J’en ai ras-le-bol de vous porter sur mes épaules ! Plus un centime à dépenser—démerdez-vous pour vos repas comme vous voulez !» s’écria Yana en bloquant les cartes.

«Jen ai marre de tout porter! Plus un sou, et vous devez vous débrouiller pour manger!», crie Élise en bloquant les cartes.
Elle pousse la porte de lappartement et entend immédiatement des voix venant de la cuisine. Son mari Pierre discute avec sa mère, Madeleine Dubois. La vieille dame est arrivée ce matin et sest installée, comme dhabitude, dans la cuisine.

«Alors, le téléviseur, il se passe quoi?» demande Pierre.

«Il est tout à fait dépassé,» se plaint la bellemère. «Limage est floue, le son se coupe. Il aurait dû être remplacé il y a longtemps.»

Élise enlève ses chaussures et entre. Madeleine sirote son thé à la table, tandis que Pierre tripote son téléphone.

«Ah, Élise est là,» sexclame Pierre avec enthousiasme. «On parlait du télé de maman.»

«Quel est le problème?» demande Élise, épuisée.

«Il est complètement hors dusage. Il nous faut un nouveau,» répond Madeleine Dubois.

Pierre pose son téléphone et regarde sa femme.

«Cest toujours toi qui paies ce genre de choses. Achètemoi un télé. On ne veut pas toucher à notre argent.»

Élise se fige en retirant son manteau. Il le dit comme sil sagissait dacheter une baguette.

«Je nai pas envie non plus. Et toi?» répliqueelle.

«Tu as un bon travail, tu gagnes bien,» explique Pierre. «Et mon salaire est modeste.»

Élise fronce les sourcils, cherchant à voir si Pierre plaisante. Son visage rayonne de confiance.

«Pierre, je ne suis pas une banque,» ditelle lentement.

«Allez, ne sois pas bête,» la coupeil. «Ce nest quun télé.»

Élise sassoit et repense aux derniers mois. Qui a payé le loyer? Élise. Les courses? Élise. Les factures? Élise, encore. Les médicaments de Madeleine, qui se plaint sans cesse de sa tension et de ses articulations. Le crédit que la bellemère a contracté pour des rénovations; elle a cessé de rembourser au bout de trois mois, et Élise la repris.

«Tu te souviens de quelque chose?» lance Pierre.

«Je me souviens qui paie tout dans cette famille depuis deux ans.»

Madeleine intervient :

«Élise, cest toi la maîtresse de maison, la responsabilité tincombe. Ce nest pas si difficile dacheter un télé à ta bellemaman? Cest pour la famille.»

«Pour la famille?» répèteelle. «Et où est la famille quand il faut dépenser?»

«Ce nest pas que nous ne faisons rien,» rétorque Pierre. «Je travaille, et maman aide à la maison.»

«Aider à la maison?» sétonne Élise. «Madeleine vient juste prendre le thé et parler de ses maux.»

La bellemère se défend :

«Parler? Je vous donne des conseils pour bien gérer votre foyer.»

«Des conseils pour que je supporte tout le monde?» réplique Élise.

«Qui dautre le ferait?» sétonne Pierre. «Tu as un emploi stable et un bon revenu.»

Élise scrute son mari, qui croit réellement que cest normal que sa femme finance toute la famille.

«Et que faistu de ton argent?» demandeelle.

«Je lépargne,» répond Pierre. «Au cas où.»

«En cas de quoi?»

«On ne sait jamais. Une crise, un licenciement. Il faut un coussin de sécurité.»

«Et où est mon coussin?»

«Tu as un emploi sûr, ils ne te licencieront pas.»

Élise reste calme : «Peutêtre estil temps que vous décidiez, toi et ta mère, ce que vous achetez et avec quel argent.»

Pierre sourit. «Pourquoi parler ainsi? Tu gères largent à la perfection, et on essaie déjà de ne pas te surcharger.»

«Ne pas me surcharger?» le visage dÉlise devient rouge. «Tu penses vraiment ne pas me surcharger?»

«Ce nest pas quon te demande dacheter tout le temps,» intervient Madeleine. «Seulement quand cest vraiment indispensable.»

«Un télé estil indispensable?»

«Bien sûr! Comment vivre sans télé? Les infos, les séries.»

«On peut tout regarder en ligne.»

«Je ne comprends pas Internet,» coupeelle. «Il me faut un vrai télé.»

Élise voit que le débat tourne en rond. Tous deux croient sincèrement quÉlise doit tout financer pendant quils gardent chaque centime pour eux.

«Très bien,» ditelle. «Dismoi combien coûte le télé que vous voulez.»

