparent. Je me marie. »

Je restai sans voix. Que pouvaitelle avoir fait pendant mon absence ? De retour chez nous, Céleste me lut :

« Tu sais ? » demandatelle doucement.

Je hochai la tête, muet.

« Elle part avec un riche, veut que je sois témoin. Jai refusé. Traîtresse, tout ça derrière ton dos »

Je pris Céleste dans mes bras, caressant ses cheveux :

« Calmetoi. Quelle soit heureuse. Nous le serons encore plus. »

Puis je menfermai dans ma chambre pendant toute une journée. Céleste frappa à la porte :

« Viens, je tai fait des crêpes »

Le soir venu, jouvris les yeux avec une flamme de détermination :

« Préparetoi. »

« Où allonsnous ? »

« Je me marie. La première qui nrefusera sera ma femme. »

« Cest insensé ! Ce nest pas seulement ta vie » implora Céleste.

« Si tu ne veux pas, jirai seul, » rétorquaije, froid.

Nous nous rendîmes au parc, où la foule animait les allées. Une jeune femme croisa mon regard, ne détourna pas les yeux et accepta.

« Comment tappellestu, ma belle ? »

« Nadège, » répondisje.

« Alors fêtons nos fiançailles ! » memmenaelle, accompagnée de Céleste, au café le plus proche.

Le silence pesait à la table. Céleste ne savait comment commencer, tandis que la colère bouillonnait en moi, prête à se venger. Javais décidé que notre mariage aurait lieu le vingtcinquième jour du mois, comme celui de Marie.

« Vous devez avoir une raison sérieuse pour me proposer cela, » interrompit Nadège. « Si ce nest quun caprice, je ne suis pas offensée. Je peux partir. »

« Tu as déjà accepté. Demain nous déposerons notre dossier, puis nous irons rencontrer tes parents, » déclaraije dune voix ferme.

« Et noublie pas, passe du « vous » au « tu ». » ajoutaije en souriant.

Pendant le mois qui suivit, nous nous retrouvâmes chaque jour, partageant nos vies, nos histoires, nous ouvrant peu à peu lun à lautre.

« Dismoi, pourquoi tout cela ? » demandaitelle un soir.

« Chacun a ses pièces sombres, » esquivaije.

« Lessentiel, cest quelles ne nous étouffent pas, » répliquaelle avec un sourire.

« Et pourquoi ne testu pas opposée ? »

« Je me suis imaginée héroïne dun conte où lon épouse le premier aventurier qui se présente. Il y a toujours une fin heureuse, alors je voulais vérifier si cétait vrai. »

Derrière ce sourire se cachait une histoire douloureuse : un grand amour marqué par la perte, la déception et même quelques économies consumées. Elle avait appris que les relations demandent prudence. Les prétendants ne manquaient pas, mais elle distinguait aussitôt qui valait la peine. Elle ne cherchait pas un chevalier en armure, mais quelquun de droit, intelligent et capable dagir. En moi, elle vit la force, la résolution et le courage profond. Si je my présentais avec une bande damis, elle serait passée à côté.

« Alors, qui estu ? La Princessegrenouille ou la Belle aux cheveux dor ? » demandaije, la fixant droit dans les yeux.

« Tu devras membrasser pour le savoir, » répliquaelle mystérieusement.

Aucun baiser ne fut échangé. Aucun geste plus intime.

Je pris en charge tous les préparatifs du mariage ; Nadège ne faisait que choisir parmi mes propositions, même la robe avec son voile, que javais achetée.

« Tu seras la plus splendide, » répétaisje avec assurance.

Le jour du dépôt des dossiers au registre détat civil, le destin nous lança une surprise : Marie, accompagnée de son fiancé, apparut en face de nous. Jesquissai un sourire poli :

« Félicitations, » lui disje en lembrassant sur la joue. « Que votre portefeuille se porte bien à deux. »

« Ne fais pas le spectacle, » sifflat-elle, pâle.

Elle jaugeait Nadège, grande, élégante, rayonnante, dune prestance royale. Comparée à elle, Marie paraissait terne, ses jalousies piquantes comme des aiguilles. Le bonheur de son propre mariage sévanouissait, laissant place au doute.

Je me tournai vers Nadège :

« Tout va bien, » murmuraije, forcé de sourire.

« Il nest pas trop tard pour changer davis, » soufflaelle.

« Non. Nous allons jusquau bout. »

Ce nest quau moment de signer que, face à son regard profond et triste, je compris que ce que javais fait était une folie.

