Denis rentrait encore une fois du travail bien trop tard. Il était épuisé, et sa voiture commençait à faire des caprices, calant plusieurs fois en chemin, comme si elle pressentait que son propriétaire allait enfin réaliser son rêve le plus cher

**Journal intime — Une rencontre inattendue**

Je rentrais encore une fois du travail beaucoup trop tard. Épuisé, ma voiture avait décidé de faire des siennes, calant à plusieurs reprises sur la route comme si elle sentait que son propriétaire allait enfin réaliser son rêve et soffrir cette belle italienne dont il fantasmait depuis dix ans, peut-être plus. Jai souri en montant les marches, imaginant le volant lisse dune neuve sous mes mains, prête à dévorer les rues de Paris. Cétait pour ce rêve que je me privais, que jenchaînais les heures supplémentaires comme un forcené. Tout cela pour men approcher un peu plus. Je ne me souvenais même plus de mon dernier vrai congé, préférant les indemnités au repos. Mon patron appréciait mon engagement, bien sûr, mais sans excès. Il savait pertinemment que son employé modèle ne partirait pas et continuerait à trimer comme un mulet. Les primes ? Rares comme un soleil en novembre.

Jhabitais en banlieue, dans un petit appartement hérité de mon grand-père. Mes parents vivaient à Lyon, et nos retrouvailles étaient rares. Je supportais mal leurs sermons : *« Il est temps de grandir, de fonder une famille ! »* Les femmes et les enfants navaient jamais été ma priorité.

En atteignant le cinquième étage lascenseur encore en panne , jai failli trébucher sur un ivrogne affalé devant ma porte. Mon téléphone en lampe de poche, jai réalisé quil sagissait dune enfant, une fille denviron douze ans. Réveillée en sursaut par la lumière, elle sest redressée, tremblante. Mon regard a été attiré par la photo tombée de ses mains. Cétait moi. Je me souvenais parfaitement de ce cliché une soirée arrosée entre amis. La petite a ramassé la photo en vitesse et sest collée contre le mur. Doù la tenait-elle ? Un lien avec danciens potes ? Javais coupé les ponts avec la plupart, nos vies ayant divergé.

« Bonsoir, je je viens vous voir ! » a-t-elle bégayé.

Jai sorti mes clés, feignant de ne pas lentendre. Pourquoi venait-elle chez moi ? Qui était-elle ? Une arnaque ? Javais entendu tant dhistoires de pièges tendus avec des enfants Un coup monté pour maccuser ? Jai scruté les alentours pas de caméras. La police planquée chez les voisins ? Peu probable. Létage était désert depuis des années. Les anciens locataires, des vieux, étaient partis sans laisser trace, et leurs héritiers avaient abandonné ces logements invendables. Les ampoules grillaient sans être remplacées, lascenseur restait en rade pendant des semaines

« Je ne te connais pas, et je nattends personne », ai-je répondu avant dentrer.

« Attendez ! Je nai nulle part où aller ! Vous êtes bien Thibault Laurent ? »

Elle avait lair perdue. Mais qui sait ce qui se cachait dans sa tête ? Dans ce monde, on ne fait confiance à personne.

« Oui. Et alors ? »

« Alors tout est vrai ! Vous êtes mon père ! Et vous seul pouvez maider ! »

Jai éclaté de rire, secouant la tête. Quelle absurdité ! Un enfant ? Jamais. Et tant mieux. La paternité ne mavait jamais traversé lesprit jusquà maintenant.

« Dégage avant que je nappelle la police. Je nai pas de fille. »

Jai refermé la porte, mais sa voix ma poursuivi :

« Cest trop tard ! Je nai nulle part où aller ! Vous ne pouvez pas mabandonner ! »

Jai serré les tempes, comme pour chasser un vertige. Que marrivait-il ? Qui était cette gamine ? Comment avait-elle eu cette photo ? Et pourquoi prétendait-elle être ma fille ?

Dans la cuisine, jai posé mes clés, allumé la bouilloire. Un bouillon cube et du pain, puis au lit. Demain, le boulot mattendait, même si cétait mon jour de repos. Chaque euro supplémentaire me rapprochait de mon rêve.

Pourtant, je navais plus faim. Qui était-elle ? Les questions tournaient en boucle. Je me suis approché de la porte, tendant loreille. Des sangots étouffés. Elle était toujours là. Et si cétait vrai ? Si elle navait vraiment personne ?