«On peut en trouver un bon à quatrecents cinquante,» senthousiasme Pierre. «Un grand, avec internet.»

«Quatrecents cinquante euros,» répèteelle.

«Oui, ce nest pas grandchose.»

«Pierre, saistu combien je dépense chaque mois pour notre famille?»

«Beaucoup, jimagine.»

«Environ huit cents euros par mois: lappartement, les courses, les factures, les médicaments de ta mère, son prêt.»

Pierre hausse les épaules. «Cest la famille, cest normal.»

«Et toi, que dépensestu pour la famille?»

«Parfois du lait, du pain.»

«Tu dépenses au plus soixante euros par mois pour la famille,» calcule Élise. «Et même pas chaque mois.»

«Je mets de largent de côté pour les mauvais jours.»

«Pour quels mauvais jours?Le tien?»

«Le nôtre, bien sûr.»

«Alors pourquoi cet argent resteil dans ton compte personnel et pas dans un compte commun?»

Pierre reste muet, Madeleine se tait aussi.

«Madeleine, tu dis que ton fils subvient à la famille,» lance Élise. «Avec quoi?»

«Avec quoi?Le dernier jour que Pierre a acheté des courses, cétait il y a six mois, et seulement parce que je suis malade et que je lai demandé.»

«Mais il travaille!»

«Et je travaille. Mais mon salaire finit chez tout le monde, tandis que le tien ne sort que pour toi.»

«Cest comme ça,» répond Pierre incertain. «La femme gère le foyer.»

«Gérer le foyer ne signifie pas porter tout le poids sur tes épaules,» rétorque Élise.

«Que proposestu?» demande Madeleine.

«Que chacun se finance luimême.»

«Comment cela fonctionnetil?» sécrie la bellemaman. «Et la famille?»

«La famille, cest quand chacun contribue équitablement, pas quand une personne porte tout le monde.»

Pierre regarde sa femme, perplexe. «Cest une façon étrange de penser. Nous avons un budget commun.»

«Un budget commun, cest quand les deux partenaires mettent de largent dans un même pot et le dépensent ensemble.» répondelle. «Or, je mets, et toi tu gardes le tien pour toi.»

«Ce nest pas pour moi, je fais des économies.»

«Pour toi, parce que quand il faut de largent, tu le dépenses pour tes besoins, pas les nôtres.»

«Tu sais comment?»

«Je le sais. En ce moment, ta mère veut un télé. Tu as quatrecents cinquante euros de côté. Tu vas le lui acheter?»

Pierre hésite. «Cest mon épargne.»

«Exactement, la tienne.»

Madeleine intervient : «Élise, tu ne devrais pas parler à ton mari ainsi. Un homme doit se sentir chef de famille.»

«Et le chef de famille doit soutenir la famille, pas vivre aux frais de sa femme.»

«Pierre ne vit pas à tes dépens!» proteste Madeleine.

«Si, pendant deux ans jai payé le loyer, la nourriture, les factures, tes médicaments et ton prêt, pendant que Pierre gardait son argent pour lui.»

«Cest temporaire,» essaieil de se justifier. «Il y a une crise, les temps sont durs.»

«Ça fait trois ans que nous sommes en crise. Chaque mois, tu déplaces plus de dépenses sur moi.»

«Je ne les déplace pas, je demande de laide.»

«Aide?Tu as payé le loyer ces six derniers mois?»

«Non, mais»

«Tu as acheté des courses?»

«Parfois.»

«Acheter du lait une fois par mois ne compte pas comme faire les courses.»

«Daccord, je nai pas vraiment acheté, mais je travaille et japporte de largent à la famille.»

«Tu le mets immédiatement dans ton compte personnel.»

«Je ne le cache pas, je le garde pour lavenir.»

«Pour ton avenir.»

Madeleine reprend la parole : «Questce qui tarrive? Tu ne te plaignais jamais.»

«Je pensais que cétait temporaire, que tu finirais par contribuer aux dépenses familiales.»

«Et maintenant?»

«Je réalise que je suis traitée comme une vache à lait.»

Pierre éclate : «Comment peuxtu dire ça!»

«Quappellestu des cadeaux? Le télé, cest ce dont maman a besoin.»

«Si maman a besoin dun télé, elle doit lacheter avec sa pension, ou tu le fais avec tes économies.»

«Sa pension est petite.»

«Et mon salaire est extensible comme du caoutchouc?»

«Tu peux te le permettre.»

«Je le peux, mais je ne veux pas.»

Le silence sinstalle. Pierre et Madeleine se regardent.

«Que veuxtu dire que tu ne veux pas?» demandeil doucement.

«Je suis fatiguée de soutenir la famille toute seule.»

«Mais nous sommes une famille, on doit sentraider.»

