Se détendre chez ma fille

MarieThérèse Dubois, assise dans la cuisine de son appartement à Lyon, remue pensivement une soupe.

Dans sa tête tourne sans cesse la même idée: «Il me faudrait moi aussi, parfois, simplement ne rien faire et me reposer».

Sa fille Élodie, qui vient chaque weekend, trouve toujours le temps de se détendre, pendant que sa mère, comme dhabitude, saffaire à la cuisine pour toute la grande famille.

La veille de larrivée dÉlodie, de son mari Victor et des petitsenfants, MarieThérèse nettoie lappartement avec une attention particulière; les invités arriveront bientôt. Son mari André rentre tard du travail, épuisé, et les corvées domestiques retombent donc sur elle.

Parfois, lorsquelle sennuie, MarieThérèse appelle Élodie en pleine semaine juste pour entendre sa voix, ou pour demander un conseil. Cela la contrarie un peu: sa fille est toujours occupée.

Élodie a un poste exigeant, son travail est très stressant, et elle lui répète parfois, un peu irritée, de ne pas la déranger pendant les heures de bureau.

«Maman, pourquoi tu mappelles encore? On ne répond pas aux appels personnels au travail, tu as quelque chose durgent? Envoie un texto, je tai demandé de ne pas appeler!»

Écrire ne lui apporte aucune joie, elle veut simplement entendre la voix de sa mère

Un jour, MarieThérèse se rend compte quelle na jamais de weekend où elle ne fait rien, et quelle aussi aurait besoin de sévader. André laide, ils partagent beaucoup de tâches, mais il arrive quelle aimerait manger un repas préparé par quelquun dautre. Bien quelle soit à la retraite, elle se sent toujours accroupie sous les obligations, sans jamais voir la fin des corvées.

«Il faut que nous allions leur rendre visite», se dit-elle, et après en avoir discuté avec André, ils décident de passer les fêtes chez Élodie.

Élodie semble dabord ravie.

Mais la jeune femme, habituée aux soins de sa mère, est surprise de voir que, au lieu daider, MarieThérèse passe son temps à discuter avec les petitsenfants, puis sinstalle devant la télévision pour regarder un concert.

Élodie sattendait à la traditionnelle table de fête, aux tartes de sa mère et aux salades fraîches. Au lieu de cela, ses parents annoncent :

«Nous sommes si fatigués, quel bonheur de venir vous voir!»

Surprise, Élodie se fâche un instant, le visage marqué de déception: comment sa mère atelle pu la laisser tomber?

Les yeux de MarieThérèse sassombrissent, elle comprend tout.

«Enfin un repos chez ma fille!»

Elle ne peut plus se plaindre, elle est habituée à se sacrifier pour ses proches, et son cœur ne supporte plus linaction. Ce nest pas dans sa nature; elle est une femme dancienne école, issue de lépoque où «si le besoin se fait sentir, il faut agir».

Elle pousse un long soupir.

Élodie travaille beaucoup, Victor aussi, et même André, malgré son âge, reste actif.

MarieThérèse sourit à tous et se dirige vers la cuisine pour préparer le déjeuner festif.

Élodie la suit, voulant lui dire encore pourquoi elle se sentait abandonnée.

En ouvrant la porte, elle voit sa mère sous un autre jour.

Plus souriante, moins prête à aider à tout instant, une femme triste et un peu vieillissante, sans le sourire habituel.

Le visage de MarieThérèse paraît soudain résigné, comme si elle ne savait pas quon la regardait.

Élodie se serre contre sa mère, la serre dans ses bras, lembrasse, et sexcuse :

«Maman, je pensais préparer un nouveau plat, jai un peu perdu le fil, jespérais que tu maiderais. Mais si tu ne veux pas, ce sera encore une surprise pour tout le monde, y compris pour toi. Jai aussi acheté pour toi des produits de beauté, une crème pour le visage, une pour les mains, plein dautres choses. On en parlera autour de la table, je te montrerai tout. Mais pour linstant, profite du concert, maman»

Élodie offre à sa mère le cadeau quelle sest achetée: un coffret de cosmétiques très cher.

Un frisson dangoisse enfantine lenvahit. Le temps passe, sa mère vieillit, et elles se parlent peu. Que feraitelle si sa mère nétait plus là? Comment survivraitelle sans elle?

Des souvenirs denfance, de jeunesse, du jour où elle sest mariée et a eu son premier enfant remontent à la surface: sa mère trouvait toujours du temps, les problèmes dÉlodie étaient sa priorité, elle répondait au téléphone même la nuit quand Élodie lappelait, alors quelle devait se rendre au travail le lendemain.

MarieThérèse, émue, esquisse un sourire en entendant les paroles de sa fille, et toutes les rancunes sévaporent, elle reprend des forces.

Désormais, lorsquÉlodie rend visite, elle ne charge plus sa mère de toutes les responsabilités ; elles partagent tout, et peuvent parler cœur à cœur.

Sa fille lappelle même pendant la pause déjeuner, disant quelle a envie dentendre la voix de sa mère.

Elle trouve toujours du temps pour MarieThérèse, soccupe delle, et espère sincèrement que le jour où la mère aurait besoin de téléphoner, il y aura encore quelquun pour répondre.

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