Le fiancé m’a présenté à sa mère, et celle-ci m’a remis une liste de 30 responsabilités à respecter.

Le fiancé a présenté Marine à sa mère, et celleci lui a tendu une feuille de trente points dobligations.
« Marine Dupont, vous avez perdu la raison ? Cest du grand nimporte quoi ! »
« Ce nest pas du nimporte quoi, Sophie. Je dis simplement ce que je pense. »
« Mais on ne peut pas dire à la direction que leurs décisions sont idiotes ! »

Marine sappuya contre le dossier de son fauteuil de bureau, un sourire en coin. À trentecinq ans, elle avait appris à ne plus se taire quand les choses allaient mal. Sophie, sa collègue et amie, jouait nerveusement avec son stylo, jetant des coups dœil vers la porte du bureau.

« Sophie, si on reste muettes, on ne sera plus considérées comme des personnes. Le nouveau projet est un fiasco, je lai dit. »
« Et alors ? »
« Rien. Quils en pensent. Jai exprimé mon avis, ma conscience est tranquille. »

Sophie secoua la tête et retourna à son ordinateur. Marine consulta son portable: trois appels manqués de Julien. Elle sourit. Julien était entré dans sa vie six mois auparavant, et depuis tout avait changé. Après un mariage raté qui sétait soldé par un divorce il y a cinq ans, elle naurait jamais cru retomber amoureuse. Mais Julien était différent: attentif, protecteur, fiable.

Elle rappela.

« Bonjour, mon cœur. Comment ça va ? »
« Normal. Je viens de me disputer avec la direction. »
« Tu es incorrigible, » répondit-il avec un rire dans la voix. « Écoute, jai quelque chose dimportant à te dire. »
« Quoi donc ? »
« Rien de grave. Juste ma mère veut me présenter à toi. On part ce weekend chez elle. »

Marine se figea. Faire connaissance avec la mère du compagnon était un pas sérieux. Julien parlait souvent de Valérie Martin, 68 ans, veuve, qui vivait seule dans une maison de campagne à la périphérie de Lyon. Selon lui, cétait une femme stricte mais juste.

« Tu es sûr ? Peutêtre trop tôt ? »
« Marine, cela fait six mois que nous sommes ensemble. Il est temps. Ma mère narrête pas de me demander quand je vous présenterai, vous la petite amie dont je parle sans cesse. »
« Très bien, samedi alors. »
« Je viendrai te chercher à dix heures. Ne tinquiète pas, tout se passera bien. »

La semaine qui suivit fut consacrée aux préparatifs. Marine acheta une robe sobre, bleu marine, jusquaux genoux. Elle choisit un cadeau: une boîte de bons chocolats et un bouquet de chrysanthèmes, fleurs que Julien lui avait confiées être les préférées de sa mère.

Vendredi soir, elle appela Sophie.

« Tu devines, demain je vais rencontrer la mère de Julien. »
« Cest sérieux ! Tu es nerveuse ? »
« Terriblement. Et si je ne lui plaisais pas ? »
« Allez, tu es magnifique. Questce qui pourrait ne pas lui plaire ? »
« Julien dit quelle est stricte. Et si elle me juge inapte à son fils ? »
« Ne te fais pas didées, tout ira bien. »

Malgré tout, Marine ne dormait pas. Le matin, elle hésita longtemps sur la coiffure, pour finalement opter pour un chignon discret. Julien arriva pile à dix heures, élégant en pantalon sombre, chemise blanche, veste de costume. Marine le voyait rarement ainsi formel.

« Tu es ravissante, » lembrassatil sur la joue.
« Merci, toi aussi, mon futur époux. »

Ils prirent environ une heure de route, Julien racontant ses projets de vacances, Marine nécoutant quà moitié. Plus ils approchaient de la demeure de Valérie, plus lanxiété montait.

La maison était grande, à deux étages, avec un jardin parfaitement entretenu. À la grille les attendait Valérie, grande, imposante, en tailleur sévère. Ses cheveux gris étaient impeccablement coiffés, le visage impassible.

« Bonjour, maman, » Julien embrassa sa mère sur la joue. « Voici Marine. »
« Bonjour, Madame Valérie, » Marine tendit les fleurs et les chocolats. « Enchantée. »

Valérie lexamina de la tête aux pieds, prit les présents, hocha la tête.

« Entrez, sil vous plaît. »

Lintérieur était dune propreté clinique, aucun grain de poussière, chaque objet à sa place. Le salon affichait un mobilier massif, des photos de famille encadrées identiques tapissant les murs.

