En faisant le ménage chez mon grand-père, j’ai découvert un deuxième testament. Tout était destiné à moi.

Salut, cest moi, je te raconte ce qui sest passé quand jai fait le tri chez mon grandpère. Jai trouvé un deuxième testament, et il ma tout laissé à moi.

La vieille maison de SaintJean ma accueilli avec son air lourd et son silence. Jai foutu les fenêtres ouvertes pour laisser entrer le soleil de mai et le parfum de la lilas. Ça fait déjà un mois que papi nest plus, et je nai trouvé la force que maintenant de venir ranger ses affaires.

Michel Dubois, mon grandpère, était plus quun simple aïeul. Mes parents sont morts quand jétais petite, et cest lui qui ma élevé, qui ma mis sur les pieds. Ces dernières années, on se voyait à peine le boulot au centre administratif de la région, le traintrain quotidien, toujours le temps qui manque. Là, debout dans le salon où chaque objet me rappelait lui, je me sentais coupable de chaque jour perdu à ses côtés.

Le téléphone a rompu le silence.

Éléonore, tas commencé ? la voix de ma tante Geneviève était étrangement douce. Victor et moi on arrivera demain, on vous aidera à bouger les meubles. Ne touche à rien de précieux, daccord ?

Bien sûr, tata Gaby, jai répondu, les yeux sur le buffet où il gardait sa collection de coquillages. Je ne fais que trier les affaires, les papiers.

Parfait. Après la lecture du testament, cest un peu gênant Ne sois pas triste que papi ne tait laissé que ses bouquins et le piano. Il a juste voulu être juste.

Jai serré les lèvres. Au funérarium, le notaire avait lu le testament qui partageait la maison et les biens majeurs entre sa fille Geneviève et son fils Victor. À moi, seules les bibliothèques, le vieux piano et une horloge à mon nom des trucs qui ont une valeur sentimentale mais pas grand-chose en argent.

Cest bon, tata Gaby. Jai pas besoin dautre chose.

Exactement. Tas ton appart, ta vie. Nous, on a besoin de la maison du village pour la saison des vacances. Allez, à demain !

Jai raccroché, un gros soupir sest échappé. Papi disait toujours que la maison serait à moi. « Qui dautre la garderait, ma petitefille ? Tu comprends le sens des murs qui ont vu grandir la famille. » Jai pensé quil avait changé davis à la dernière minute mais cest son droit.

Jai passé la journée à trier les livres. Chaque volume gardait un souvenir : un recueil de contes à la couverture usée quil me lisait le soir, les manuels où il, ancien professeur, maidait en maths. Entre les pages, jai trouvé des fleurs séchées, de vieilles photos, des petites notes à son écriture soignée.

Le soir, cest le cabinet de papi qui ma attirée. Une petite pièce avec un bureau massif et des étagères jusquau plafond, toujours son « laboratoire créatif », comme il lappelait. Ici, il écrivait ses mémoires, tenait son journal, rangeait les archives.

Jai feuilleté les dossiers, les cahiers jaunis, les enveloppes vieilles. Dans le tiroir inférieur, un paquet de lettres liées avec du fil des lettres de ma grandmère que je nai jamais connue. À côté, un vieux carnet de cuir.

En louvrant, jai vu une note datée de lan dernier : « Appeler S.P. à propos du nouveau testament. Détruire lancien. »

Mon cœur a sauté. Un nouveau testament ? Mais le notaire, Serge Petit, na présenté quun seul document.

Jai continué les recherches, fouillant chaque tiroir. Derrière un tas de vieux journaux, une enveloppe indiquée « Testament Copie Original chez le notaire S.P. » datée dun mois avant le décès.

Les mains tremblantes, jai sorti le papier et commencé à lire. Dans ce testament, Michel Dubois laissait toute la maison, le terrain et les objets précieux à moi, Éléonore. Ses enfants, Geneviève et Victor, navaient droit quà une compensation financière.

« Ce choix nest pas une préférence pour un héritier, » écrivait papi, « mais le désir de garder le nid familial intact. Éléonore est la seule qui voit la maison comme un souvenir, pas comme un bien. Je suis sûr quelle le gardera pour les futures générations. »

Je me suis effondrée dans le fauteuil de papi, incrédule. Pourquoi ce second testament natil jamais été présenté ? Le notaire étaitil au courant ? Que faire maintenant ?

