Vous avez vécu, maintenant c’est à notre tour

**Journal intime**

*Dimanche soir*

Mon fils, Louis, est venu me voir aujourdhui avec cette demande qui me serre le cœur. « Écoute, maman, tous mes amis ont eu de laide pour leur appartement. Je vais me marier bientôt, alors aidez-moi ! Vous voulez vraiment quon se retrouve à la rue ? Pas besoin dacheter, on pourrait vivre dans le studio que vous louez. Et si vous me le mettiez à mon nom ? Pour que ce soit juste, bien sûr »

Je suis assise à la cuisine, les factures éparpillées devant moi. Mon mari, Philippe, est parti travailler depuis longtemps déjà, et je nai toujours pas la force de ranger. Mes pensées tourbillonnent comme des abeilles agitées. La paix familiale sest envolée ces derniers tempsnotre cadet ne cesse de nous épuiser avec ses exigences.

Moi, je rêve simplement de vivre enfin pour nous : une chambre à notre goût, un salon refait à neuf Louis se marierait, emménagerait avec sa femme, et lappartement serait à nous. Mais non. Le divorce dÉlodie, notre fille aînée, avec ce bon à rien, a tout chamboulé. Nous avons dû lui céder la plus grande chambre pour elle et les enfants, Théo et Louna.

Et dans un mois, ce sera le mariage de Louis avec sa fiancée, Camille. Depuis des mois, ils squattent ici, et nous sommes désormais sept à nous marcher dessus dans ce trois-pièces.

Camille entre dans la cuisine. Mon visage se ferme aussitôt.

« Bonjour, Marie, » dit-elle en ajustant sa queue-de-cheval parfaite. « Vous prenez le petit-déjeuner ? Ou je suis seule ? Je ne veux pas vous déranger. » Toujours ce tutoiement familier, jamais mon prénom complet. Cette effronterie me glace. Si seulement Louis ne ladorait pas autant

« Bonjour, Camille. Jai déjà mangé. Attends cinq minutes, je finis de ranger. »

Elle prend un verre deau. « Marie, je voulais vous demander quelque chose. Louis et moi avons discuté de notre logement après le mariage Quen pensez-vous ? »

Je pose les factures. Voilà. Le sujet quils ramènent sans cesse.

« Nous en avons déjà parlé. La chambre libre est à vous. »

Camille pose son verre, son regard devenant soudain hautain. « Soyons honnêtes. Votre appartement est charmant, mais cest le vôtre. Vous et Philippe y vivez depuis trente ans. Avec Élodie et ses deux enfants, nous sommes déjà cinq. Louis et moi ne voulons pas vivre sous surveillance. »

« Et où comptez-vous vivre ? » rétorqué-je, irritée. « Vous navez rien à vous. Tout ce que vous pouvez, cest louer. »

« Justement, » dit-elle en sasseyant. « Nous pensions à votre studio. Celui que vous louez. Nous pourrions y vivre. Bien sûr, nous paierions Ou vous pourriez nous en faire cadeau ? »

Je ricane. « Jai deux enfants, Camille. Je devrais vous donner le studio et léser ma fille ? »

« Élodie peut rester ici, » hausse-t-elle les épaules. « Vous avez trois chambres : une pour vous, une pour elle et les enfants. »

« Élodie a besoin de sa propre vie. Et non, je ne vous donnerai pas ce studio. Vous êtes jeunes, vous travaillez. Gagnez votre chez-vous. »

« Mais ça prendra des années ! Louis a eu une promotion, mais pour acheter, il faudra cinq ou sept ans ! Nous voulons vivre maintenant ! »

« Alors pourquoi cette noce luxueuse ? » ma voix se durcit. « Des limousines, un banquet pour cent personnes Si vous navez même pas de quoi vous loger, mariez-vous simplement et économisez. »

Camille se raidit. « Cest votre avis. Nous, nous voulons un beau mariage. Je veux une robe magnifique, montrer à mes amies que nous ne sommes pas des miséreux. Vous ne comprenez pas ? »

« Si. Je comprends que tu veux frimer. Mais un mariage sans toit, cest la voie directe vers le divorce. Les gens sensés achètent dabord, puis se marient. »

Furieuse, elle quitte la pièce.

