IL SUFFIT D’ÊTRE PATIENT

Éléonore Dubois le savait parfaitement. Elle navait plus ni vingt ni trente ans, et pourtant elle comprenait tout.

Un jour, épuisée dêtre seule, elle se plaignait à son amie Ludivine : «Pourquoi ça narrive jamais pour moi ? Suisje ennuyeuse ? Sentiraisje mauvais ou intrusive ? Ou bien ne donneje jamais damour et de tendresse?»

Tout le monde autour delle semblait mener une vie à deux: les beaux, les moches, les gros, les maigres, les buveurs, les élégants et elle, toujours célibataire.

«Écoute, Éléonore», dit Ludivine, «ne rigole pas, ma grandmère parlait dune chose le diadème du célibat.»

«Tu plaisantes», répliqua Éléonore en haussant les épaules, «on nest pas au Moyen Âge, non?»

«Tu ne crois pas?» sexclama Ludivine en sautant de sa chaise. «Ma cousineauseconddegré a même reçu ce diadème, ma grandmère la enlevé.»

«Quelle grandmère?», demanda Éléonore, simplement curieuse.

«Je vais appeler Nadine, ma sœur, celle qui a reçu le diadème.»

En dix minutes, Ludivine griffonnait sur une serviette en coinçant le bout de la langue. «Allô Nadine, comment ça va? Encore un mariage à préparer? Et Gérald? Il est parti?»

Ludivine raccrocha, puis, après un moment de silence, se lança: «Il faut que je trouve un cadeau pour le cinquième mariage de ma sœur. Le diadème semble vraiment fonctionner. Ladresse, tu viens?»

Éléonore haussa les épaules et accepta dy aller, mais la grandmère, après lavoir fait tourner en rond, la renvoya les mains vides.

«Tu nas aucun diadème.»

«Comment?Jai»

«Tu choisis mal les hommes?Le premier ta laissé avec un enfant et sest avéré marié. Le deuxième était un escroc. Le troisième même chose.»

«Le troisième?Je nen ai pas.»

«Ça viendra quand tu ty attendras le moins.»

La grandmère lui donna dautres conseils: aider son amie à consulter un médecin, boire des tisanes, ne plus trop critiquer.

Des années plus tard, désespérée de trouver le bonheur, Éléonore rendit visite à la grandmère guérisseuse de Bordeaux. Tout se passa comme prévu; elle rencontra finalement le troisième homme, mais il disparut sans explication.

Puis elle découvrit le voisin dà côté, un certain Yves Martel, qui habitait un appartement depuis des années inoccupé. La propriétaire, tante Katia, lui expliqua que le propriétaire venait seulement la nuit. Un jour, poussée par la curiosité, Éléonore jeta un œil à travers la porte entrouverte et vit un homme qui posait du papier peint.

Leur première rencontre fut maladroite dans le couloir, les portes de leurs appartements souvrant lune à la fois, comme un jeu de patience. Un jour, Yves aida Christelle à soulever son vélo, Éléonore lui offrit des croissants. Plus tard, au parc, le fils dYves, du même âge que le petit frère de Christelle, joua avec les deux enfants, tandis quÉléonore et Yves bavardaient joyeusement.

Six mois plus tard, Yves linvita à un dîner, la présenta à sa famille et proposa dunir leurs destins. Il déclara:

«Éléonore, je ne suis pas un gamin de vingt ans, je suis un homme avec ses convictions. Je te promets fidélité, travail, soutien, rien dalcool ou de cigarettes. Je nai pas de mauvaises habitudes. Je te respecterai, tapprécierai je ne sais pas aimer comme on le montre dans les films, mais je ressens quelque chose de vrai.»

Elle le questionna sur son passé, il avoua avoir aimé une fille dans sa jeunesse, mais que cela navait jamais fonctionné. Il avait eu dautres femmes, aucune ne layant vraiment comblé.

«Et si je ne suis pas la bonne?» demanda Éléonore.

«Tu le seras quand tu cesseras de chercher à tout prix.»

Après une semaine de réflexion, Éléonore accepta daller rencontrer la grande famille dYves: rires, chaleur, accueil. Elle craignait dêtre vue comme un simple substitut, mais tout se déroula à merveille. Elle ne regretta jamais davoir épousé Yves, qui savéra fiable et aimant. Leurs moments de doute étaient rares, parfois un regard fugace rappelait le passé, mais rien naltéra leur vie commune.

Un matin de printemps, alors quÉléonore lavait les fenêtres, Yves entra, sourit, la contempla et lembrassa. Il réalisa à quel point elle comptait pour lui, et elle comprit que la patiente attente de la grandmère nétait pas vaine.

«Bonne journée à vous tous!», pensa-t-elle, «Que votre amour, sil nest pas encore arrivé, frappe à votre fenêtre, et sil est déjà là, protégezle.»

Ainsi, Éléonore apprit que la patience nest pas une simple attente, mais la confiance que le temps révèle ce qui était destiné.

Оцените статью