La nuit a été blanche. Jai tourné dans mon lit dancienne chambre, imaginant les scénarios. Présenter le testament déclencherait une grosse dispute. Geneviève et Victor avaient déjà des projets pour la maison, ils ne se voyaient pas vraiment près de papi, mais ils avaient quand même des droits.

Le matin, à peine le café prêt, le bruit dune voiture qui arrive. Geneviève est la première à entrer, bruyante et énergique.

Éléonore, on est là, moi et Marina, elle a fait signe à sa fille, qui traînait les yeux dans le hall. On va voir ce quon peut prendre tout de suite. Victor arrive plus tard avec les déménageurs.

Bonjour, jai souri, un peu crispée. Jai pas encore tout fini

Pas de souci, on aide! Geneviève a foncé dans les pièces, yeux qui balayaient les meubles. Je prends ce buffet, et le dressing de la chambre. Tu es daccord, Marina ?

Marina a haussé les épaules :

Comme tu veux, maman. Jsuis surtout venue pour la collection de pièces de mon grandpère, tu lavais promise.

Bien sûr, bien sûr! Éléonore, où est la collection de pièces? Il la collectionnait toute sa vie, tu sais. Marina, cest pour toi.

Jai senti la colère monter. La collection de monnaies était la fierté de papi. Il me montrait chaque nouvelle pièce, racontait son histoire. Et maintenant elle allait à Marina, qui était là, le visage boudeur, comme si elle était arrachée à quelque chose dimportant ?

Tata Gaby, jai commencé doucement, vous avez parlé au notaire après la lecture du testament ?

Geneviève sest arrêtée net.

Avec Serge Petit? Non, pourquoi?

Jai trouvé un indice dun autre testament, plus récent.

Le silence est devenu lourd. Marina a arrêté dexaminer le buffet et sest tournée vers nous.

Cest quoi ces bêtises? a dit Geneviève, la voix tremblante. Il ny avait quun seul testament, ils lont lu.

On devrait appeler le notaire, aije dit fermement. Jai une copie dun autre document.

Geneviève pâlit :

Éléonore, pourquoi remuer? Le père a fait son choix, tout est équitable. Tu as reçu ce qui lui tenait le plus à coeur: les bouquins, le piano. Il savait que tu aimes la musique.

Ce nest pas la question des objets, tata Gaby. Cest la dernière volonté de papi. Sil a changé davis, on doit le respecter.

Il a changé? a ricanné Geneviève, amère. Il na pensé quà toi! Nos parents sont morts, cest tragique, mais pourquoi il te mettait toujours avant ses propres enfants? On était pas des étrangers pour lui?

Jai été prise de court par son explosion :

Jai jamais demandé de traitement spécial

Bien sûr que non! Tu étais toujours là. Toujours. Nous, on a nos propres vies, nos soucis. On ne pouvait pas rester avec lui tout le temps.

Maman, calmetoi, est intervenue Marina. Si y a un autre testament, on le verra. Que les avocats sen chargent.

À ce moment, la porte sest ouverte, et Victor, grand mec au visage qui rappelait celui de papi, est entré.

De quoi vous disputevous? a demandé il, parcourant les visages tendus.

Éléonore a trouvé un autre testament, a lancé Geneviève. Il dit que le père lui a tout laissé.

Victor sest assis, lair fatigué :

Vraiment? Sa voix était calme. Le père mavait dit quil voulait changer le testament. Quil voulait garder la maison entière, parce que cest toi qui laimes vraiment.

Et tu ne las pas dit? a éclaté Geneviève. Traîtresse!

Ne crie pas, Gaby, a répondu Victor, lassé. Je ne savais pas sil avait déjà signé le nouveau ou sil allait juste le préparer. Quoi quil en soit, la maison est vieille, elle a besoin dentretien. Pour nous, cest juste un actif à vendre. Pour Éléonore, cest un souvenir.

Donc tu es de son côté? a sauté Geneviève, les bras en lair. Super! On va tout donner à la petite et rester les bras croisés!

Maman, arrête, Marina a roulé des yeux. Victor a raison. On na pas besoin de cette maison. Tu avais dit que tu voulais la vendre et acheter un appartement en ville.

Jai écouté leurs échanges, sentant une distance grandir. Pour eux, cétait un bien, un morceau de terrain. Pour moi, cétait un monde entier odeurs, bruits, souvenirs.

Voilà ma proposition, aije dit enfin. On appelle Serge Petit et on clarifie la situation. Si la dernière volonté de papi était bien celleci, je suis prête à vous payer une compensation pour vos parts, petit à petit.