« Asseyezvous, prenez le thé. »

En se levant pour préparer le thé, Marine parcourut les photos: Julien enfant en uniforme scolaire, en tenue militaire, à la remise de diplôme. Sa mère était toujours à ses côtés, son père napparaissait que sur de rares clichés anciens.

« Mon père est mort quand javais quinze ans, » murmura Julien, remarquant le regard de Marine.

Valérie revint avec le plateau. Tout était assorti, même la théière. Elle versa le thé et sassit en face.

« Alors, Marine, Julien ma beaucoup parlé de vous. »
« Jespère seulement des choses bonnes. »
« Différentes, » répondit la femme en sirotant. « Vous êtes comptable? »
« Oui, dans une société de construction. »
« Étiezvous déjà mariée ? »

Marine serra les dents. La question était attendue, mais toujours désagréable.

« Oui, jai divorcé il y a cinq ans. »
« Des enfants ? »
« Non. »
« Pourquoi le divorce ? »

Julien, embarrassé, baissa les yeux.

« Maman peutêtre que je ne devrais pas »

Valérie le fixa, puis se tourna vers Marine.

« Jai le droit de savoir avec qui mon fils fréquente. Pourquoi le divorce? »
« Il nétait pas fidèle, jai découvert son infidélité et jai demandé le divorce. »
« Et pas denfants? »
« Ce nest simplement pas arrivé. »

Valérie, dune voix ferme, déclara que dans leur famille il existait des traditions strictes. Elle se leva, alla chercher un dossier, revint et le déposa devant Marine.

« Voici la liste des exigences pour la future bellefille. Trente points. Lisez attentivement. »

Marine, les yeux écarquillés, parcourut le papier.

« Premier point : la bellefille doit rendre visite à la bellemère au moins deux fois par semaine.
Deuxième point : elle doit savoir préparer toutes les recettes du livre de famille.
Troisième point : elle doit avoir au moins deux enfants dans les trois premières années de mariage.
Quatrième point : elle ne doit plus travailler après la naissance du premier enfant.
Cinquième point : elle doit faire valider chaque gros achat par la bellemère »

Chaque point semblait plus démesuré que le précédent: tenue vestimentaire, entretien du foyer, éducation des enfants, même la coiffure à adopter.

« Cest une blague ? » sécria Marine.
« Je ne plaisante pas, » répliqua Valérie dun ton glacé. « Cétait la règle de ma bellefille décédée il y a trois ans. »

Marine se tourna vers Julien.

« Tu savais cela ? »
Julien hocha la tête, les yeux baissés.

« Je pensais que que tu accepterais, que maman finirait par changer. »

Marine, furieuse, jeta les feuilles sur la table.

« Cest du Moyen Âge, Julien ! »
« Ne dramatisez pas, » rétorqua Valérie, les lèvres pincées. « Ce sont des exigences raisonnables pour une femme décente. »

Elle parcourut mentalement les points les plus absurdes: « Je dois vous remettre mon salaire », « Je ne peux pas sortir avec mes amies sans votre accord», « Je dois vivre chez vous la première année après le mariage ».

Marine secoua la tête, le cœur battant.

« Comment astu pu mamener ici en sachant tout ça ? »
Julien tenta de rester calme.

« Parlonsen, sil te plaît »

Mais Valérie sinterrompit, le visage rougi.

« Joffre une vie confortable, un mari excellent, la sécurité. Vous nêtes pas une marchandise, mais les conditions sont claires. »

Marine saisit son sac.

« Julien, ramènemoi à la maison, maintenant. »

Julien, désespéré, la regarda.

« Si tu pars maintenant, tout est fini entre nous, » lança la mère.

Marine, les larmes retenues, sortit du véhicule. Le trajet de retour fut silencieux. Julien essaya de parler, elle se tourna vers la fenêtre, refusant découter.

Arrivé devant son immeuble, Julien sarrêta, la regarda.

« Marine, attendons, parlons. »
« De quoi ? De tes mensonges? »
« Je ne tai pas menti, je ne savais tout simplement pas comment te dire. »
« Tu mas présenté à ta mère alors que tu savais quelle préparerait cette liste. »
« Jespérais quelle changerait davis en te connaissant mieux. »

Marine, les yeux brillants, répliqua :

« Si tu maimais vraiment, tu ne maurais pas exposée à cette humiliation. Adieu, Julien. »

Elle entra, ferma la porte, retira ses chaussures et seffondra sur le canapé, retenant les sanglots. Le téléphone sonna. Cétait Sophie.