«Sentraider, pas laisser une personne tout porter.»

Élise se lève, comprend quils la voient comme un distributeur à argent.

«Où vastu?» demande Pierre.

«Je moccupe de mes affaires.»

Sans un mot, elle ouvre son téléphone, débloque lapplication bancaire, bloque la carte commune à laquelle Pierre avait accès, puis fait un virement de toutes ses économies vers un compte ouvert il y a un mois, «au cas où».

«Que faistu?» senquiert Pierre, méfiant.

«Je règle mes finances,» répondelle sèchement.

Pierre tente de regarder lécran, Élise le tourne. En cinq minutes, tout largent passe dans son compte personnel, inaccessible à Pierre et Madeleine.

«Quy atil?» sétonne Pierre, inquiet.

«Ce qui aurait dû arriver il y a longtemps se passe maintenant.»

Élise retire les droits daccès de tout le monde, sauf les siens. Pierre reste bouche bée, ne comprenant pas lampleur du geste.

Madeleine se lève brusquement.

«Quastu fait?Nous serons sans argent!»

«Vous resterez avec largent que vous gagnez vousmêmes,» répond Élise calmement.

«Quentendstu par nousmêmes?La famille?Le budget commun?» hurle la bellemaman.

«Madeleine, il ny a jamais eu de budget commun. Il ny avait que mon budget, dont tout le monde se nourrissait.»

«Tu perds la raison!Nous sommes une famille!»

Dune voix posée, Élise conclut :

«À partir daujourdhui, nous vivons séparément. Je ne suis plus obligée de payer tes caprices.»

«Des caprices?Ce sont des dépenses nécessaires!» proteste Pierre.

«Un télé de quatrecents cinquante euros, cest une dépense nécessaire?»

«Pour maman, oui!»

«Alors que maman lachète avec sa pension, ou que tu le payes avec tes économies.»

Madeleine sadresse à son fils :

«Pourquoi tu restes silencieux?Faisle mettre à sa place!Cest ta femme!»

Pierre marmonne, évitant le regard dÉlise. Il sait quelle a raison mais ne veut pas ladmettre.

«Pierre, pensestu vraiment que je dois subvenir aux besoins de toute ta famille?»

«Nous sommes mari et femme.»

«Mari et femme, cest un partenariat, pas une situation où lun porte lautre.»

«Mon salaire est plus petit!»

«Ton salaire est plus petit, mais tes économies sont plus grosses: tu ne les dépenses que pour toi.»

Pierre reste muet. Madeleine, voyant que son fils ne la pousse plus, intervient :

«Rendsmoi largent immédiatement!Je manque de médicaments!»

«Utilise ton propre argent.»

«Ma pension est petite!»

«Demande à ton fils.Il a des économies.»

«Pierre, donnemoi de largent pour les médicaments!»

Pierre flanche. «Maman, je garde ça pour la famille.»

«Je suis la famille!»

«Ce sont mes économies.»

«Tu vois?Quand il sagit de dépenser, largent de tout le monde devient soudainement personnel.»

Madeleine change de ton.

«Élise, parlons calmement. Tu as toujours été gentille, toujours daide.»

«Jai aidé jusquà ce que je comprenne que je suis exploitée.»

«Tu nes pas exploitée, on tapprécie.»

«Appréciée pour quoi?Pour payer toutes les factures?»

«Pour soutenir la famille.»

«Je ne soutiens pas une famille, je soutiens deux adultes capables de travailler et de gagner leur argent.»

Le lendemain, Élise se rend à la banque, ouvre un compte séparé à son nom et imprime les relevés des deux dernières années, montrant que tout largent a été dépensé pour Pierre et sa mère: courses, loyer, factures, médicaments, le prêt de Madeleine.

De retour chez elle, elle sort une grande valise et commence à emballer les affaires de Pierre: chemises, pantalons, chaussettes, tout soigneusement plié.

«Questce que tu fais?» demande Pierre en rentrant du travail.

«Jemballe tes affaires.»

«Pourquoi?»

«Parce que tu ne vis plus ici.»

«Comment ça, je ne vis plus?Cet appartement est aussi le mien!»

«Lappartement est à mon nom. Je décide qui y vit.»

«Nous sommesEn ouvrant la porte, elle le regarde une dernière fois, souffle un adieu silencieux et ferme le seuil, laissant derrière elle le passé qui ne reviendra jamais.

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J’en ai ras-le-bol de vous porter sur mes épaules ! Plus un centime à dépenser—démerdez-vous pour vos repas comme vous voulez !» s’écria Yana en bloquant les cartes.
«Enlève ta bague de fiançailles, ma fille en a plus besoin !» exigea la belle-mère lors du dîner familial.