« Je te rendrai heureuse, » chuchotaije, et je crus un instant à mes mots.

Notre vie à deux commença. Nadège et Céleste sentendirent immédiatement, trouvant un terrain dentente. La fougue dOlivia (Céleste) apprit la retenue, tandis que Nadège, sans bruit, organisa le foyer avec maîtrise. Experte en finances et fiscalité, elle remit de lordre dans la comptabilité. Six mois plus tard, nous ouvrîmes une seconde boutique, puis des équipes de rénovation, vendant matériaux et offrant les travaux. Les bénéfices senvolèrent.

Nadège devint comme une Vasilissa sage, proposant des idées subtiles que je faisais mien. Tout était précis, planifié, régulier. « Cette prévisibilité me pèse, » pensaisje, « je naime pas ça. » Mais grâce à son ardeur, nos affaires prospérèrent davantage, construisant des maisons clés en main, le premier pour nous-mêmes.

Plus les affaires prospéraient, plus je revenais souvent en pensée à Marie.

« Si elle voyait ce que je conduis aujourdhui Ce nest plus une simple maison, cest un domaine, » me disaisje.

Et je me demandais : « Et si tout avait été autre ? »

Nadège le remarquait. Elle voulait être non seulement épouse, mais aussi amante. Le cœur, cependant, ne se forge pas à la volonté. « Toutes les histoires nont pas une fin heureuse, » pensaitelle, mais son nom, Nadège, signifiait « espérance », et elle ne se résignait pas.

Céleste aussi pressentait le danger.

« Ne fais pas une bêtise, tu perdras plus que tu ne limagines, » me conseillaelle en me surprenant sur le profil de Marie sur les réseaux.

« Ne mets pas le nez là, » rétorquaije avec irritation.

Céleste, les yeux brillants :

« Idiot. Nadège taime sincèrement, et tu ne fais que semer le chaos. »

« Il me manque encore la petite voix qui me corrigeait, » grondaje intérieurement.

Le passé me tirait toujours vers larrière, et jécrivis finalement à Marie.

Son destin était morose : sans emploi, sans diplôme, vivant dans un petit logement loué à la périphérie, sans retour chez ses parents.

Quelques jours je fus indécis, mais Nadège partit soigner sa grandmère malade, me laissant seul. Jorganisai la rencontre. Je fonçai vers la ville voisine, comme transporté par le vent, le cœur battant à tout rompre, imaginant la suite de nos paroles.

La réalité fut cruelle.

« Ah, quel beau petit scarabée, » sexclama Marie en se jetant dans mes bras.

Lodeur de son corps non lavé me fit reculer brusquement.

« Les gens regardent, » protestaije.

« Peu mimporte, » ricanaelle, vêtue dune jupe courte, maquillage criard, parfum exotique. Elle était lincarnation même du vulgaire, contrastant violemment avec la grâce de Nadège.

« Elle a toujours été ainsi, je refusais de le voir, » me dissimulaije, tandis quelle avalait des gorgées de bière.

« Donnemoi un peu dargent, je ne veux pas de dettes, » glissaelle, souriant.

Je ne savais plus comment fuir.

« Excusezmoi, je dois partir, » me levaije.

« On se reverra ? »

« Je doute, » disje à lserveur : « Laddition, sil vous plaît. »

« Je veux rester, » protestaelle.

Je posai mon billet sur la table, le serveur acquiesça.

Je repris la route, à la vitesse autorisée, marmonnant :

« Bien, quel idiot »

Céleste mavait prévenu. Pourquoi my être aventuré ? Peutêtre pour rien.

« Je nai jamais appelé ma femme Nadège, et je nai personne dautre » me stoppaije, réalisant soudain lessence de mon désarroi.

Cinq minutes, assis, les yeux perdus, je revoyais le visage de Nadège : ses yeux bleu azur, ce léger voile dans son regard, ses mains qui peignaient toujours mes cheveux avec tendresse.

« Jai promis de la rendre heureuse » murmuraije, démarquant la voiture. Je pris la route de campagne, longeant les champs.

« Une semaine sans toi, cest une éternité. Je nai même pas tenu deux jours, » déclaraelle quand elle sortit de la maison de sa grandmère, voyant mon véhicule.

« Fou, » son rire à travers les larmes fut la plus belle récompense.

« Nadège, ma chère, » susurraije à son oreille, la serrant contre moi. Nos têtes tournoyaient de joie, de soulagement, de bonheur.

Ainsi se termina cette étrange aventure, gravée dans ma mémoire comme un tableau où se mêlent lamour, la vengeance et la rédemption.

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