*Plus tard ce soir*

Louis revient à la charge, visiblement influencé par Camille. Il critique même notre récent anniversaire de mariage :

« Vous avez fêté vos trente ans au restaurant parce que vous le pouviez. Nous avons économisé dix ans, remboursé la voiture que vous mavez offerte. Nous méritions ce moment ! »

« Vous auriez pu fêter ça à la maison ! Un barbecue à la campagne, moins cher. Ces euros mauraient été utiles ! Combien avez-vous dépensé ? Deux ou trois mille ? »

Je me retourne, choquée. « Cest toi qui me dis ça ? Toi qui nas même pas économisé pour un costume décent ? Nous payons 70 % de votre mariage, nous avons dû emprunter ! Et tu oses me reprocher ça ? »

« Ne crie pas, » grogne-t-il. « Je réclame juste ce qui mest dû. Où vais-je emmener ma femme ? Dans un taudis ? Maman, réponds ! »

« Et les parents de Camille ? Pourquoi ne vous logent-ils pas ? Tu exiges que je te donne mon appartement de secours, celui qui doit assurer notre retraite ? Ta sœur a deux enfants, elle a plus besoin daide que toi ! »

Camille surgit. « Élodie peut compter sur son ex-mari. Donnez-nous le studio, nous ne vous embêterons plus pour le trois-pièces. Nest-ce pas, Louis ? »

La dispute senvenime. Ils ne demandent plusils exigent.

*Une semaine avant le mariage*

Ce week-end, calme inattendu. Louis et Camille sont chez des amis, Élodie et les enfants chez une cousine. Philippe et moi regardons la télé quand on sonne. Personne nétait attendu.

Philippe ouvre. La voix perçante de Zoé, la mère de Camille, retentit.

« Salut, Phil ! Marie est là ? Laisse-moi entrer ! »

Je me fige. Je nai vu cette femme que trois fois, mais cétait assez pour la juger. Camille lui ressemble trait pour trait.

Je me précipite. Zoé a déjà déchaussé ses escarpins.

« Quest-ce qui vous amène ? » dis-je, sans salutation.

Elle sourit, faux-cul. « Salut, Marie. Je viens parler. Le mariage approche, et ma fille est en larmes. À cause de toi, soit dit en passant ! »

Je hausse un sourcil. « Ah bon ? Quai-je fait ? »

« Ne joue pas linnocente ! Pourquoi refuses-tu de les laisser dans ton studio ? Il est vide ! Tu ne veux pas aider ton propre fils ? »

« Zoé, pourquoi ne leur achetez-vous pas un appartement ? Pourquoi est-ce à moi de le faire ? »

Elle feint la surprise. « Mais je nai pas cet argent ! Si javais un logement, je le leur donnerais volontiers. Allez, Marie, arrête tes caprices ! »

Philippe explose. Il pousse Zoé vers la porte. « Ça suffit ! Dehors ! Dis à ta fille quelle naura rien. Cest terminé ! »

Elle part en maugréant. Philippe appelle Louis : il devra quitter lappartement dès son retour.

*Enfin seul. Ce soir-là, assise sur le canapé, je regarde les photos de notre jeunesse : Philippe et moi, souriants, pleins de rêves simples. Demain, je vais appeler lagence pour vendre le studio. Largent servira à rembourser lemprunt, à redonner un peu dair à nos comptes. Louis ne madressera peut-être plus la parole. Camille minsultera sûrement. Mais pour la première fois depuis des mois, je respire. Le silence est doux. Et notre maison, enfin, se sent comme la nôtre.

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Vous avez vécu, maintenant c’est à notre tour
Quand le destin se trompe : une histoire de passions et de choix