Demain, rendez-vous chez ma future belle-mère. Mes amies mariées, essayant de me rassurer, m’ont presque fait mourir de peur.

Cher journal,
Demain je dois me rendre chez ma future bellemère. Mes amies mariées, en voulant me rassurer, mont presque fait la peur:
Souvienstoi de garder la tête haute, on ne ta pas trouvé dans une décharge
Ne laisse rien te passer audessus, mets les points sur les i immédiatement.
Sachesen que les bonnes bellesmères nexistent pas
Cest toi qui les rend heureuses, pas linverse.

Je nai pas fermé lœil de la nuit, et au petit matin jétais «plus belle quon ne le met dans un cercueil».

Nous nous sommes retrouvés sur le quai, puis à bord du TER. Deux heures de trajet. Le train franchit un petit bourg, puis la forêt. Lair glacé sentait le réveillon, la neige scintillait sous le soleil, crissait sous nos pieds. Les cimes des sapins bruissaient. Je commençais à grelotter quand, à ma grande joie, le village apparut.

Une vieille femme mince, en manteau usé, sabots réparés et foulard troué mais propre, nous attendait à la porte du hameau. Si elle ne mavait pas appelée, je serais passée à côté delle :
«Petite, je suis Agathe Dubois, la mère de Vincent. Enchantée.» Elle tira dune main ridée un gant de laine et me tendit la main. Poignée ferme, regard perçant sous le foulard.

Nous marchâmes le long du sentier entre les congères jusquà une chaumière de rondins noircis. À lintérieur, la chaleur séchappait dune cuisinière rougeoyante.
Quel miracle! À quatrevingt kilomètres de Paris, on se retrouve en plein MoyenÂge. Leau du puits, les toilettes à lextérieur, la radio absente dans chaque foyer, la semiobscurité de la cabane.

«Maman, allumons la lumière», proposa Vincent. Sa mère, dun air désapprobateur, répliqua:
«Ne reste pas plantée là comme une statue, sinon la cuillère te tombera dans la bouche!» Elle posa son regard sur moi:
«Bien sûr, mon fils, bien sûr, ma chère, je me chargeais dailleurs.» Elle tourna lampoule suspendue au-dessus de la table. Une lueur pâle éclaira à peine un mètre autour.

«Vous avez faim? Jai fait des nouilles, venez les déguster dans notre modeste cabane.» Nous mangions, échangeant des regards, tandis quelle murmurait des paroles douces, un œil vigilant. Elle saffairait, tranchait du pain, jetait du bois dans le feu, puis annonçait:
«Je vais mettre la bouilloire. On prend le thé.» Un petit thé à la petite cuillère, couvercle en forme de cône, cône percé dun trou doù séchappait la vapeur. Le thé nétait pas ordinaire, il était aux fruits rouges, on y ajoutait de la confiture de framboises qui réchauffait le corps et chasse les maux.

Je me sentais comme dans un film dépoque, jusquà ce que le réalisateur, imaginaire, crie: «Coupure! Merci à tous.»

Réchauffé par la nourriture et le thé, je pensais mallonger, mais elle nous poussa:
«Allez, les enfants, achetez quelques kilos de farine, il faut préparer des pâtisseries. Ce soir, Varick et Grégoire, leurs familles, viendront, et Ludovic de Paris arrivera pour rencontrer la future bru. En attendant, je prépare du chou en garniture, je fais de la purée.»

Pendant que nous nous revêtions, Agathe sortit den dessous du lit un chou, le tailla en tranches, et lança:
«Ce chou va se faire tailler, il deviendra une petite collation.»

En traversant le village, tout le monde sarrêtait, saluait, les hommes enlevaient leurs chapeaux, sinclinaient, lançaient un regard derrière eux.

La boulangerie se trouvait dans le village voisin. Nous y allâmes, puis revînmes à travers la forêt. Les sapins, coiffés de neige, scintillaient sous le soleil, les rochers reflétaient la lumière jaunâtre du retour. La journée dhiver était courte.

De retour à la chaumière, Agathe déclara:
«Mélusine, je vais tasser la neige pour empêcher les souris de ronger lécorce des arbres. Jemmènerai Vincent sous les sapins pour lancer la neige.»

Je restai seul avec la pâte, hésitant entre faire des petits gâteaux ronds ou des longues tartes, certaines à la taille dune paume, dautres à la taille dun poing. Certaines garnies généreusement, dautres à peine. Une était brune, lautre blonde. Jétais épuisé! Plus tard, Vincent me confia que sa mère était en train de méprouver pour voir si je méritais dêtre son gendre.

Une foule affluait, comme un flot dabondance. Tous étaient blonds, aux yeux bleus, souriants. Je me cachais derrière Vincent, timide.

Une table ronde occupait le centre de la pièce, et je fus placé sur le lit avec les enfants. Le lit, à lallure de forteresse, faisait lever les genoux au-dessus de la tête, les enfants sautaient, jai failli avoir le mal de mer. Vincent apporta une grande caisse recouverte dune couverture ; je my installai comme une reine sur son trône, sous les regards de tous.

Je ne mangeai ni le chou, ni loignon frit, mais je finîmes par tout avaler, tandis que nos oreilles grincèrent.

La nuit tomba. La future bellemère avait un lit étroit près du poêle, les autres dans le salon. «La cabane est petite, mais mieux vaut être ensemble», dit Agathe, en arrangeant un linge de lit à ma place, tiré dune commode sculptée par le père de Vincent.

Je voulus aller aux toilettes. Brisé du cadre du lit, je tâtais le sol du pied pour ne pas marcher sur personne, atteignis finalement le petit débouché sombre. Une créature à la queue se frottait contre mes bottes ; je criai, pensant à une raton, mais cétait un chaton qui, le jour, errait, et la nuit, revenait au foyer.

Je rejoignis les toilettes avec Vincent, qui, dos à moi, alluma une allumette pour éclairer le petit coin.

De retour, je me jette sur le lit et mendors, lair frais du village menveloppe, le bruit des voitures est absent.

Ce séjour ma appris que, même dans le plus simple des lieux, la chaleur humaine et la solidarité font de la vie un festin partagé. La véritable force réside dans lhumilité et le partage, et cest ainsi que je veux bâtir mon avenir.

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Demain, rendez-vous chez ma future belle-mère. Mes amies mariées, essayant de me rassurer, m’ont presque fait mourir de peur.
Arrivée prête à tout, mais tu veux imposer tes droits !