Quelle compensation? a ricanné Geneviève. Sur ton salaire de bibliothécaire?

Je peux prendre un crédit, ou vendre mon appartement, aije répondu.

Maman, stop, a intervenu Marina. Appelons simplement le notaire.

Serge Petit est arrivé en moins dune heure, portefeuille en main, et sest installé au salon.

Vous avez trouvé un second testament? a-til constaté après que je lui ai tendu le papier. Je lexamine Oui, cest une copie authentique. Michel Dubois a bien rédigé ce nouveau testament peu avant de mourir.

Pourquoi vous ne lavez pas présenté? a demandé Geneviève, irritée.

Serge a retiré ses lunettes, se frotta le nez :

Une semaine avant son décès, il ma appelé pour dire quil voulait lannuler. Il avait prévu un rendezvous, mais il na pas survécu pour le tenir.

Donc son dernier souhait était de revenir à la première version? a demandé Victor.

Je ne peux pas laffirmer avec certitude, a répondu le notaire prudemment. Il na pas expliqué les raisons, juste quil ne voulait pas créer de discorde.

Les larmes mont monté aux yeux. Papi pensait à nous jusquà la fin, même sil a mis de côté ses propres désirs.

Juridiquement, a continué Serge, le testament le plus récent et non annulé est valable, donc celui qui vous laisse la maison. Mais si vous commencez à le contester, le litige pourra durer des années, et personne ne gagnera, sauf les avocats.

Le silence sest installé. Jai regardé lorme qui pousse dans le jardin, planté par papi avant ma naissance. Chaque printemps il fleurit de blanc, remplissant lair dun parfum léger. Papi disait toujours : « Tant que lorme fleurit, la maison vit. »

Je ne vais pas faire jouer le second testament, aije déclaré, me tournant vers eux. La maison restera comme elle est.

Quoi? a demandé Marina, surprise. Tu renonces à la maison?

Non, jai secoué la tête. Je propose une autre solution. La maison reste en copropriété. Personne ne la vend. Jy vivrai et je la garderai en bon état. Vous pourrez venir quand vous voulez, lété, le weekend, les fêtes comme une vraie maison de famille.

Mais pourquoi? a interrogé Geneviève. Pourquoi partager si la loi te le permet totalement?

Parce que papy voulait quon reste une famille, jai répondu simplement. Il craignait que lhéritage ne nous sépare. Il était prêt à changer sa dernière volonté pour éviter ça. Je veux honorer son souhait.

Victor ma longuement regardée, puis a hoché la tête :

Daccord, cest logique.

Geneviève a hésité, le conflit entre lappât du gain et le sentiment que cette proposition valait plus.

Qui paiera lentretien? Les réparations? a finielle par demander.

Je prendrai les dépenses principales, aije promis. Vous viendrez dans une maison prête à accueillir, à condition que personne ne réclame la vente, jamais.

Et si jai besoin dargent rapidement? a insisté Geneviève.

Je rachèterai votre part, petit à petit, aije assuré. Mais la maison restera la maison.

Marina a éclaté de rire :

Vous savez, papi aurait aimé ça. Il disait toujours quÉléonore est la plus sage dentre nous.

Serge Petit a souri, prêt à rédiger laccord, qui serait légal et conforme à la volonté de Michel.

Le soir, une fois les papiers signés et la tension retombée, on sest installé sur la terrasse avec du thé. Victor a raconté comment il avait aidé à construire la terrasse avec son père, Geneviève a parlé des tartes de sa mère, Marina a rigolé en évoquant les anecdotes denfance de papi.

Je les ai observés, et jai compris que javais retrouvé bien plus que des biens : javais retrouvé la famille. Le compromis était le prix à payer, et ça me convenait.

Quand ils sont partis, je suis allée dans le jardin. Lorme était en pleine floraison, ses pétales blancs recouvraient le sol. Des oiseaux piaillaient au loin. La maison respirait.

« Merci, papi, » aije pensé en levant les yeux. « Jai compris ta leçon. Le vrai héritage, ce nest pas les murs ou les objets, mais les gens qui saiment et se souviennent. »

Jai sorti de ma poche une feuille pliée la copie du second testament. Un jour, je la montrerai à mes enfants, je leur raconterai tout ça. Mais pas maintenant. Pour linstant, il faut garder ce qui compte vraiment : la maison familiale, les souvenirs et la paix entre nous.

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Lisa et la porte ouverte