Jai entrouvert la porte. La petite, recroquevillée sur son sac à dos, pleurait pas comme une enfant capricieuse, mais avec la douleur dune adulte.

« Entre. Raconte-moi ton histoire. »

Elle sest précipitée à lintérieur tandis que je scrutais le couloir. Rien. Aucun piège.

« Viens, je te fais un thé. »

Elle a hoché la tête. Jai sorti des biscuits secs tout ce que javais. Elle sappelait Amélie.

« Vous avez connu maman à la fête de luniversité. Elle était venue pour un spectacle. Son journal dit que que vous avez passé une nuit ensemble. » Elle a rougi. « Pas de détails ! Juste quelle vous admirait, mais que vous lavez chassée le lendemain. Elle est rentrée, a essayé de vous oublier puis elle a découvert quelle était enceinte. Elle a choisi de mélever seule. Elle ma tout donné, mais » Sa voix sest brisée. « Elle est malade. Une opération cardiaque urgente. On na pas largent. Personne pour nous aider. Si vous refusez elle mourra. Et moi, ce sera lorphelinat. »

Treize ans plus tôt, une aventure éclair avec une certaine Élodie. Si elle était tombée enceinte cette nuit-là Amélie ne me ressemblait pas, mais mon regard sest arrêté sur une tache de naissance en forme détoile sous son oreille. La même que la mienne. Mon cœur a vacillé.

Pourtant, même si cétait ma fille, je ne leur devais rien. Élodie mavait caché son existence. La colère ma submergé.

« Je ne te dois rien. Tu restes cette nuit, demain tu rentres. Comment ta mère a-t-elle pu te laisser partir seule ? »

« Elle ne sait pas que je suis venue. Sil vous plaît Sauvez-la ! »

« Rien à faire. »

« Maman avait raison de ne rien me dire sur vous ! Vous êtes minable ! »

Je lai retenue. « Si tu pars, jappelle les flics. Ta mère en fera une attaque. »

Elle sest tue, a bu son thé sans toucher aux biscuits. Je lui ai donné des draps.

Plus tard, jai trouvé en ligne une cagnette pour Élodie. Peu de dons. Les gens préfèrent aider les bébés. Jai ouvert la cachette dans mon placard largent de ma voiture. Lodeur du cuivre neuf me revenait, celle des essais chez le concessionnaire. Mais à quoi bon ? Mon vieux Peugeot roulait encore bien.

Et cette voiture Pourquoi la voulais-je ? Pour séduire ? Javais dépassé cet âge. Et maintenant ? Une fille. Une tache de naissance identique. Coïncidence ?

Jai repensé à Élodie. Cette nuit folle la seule où javais ramené une fille chez moi. Le lendemain, effrayé par ses questions, je lavais mise à la porte. Et si javais eu une famille ?

Au matin, je lai conduite à la gare. Elle ma insulté tout le trajet. Je nai rien répondu.

Trois mois plus tard, de retour du travail, jai aperçu une lumière devant ma porte. Une silhouette familière : Élodie, souriante, avec Amélie qui sest jetée dans mes bras.

« Papa, merci ! Pardon pour ce que jai dit ! Tu es le meilleur ! »

Élodie ma murmuré : « Merci. »

Cette nuit-là, javais renoncé à mon rêve. Largent, caché dans le sac dAmélie.

« Entrez », ai-je dit.

Nous avons pris le thé. Amélie nous a laissés seuls.

« Jai eu peur quand jai su. Tu mavais chassée Je nai jamais imaginé quAmélie te retrouverait. »

« Garde largent. Cest vraiment ma fille ? »

« La tienne. »

Jai pris un jour de congé. Le lendemain, parc dattractions, glaces, barbe à papa. Je les ai raccompagnées, promis de leur rendre visite.

Deux mois plus tard, je les ai présentées à mes parents. Stupeur et joie.

Et la voiture ? Je lai achetée. Après avoir changé de travail.

Parce que maintenant, javais une famille.

Оцените статью
Denis rentrait encore une fois du travail bien trop tard. Il était épuisé, et sa voiture commençait à faire des caprices, calant plusieurs fois en chemin, comme si elle pressentait que son propriétaire allait enfin réaliser son rêve le plus cher
Je t’invite chez toi