« Alors, ça sest bien passé avec la mère ? »
« Cétait un cauchemar. »
« Julien est pourtant un bon gars, il ta amenée comme un agneau à labattage. »
« Il dit maimer. »
« Il aime surtout sa mère. Tu nes quun passetemps pour lui. »

Marine accepta la vérité de son amie, même si le cœur était lourd. Il envoya plusieurs messages: « Rencontronsnous, je texplique tout, je parlerai à ma mère pour alléger les exigences. » Mais elle ne répondit pas.

Le lendemain, au bureau, une secrétaire lavertit:

« Madame Dupont, on attend une visite. »

En entrant dans la salle dattente, Marine découvrit Valérie, toujours en tailleur, les yeux perçants.

« Nous devons parler. »

Marine, dabord réticente, linvita à sasseoir.

« Vous êtes partie sans écouter. »
« Je ne veux pas connaître tout lhistoire. »

Valérie raconta alors la tragédie de son fils aîné, André, décédé avec sa femme il y a trois ans dans un accident. Elle révéla que la première épouse avait profité de largent du couple, quelle lavait trahie, et que depuis elle voulait protéger son unique fils restant.

« Je vous étouffe, vous le voyez, mais je ne veux pas que lhistoire se répète. »

Marine, bien que choquée, comprit que la peur de perdre son fils lavait poussée à imposer des règles impossibles.

Le reste de la journée passa sans grande agitation. Julien tenta de la joindre, sans succès. Le soir, en sortant du métro, il aperçut la voiture de Valérie et une jeune blonde aux yeux apeurés, présentée comme sa nouvelle fiancée. Marine détourna le regard, le cœur serré de pitié pour les trois protagonistes, prisonniers de leurs propres exigences.

De retour chez elle, elle appela sa mère.

« Maman, jai vu Julien avec une autre. »
« Et alors ? »
« Jai pitié delle, de lui. »
« Tu as raison. Chacun forge son bonheur. »

Sa mère répondit avec un rire doux :

« Je nai jamais dressé de listes pour tes prétendants. Ta vie, tes choix. »

Marine sourit, soulagée de la sagesse maternelle.

Les semaines sécoulèrent. Elle reprit le travail, retourna à la salle de sport, sinscrivit à des cours danglais et prévint des vacances dété. La vie sans Julien ne semblait pas si vide.

Un soir, la porte sonna. Julien, visiblement amaigri, apparut.

« Je peux entrer ? »
« Pourquoi ? »
« Juste cinq minutes. »

Il sassit, le visage fatigué.

« Tu avais raison. Tout est clair maintenant. »
« Et alors ? »
« La fille que ta mère a présentée a accepté les trente points. Elle a besoin dargent, de statut. Elle ma dit quelle jouera le rôle de la bellefille idéale pendant que je lalimente. »

Il baissa les yeux.

« Je ne sais pas quoi faire. Je vais probablement lépouser, ma mère a déjà organisé le mariage. »

Marine, calme, répondit :

« Il nest jamais trop tard pour changer, mais seulement si on le veut vraiment. »

Julien acquiesça, le visage désemparé. Il partit, laissant Marine seule, mais plus forte.

Six mois plus tard, Sophie annonça que Julien sétait marié, la cérémonie somptueuse organisée par Valérie. La nouvelle épouse affichait un sourire forcé, le mari un regard vide.

Marine, en observant la scène, comprit que la véritable liberté ne vient pas dune liste imposée, mais du respect mutuel et de lautonomie.

En rentrant chez elle, elle contempla le petit bouquet de roses quil avait laissé sur le pas de la porte, une seule rose avec une petite note: « Pardonnemoi, je corrigerai tout. ». Elle la posa dans un vase, la contempla un instant, puis la retira.

Ce jourlà, Marine réalisa que le plus précieux nest pas de se conformer à des exigences arbitraires, mais de vivre selon ses propres valeurs, de choisir un compagnon qui respecte ses aspirations. La leçon quelle retint : on ne peut jamais être la marionnette de la volonté dautrui ; la liberté daimer et dêtre aimé repose sur le respect, la confiance et la capacité à dire non quand cela devient toxique. Ainsi, chaque individu forge son propre bonheur, sans laisser les listes dautrui dicter le cours de sa vie.

Оцените статью
Le fiancé m’a présenté à sa mère, et celle-ci m’a remis une liste de 30 responsabilités à respecter.
L’Illusion de la Tromperie : Entre Magie et Mystère