MAMAN NE VEUT PAS S’EN ALLER

Récemment, nous venons de subir une perte importante: la sœur de ma mère décède. Elle navait pas de mari, mais il reste sa petite fille de quatre ans, Amandine. Mon mari et moi prenons la responsabilité de la garder. Dès que lenfant apprend le décès de sa maman, elle se referme sur elle-même, ne sort plus de la maison et refuse catégoriquement de déménager. Nous emménageons donc dans lappartement où elles vivaient avec leur mère, persuadés quaprès les funérailles elle acceptera de venir vivre avec nous. Dès le premier jour, la cohabitation devient insupportable. La nuit, leau sallume et séteint toute seule, de même que lélectricité. Les portes et les planchers grincent comme si quelquun courait sans cesse dune pièce à lautre. Jessaie de bénir lappartement, mais rien ny fait.

Un soir, alors que je ne trouve pas le sommeil et que mon mari dort profondément, jentends un chuchotement provenant de la chambre dAmandine. Un frisson glacé me parcourt léchine, mais je ne réveille pas mon mari. Jallume doucement la lumière, mapproche de la porte et écoute. La seule voix que jentends est celle de ma petite:

«Je ne veux pas dormir, je veux jouer avec Katia», (cest sa poupée). «Encore un peu et je me coucherai.»

Jouvre la porte; elle est assise dans un coin, derrière larmoire, serrant sa poupée contre elle, les yeux grands ouverts, terrifiée. Elle me regarde comme si je pouvais être son ennemi.

«Amandine, avec qui tu parlais?» lui demandaije.
«Avec maman»

Un frisson me parcourt le dos. Je la borde, puis, épuisée, je me blottis contre mon mari et nous nous endormons. Durant la semaine suivante, la fillette continue de parler à quelquun. Je ne my attarde plus, attribuant cela au stress: lenfant a perdu sa mère, il nest pas rare quelle parle à son imagination. Lappartement teste toujours ma patience.

Un aprèsmidi, pendant que je prépare le déjeuner, jappelle Amandine à plusieurs reprises pour quelle vienne manger, mais elle crie quelle ne veut pas. Elle na jamais eu dappétit, et sa mère était dune impatience exaspérante, la traînant de force à table. Au dixième appel, un bruit sourd et des sanglots éclatent. Je me précipite dans la chambre et découvre une scène inexplicable: une grande armoire coulissante sest renversée sur la petite. Heureusement, elle nest pas écrasée; larrière de larmoire a juste effleuré le lit, laissant un espace entre le sol et la porte. Amandine est prise de panique et reste en état dhystérie jusquau soir.

Cette même nuit, jentends à nouveau ses pleurs et ses demandes de pardon. Jouvre la porte pour la consoler; elle grimpe dans mes bras, sy blottit fermement et fixe sans cesse le même coin de la pièce, comme sil y avait quelquun à lintérieur, les yeux remplis de terreur.

«Amandine, qui estce?» je lui demande.
«Maman» répondelle à voix basse.
«Dis à maman que tu la laisses partir et quelle doit sen aller.»
«Maman ne veut pas partir!»

Le quarantième jour après le décès, nous nous rendons tous les deux à la tombe, déposons des fleurs et distribuons des biscuits aux enfants du quartier pour commémorer la défunte. Le calme revient enfin. Nous vendons cet appartement et emmenons Amandine avec nous, prête à commencer une nouvelle vie.

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Bonjour, mon amour.